L’AFFAIRE Stavisky de 1930 à 1939 : Histoire
Publié le 17/12/2018
Extrait du document
L’AFFAIRE
Stavisky
Dès les années vingt, Alexandre Stavisky, alias Serge Alexandre ou encore Monsieur Alexandre, multiplie les escroqueries. Accumulant près d'une centaine de dossiers d'accusation, il bénéficie cependant de dix-neuf renvois de procès, ce qui laisse supposer de multiples complicités dans la police et les ministères. Mais, à la fin de 1933, le scandale éclate au grand jour. Ses conséquences politiques sont considérables puisque le régime lui-même paraît menacé. Sous la pression de l'«Affaire», l'antiparlementarisme gagne la rue. Les manifestations dégénèrent en émeutes, provoquant la mort dramatique de plusieurs personnes. Accusé de corruption, le gouvernement est contraint de démissionner.
Un PERSONNAGE
SÉDUISANT ET DANGEREUX
Serge Alexandre Stavisky, d'une famille russe d'origine juive, arrive en France en 1898. Il est naturalisé français en 1910. 11 entreprend des études de médecine qu'il abandonne bientôt, préférant la fréquentation des milieux artistiques plus ou moins marginaux. De plus, il a rapidement maille à partir avec la justice pour diverses escroqueries: fourniture d'armes à l'Italie, falsification de bons de la Défense nationale... Stavisky décourage cependant les plaignants et, quoique condamné à plusieurs reprises, échappe curieusement à l'application des peines. Pendant plus de quinze ans, l'escroc change constamment d'identité et brouille les pistes.
Cependant, Alexandre Stavisky est devenu riche. Il épouse en 1925 un mannequin de la maison Chanel, Arlette Simon. Le couple mène grand train à Paris, à Deauville, à Chamonix. Réceptions et autres mondanités témoignent de l'importance des relations entretenues dans les milieux du spectacle, de la presse, de la politique et des affaires. Les projets de Stavisky prennent de l’ampleur: en 1926, il réussit notamment à dérober huit millions de francs à deux agents de change. Le commissaire Pachot, chargé de l'enquête, témoigne: «D'une part, Stavisky a des intelligences dans l'administration; d’autre part, il est familier d'un grand nombre de personnalités politiques.» Le commissaire transmet à ses supérieurs, sans résultats. Est-ce si surprenant, quand on sait que l’avocat de Stavisky n’est autre que René Rcnoult, député de la Haute-Saône, qui fut ministre de la Justice à deux reprises ? Le dossier est ensuite transmis à la section financière du parquet, au substitut Albert Prince. Stavisky est finalement libéré pour «raison de santé».
Après avoir bénéficié de dix-neuf renvois successifs de son procès, l’escroc est devenu indicateur de police et multiplie impunément de douteuses machinations. Il profite de la guerre que se livrent la préfecture et le ministère de l'intérieur, et bien plus encore des compromissions politiques. Ainsi, le préfet de police de Paris, Jean Chiappe, connu pour ses sympathies pour l'extrême droite, n’occupe-t-il son poste que grâce à la bienveillance du président du Conseil Camille Chautemps, radical, dont le propre beau-frère, Pressard, n'est autre que le procureur qui suit le dossier Stavisky.
Couvert par ses amitiés dans la police et dans les ministères, Stavisky monte des «affaires»: il réussit à compromettre dans un dossier de mécanique agricole un avocat, Gaston Bonnaure, député radical de la Seine; il place ses hommes de main dans le conseil d'administration d une société, la Foncière; il cherche à piéger la Caisse des dépôts et consignations avec un placement forcé de cent millions de francs d'obligations. Paul Reynaud, ministre des Finances, s'inquiète, mais un rapport du substitut Albert Prince blanchit Stavisky, lequel s'intéresse alors aux chevaux de course, achète le théâtre de l'Empire. Les «affaires» s’accumulent sans inculpation aucune. Au début des années trente, il s’essaie à une nouvelle activité, qui lui semble fructueuse: au détriment des crédits municipaux.
Du CRÉDIT MUNICIPAL DE BAYONNE
AU «SUICIDE» DE STAVISKY
Monsieur Alexandre tente d'abord une opération contre le Crédit municipal d'Orléans: en échange de bijoux surestimés, il cherche à se faire prêter d'importantes sommes d’argent. Mais le
«
L'AFFAIRE
STAVISKY.
Après le suicidt supposé d'A itx1111dre Stavisky,
Albtn Prince, constiller d la cour d'app el de Paris
qui suit le dossier depuis le débuJ
dt l'affaire, est retrouvé mort sur une voie ferrée.
Les circonstances du drame sont assez troubles.
© Photo Lapi • Viol/et
L'AFFAIRE STAVISKY.
René Renoult,
l'avocat de Stavisky, est aussi député
tJ il fut ministre de la Justice à deux reprises:
des amitiés qui jetteront la suspicion
sur la classe politique française tJ contribueront
au développement dt l'antiparlementa risme.
© Colleclion Viol/et
TEMPÊTE POLITIQUE:
LE 6 FÉVRIER 1934
La mort de Stavisky soulève une violente offensive de la
presse et de certains hommes politiques de droite qui trouvent dans
cette affaire une occasion inespérée pour abattre le système parle
mentaire de la Ill' République, dénoncer la corruption et l'immobi
lisme des dirigeants.
L'organe monarchiste d'extrême droite l'Acti o n
française se déchaîne: Léon Daudet publie le 10 un article qui accuse
le président du Conseil, Camille Chautemps, d'avoir ordonné l'assas
sinat de Stavisky pour couvrir son beau-frère, le procureur Pressard.
Cette campagne, qui durera des mois, donne le coup d'envoi à des
manifestations de plus en plus violentes à Paris.
Outre l'Action fran
çaise, les ligues et organisations d'extrême droite telles que la Solidari
té française, la Fédération nationale des contribuables, les Jeunesses
patriotes, les Croix-de-Feu, les Camelots du roi défilent dans les rues
aux cris de.
»
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