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L'affaire Patrick HENRY

Publié le 29/11/2018

Extrait du document

Dans les années soixante-dix, le grand débat sur la peine de mort resurgit. Avec passion. Un drame, d’abord, soulève l’opinion: deux condamnés à la réclusion, purgeant leur peine à la maison centrale de Clairvaux, égorgent un jeune surveillant et l’infirmière de la prison. Ils voulaient prendre des otages, comme garants d’une évasion. Il s’agit de Claude Buffet et de Roger Bontems, qui sont traduits en juin 1972 devant la cour d’assises de l’Aube, à Troyes. L’opinion publique reste majoritairement en faveur de la peine de mort. En effet, et malgré une magnifique plaidoirie de l’un des avocats, Robert Badinter, Buffet et Bontems sont condamnés à mort sous les applaudissements du public. Bontems, cependant, n’avait été reconnu coupable que de complicité d’assassinat, mais le Code prévoit que la complicité peut être aussi sévèrement punie que l’acte principal.

 

Buffet et Bontems sont guillotinés à la prison de la Santé le 28 novembre 1972, le président Pompidou ayant refusé la grâce.

 

Robert Badinter ne pouvait sans doute imaginer que, quatre ans après, il allait se retrouver dans la même cour, à Troyes, afin de plaider dans une affaire dramatique qui devait, de nouveau, déchaîner les passions et relancer le débat sur la peine de mort.

 

Vendredi 30 janvier 1976. Il fait froid, mais une joyeuse rumeur de récréation salue, à midi, la sortie des classes à l’école Saint-Pierre, établissement privé naguère tenu par des Frères, dans la banlieue de Troyes. Quelques instants plus tard, M. et Mme Bertrand, parents d’un petit Philippe, huit ans, s’inquiètent. Philippe est en retard. Que se passe-t-il? Vers 12 heures 45, la sonnerie du téléphone retentit. Une voix anonyme, calme, réclame une rançon d’un million de francs. La police est immédiatement prévenue. Cest l’angoisse, et l’attente. Vers 18 heures 30, nouvel appel, et pathétique dialogue :

 

Je rappelle que vous devez verser un million si vous voulez revoir votre fils...

 

Mais je ne puis disposer, immédiatement, d’une telle somme, répond M. Bertrand.

 

Alors, demandez à votre beau-père; lui, il a de l’argent...

 

Sur les conseils de la police, M. Bertrand prolonge tant qu’il peut la conversation, afin que l’origine de l’appel soit localisée. Effectivement, la communication vient d’une cabine publique au lieu-dit les Bréviandes, dans la banlieue sud de Troyes. Une voiture banalisée de

« - C'est une ordure qui mérite seulement d'être pendu .

La famille Bertrand, murée dans son chagrin, ne réclame, elle, rien et trouve sans doute sa force dans la solidité de ses convic­ tions religieuses.

Incarcéré, à l'isolement, à la maison d'arrêt de Chaumont, Patrick Henry avoue après quelques réticences.

Deux questions se posent : qui est-il ? mais surtout quand a-t-il tué l'enfant et était-il seul pour commettre le cri me ? Patrick Henry, issu d'une famille modeste de six enfants, n'est capable ni d'é tudier ni d'apprendre un métier; mais avec sa silhouette de jeune homme bien élevé et bien habillé, il pense réussir dans les «affair es» et cherche à placer les articles de jardinage d'un magasin qu'il gère avec son frère .

Les affaires ne sont pas brillantes et c'est surtout pour rétablir sa situation financière qu'il tente l'enlèvement .

Il apparaît comme un être prétentieux, égocen­ trique, immature .

La charge la plus lourde vient sans doute de ce que, enlevé par un homme qu'il connaissait, le petit Philippe était irrémé­ diablement condamné.

Il y a donc préméditation du crime, et non pas aff olement .

D'a près le médecin légiste, la mort a été provoquée par strangulation, et elle remonte à plus de quinze jours.

Le corps n'est qu'en début de décomposition quand on le découvre, et s'il n'y a pratiquement pas d'ode ur, c'est que la porte de la chambre était constamment fermée à clé et la fenêtre ouverte: voilà pourquoi l'at­ tention de l'hôtelier n'a pas été mise en éveil .

En fait, que s'est-il passé ? Le 30 janvier , Patrick Henry fait monter Philippe dans sa voiture; l'enfant, qui le connaît, le suit sans méfiance .

Il l'emmène et l'i nstalle aux Charmilles, puis c'est l'épisode des coups de téléphone pendant que Philippe regarde la télévision dans la chambre .

Personne ne l'a vu entrer dans l'hôt el.

Il dort cette nuit-là, mais le lendemain, samedi 31 janvier , et alors que le rapt vient d'être rendu public, Pa­ trick Henry commence à comprendre que son projet de rançon sera plus difficile que prévu.

Il s'absente un moment, revient, joue avec le petit .

Mais celui-ci commence à pleurer , réclame ses parents .

C'est alors que Patrick Henry étrangle l'enfant avec un foulard, cache le corps sous le lit, et quitte le meublé .

La mort remonte donc immé­ diatement après la première demande de rançon, d'autant plus que, quelques jours après, l'assassin partait passer cinq jours en Suisse : comment alors admettre qu'il ait laissé l'enfant seul dans une chambre d' hôt el? Patrick Henry avoue tout cela, affirme qu'il a agi seul, et qu'enfin il n'a pas drogué sa petite victime.

Mais ce que l'on retient, c'est le cynisme de l'assassin qui, une fois l'enfant mort, continue à jouer avec l'espoir des parents en envoyant un gant et en poursuivant l' espoir de toucher la rançon .

D'a utant que, libre de ses déplace­ ments, il peut bien plus aisément organiser son piège.

Ce crime succède à une série d'enlè vements aux issues tra­ giques comme les assassinats des petits Taron et Maillard, et l'at­ mosphère est telle que la défense souhaite un jugement par une autre cour d'assis es.

Vavocat d'Henry, le bâtonnier de Chaumont Me Ro­ bert Bocquillon , insulté, menacé, a été rejoint par un autre avocat, Me Robert Badint er.

Et c'est finalement le 18 janvier 1977, un an après le crime, que Patrick Henry comparaît devant les assises de Troye s.

C'est bien la peine de mort qui est au centre des débats .

Vaccusé, d'apparence stricte, nette, soigneusement coiffé, est impé­ nétrable, indéchiffrable.

Cet homme qui semble sans remords raconte posément son crime.

Ce a l'allure d'un bon jeune homme sérieux, avec un visage poupin et de modestes lunettes rondes: - J'avais de grosses dettes, alors j'ai pensé à enlever Philippe Ber­ trand, parce que le grand-père avait une situation aisée.

Je croyais que la police n'interviendrait pas immédiat ement.

A-t-il drogué l'enfant? Les experts en toxicologie pensent que oui, l'accusé affirme que non.

Av ait-il un complice, qui aurait pu surveiller Philippe pendant les démarches pour obtenir la rançon? Patrick Henry dit avoir agi seul, ce dont tout le monde est persuadé .

Enfin, est-il normal, est-il «fou», est-il ce que l'on appelle un «article 64» , c' est-à-dire un déséquilibré irresponsable? Les experts affirment que non, ils disent que c'est un être normal qui a commis un acte anormal .

Ils notent aussi une absence totale de remords, même si l'apparente indifférence peut masquer une grande émotivité .

La salle suit les débats avec passion, on se bouscule devant le palais de justice de Troyes et, à plusieurs reprises, les avocats sont menac és.

Comme prévu, l'avocat général Fraisse réclame la peine de mort :. »

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