La Suisse: De La Tène aux Nations unies
Publié le 11/11/2018
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LA LÉGENDE DE GUILLAUME TELL
Pour avoir refusé de saluer le chapeau aux couleurs des Habsbourg exposé au sommet d'un mât, Guillaume Tell est condamné par Gessler, bailli du canton d'Uri, à atteindre d'une flèche une pomme en équilibre sur la tête de son fils. Guillaume Tell y parvient mais est jeté en prison pour avoir menacé Gessler. Il s'en échappe et mène la révolte contre les Habsbourg, parvenant à tuer l'odieux bailli. Cette légende, datée du début du XIVe siècle et sans véritable fondement historique, a été retirée des manuels scolaires suisses en 1901. Elle a inspiré une pièce de théâtre à Schiller (1804) et un opéra à Rossini (1829).
DU MORCELLEMENT A L'UNION
Vers 30000 av.J.-C., au paléolithique, la présence de chasseurs est attestée dans les grottes de Wildkirchli (massif de l'Alpstein). Au néolithique se développent des villages palafittes à proximité des lacs. Au Ve siècle av. J.-C, des populations celtes extérieures s'installent et apportent la culture dite de La Tène, du nom d'un site sur les rives du lac de Neuchâtel.
• -58 av. J.-C. : Jules César soumet la tribu des Helvètes, dont il écrit qu'ils sont enfermés d'un côté par le Rhin, d'un autre par le Jura, et d'un troisième par le Léman et le Rhône. C'est leur projet de migration vers la Saintonge qui provoque la guerre des Gaules. Baptisée Helvétie, protégée des invasions germaniques par les lignes de fortifications romaines (limes), la région est intégrée à la province Belgique, puis à la Lyonnaise Première.
• ive-ve siècle : Grandes Invasions. Les Alamans soumettent l'Helvétie. Puis les Burgondes prennent pied dans le bassin du lac de Genève (ou Léman) et s'intégrent aux populations helvètes.
• À partir de 530, la Suisse passe aux mains des héritiers de Clovis, les Francs. Le système féodal se développe. Profitant de la conversion des Francs au christianisme, des missionnaires venus d'Irlande (Colomban, Pirmin) évangélisent le pays. L'un d'eux, Gallus, fonde en 614, près du lac de Constance, un ermitage qui devient en 720 l'abbaye bénédictine de Saint-Gall. C'est un haut lieu d'érudition qui rayonne durant tout le Moyen Âge.
• Après l'éclatement de l'empire de Charlemagne, le territoire de l'actuelle Suisse est partagé entre le duché d'Alémanie (Souabe) et le royaume de Bourgogne transjurane.
• En 1032, ces deux territoires sont acquis par l'empereur Conrad II, qui favorise l'essor de principautés ecclésiastiques et laïques.
MARIGNAN, 1515
Les 13 et 14 septembre 1515, les armées du roi de France François Ier et de Venise affrontent les mercenaires suisses recrutés par le duc de Milan près de la ville de Marignano (aujourd'hui nommée Melegnano, à environ 15 km de Milan). Les Français, qui ont franchi les Alpes dans l’été, prennent l'avantage sur un terrain marécageux grâce à leur artillerie, appuyée par la puissante cavalerie vénitienne. La victoire de Marignan - ternie dix ans plus tard par la défaite de Pavie -marque le début de la domination française sur le Milanais.

«
de
prédicateurs venus de France.
Les
cantons ruraux, eux, ainsi que Lucerne,
Fribourg et Soleure, restent fidèles au
catholicisme.
• Le différend religieux dégénère en
guerre civile.
En 1529 et 1531,
protestants et catholiques s'affrontent
lors des batailles de K11p�/.
Zwingli est
blessé et exécuté par les catholiques.
• Genève devient le grand centre de la
Réforme, sous l'impulsion de Théodore
de Bèze (1519-1605) et surtout du
Français Jean Calvin (1509-1564), mais
elle demeure en dehors de la
Confédération.
• Après la mort de Zwingli, le
protestantisme cesse de s'étendre.
Dans
le Sud, c'est même l'Église catholique
qui regagne du terrain grace à l'action
des jésuites et de l'archevêque de
Milan, Charles Borromée.
Dans certains
bailliages, des accords originaux
restaurent la paix religieuse, en mettant
les églises à tour de rôle à la disposition
des deux cultes, par exemple.
• Néanmoins, au cours des XVI' et
xvu• siècles, les conflits religieux vont
refleurir, particulièrement en 1656
et 1712 (guerres de Villmergen).
À la
Diète fédérale (Parlement), le
déséquilibre est manifeste entre
catholiques et protestants, ces derniers
étant sous-représentés, quoique plus
nombreux et plus riches.
• Lors de la guerre de Trente Ans (1618-
1648) qui ensanglante l'Europe
centrale, les Suisses parviennent à
rester neutres, malgré leurs divisions
intestines.
En récompense, le traité de
Westphalie (1648) confirme leur
indépendance et leurs frontières.
• Au xvu• siècle, l'économie connaît une
remarquable prospérité.
Une grande
bourgeoisie urbaine se développe,
accentuant le contraste entre cantons
ruraux et cantons urbains, mais aussi
entre cantons francophones (Suisse
romande) et germanophones (Suisse
alémanique).
LA SUISSE MODERNE
• À partir de 1789, la Suisse reçoit
l'onde de choc de la Révolution
française.
Les cantons romans et
Genève accueillent les idées nouvelles
avec sympathie, mais pas les cantons
alémaniques.
Dans le canton de Vaud,
des troubles pré-révolutionnaires sont
réprimés dans le sang en 1790.
• 1792 : Genève est dirigée par un
gouvernement révolutionnaire, contrôlé
depuis la France par le Club helvétique
de Frédéric César de la Harpe {1754-
1838).
• En 1798, la France du Directoire
envahit la Suisse après une série
d'annexions forcées (contrôle des cols
alpins).
la République helvétique est
proclamée.
le Bâlois Peter Ochs rédige
une Constitution.
la République est
découpée en 19 cantons de taille
équivalente, dirigés par un préfet et une
Chambre administrative.
Sur le modèle
français, un Directoire de cinq membres
est institué, bénéficiant de pouvoirs plus
étendus encore qu'en France : il a
la responsabilité de la sécurité
intérieure, dispose des forces armées,
nomme le commandant en chef et tous
les officiers, ainsi que les ministres, les
diplomates, les préfets, les receveurs en
chef dans les cantons, le président,
l'accusateur public et le secrétaire du
Tribunal suprême.
les directeurs sont
élus par les chambres administratives.
Certains conservent leurs anciennes
frontières tandis que de nouveaux sont
rebaptisés : léman, Valais, Oberland,
Argovie, B.aden, Waldstatten, lugano,
Bellinzone, Thurgovie, linth et Santis.
Temps troublés : les Français se font
détester par leurs exaCtions.
En 1799,
les armées françaises et austro-russes
s'affrontent sur le territoire suisse.
• l'accession au pouvoir de Napoléon 1�
marque un retour au calme.
Par l'Acte
de médiation (févr.
1803), l'Empereur
restaure la Suisse dans son statut de
Confédération, tout en la rendant plus
dépendante de la France.
Des
contingents suisses servent dans la
Grande Armée (8 000 soldats périssent
lors de la retraite de Russie, en 1812).
On compte 19 cantons sous l'Empire,
puis 221ors du congrès de Vienne (1815),
qui, à la chute de Napoléon, consacre
la neutralité perpétuelle de la Suisse.
• le pays tente de concilier l'héritage de
son passé et le legs révolutionnaire.
les
nouveaux cantons sont remis en cause
par les conflits entre démocrates et
partisans du précédent régime, mais
aussi entre catholiques et protestants.
• En décembre 1845, 1 cantons
catholiques se rebellent contre le
gouvernement fédéral et forment une
ligue, le Sonderbund.
le général
Guillaume Henri
Dufour (1787-1875),
formé à l'École
polytechnique de
Paris, prend la tête
des troupes
fédérales et vainc le
Sonderbund en 1847 au terme d'une
guerre civile de 26 jours.
• De cette crise émerge en septembre
1848 une nouvelle Constitution qui
renforce nettement les pouvoirs
fédéraux au détriment de ceux des
cantons.
Berne devient siège du
gouvernement.
Révisée en 1874, cette
Constitution est encore en vigueur
aujourd'hui.
• l'industrialisation de la Suisse à la fin
du x1x< siècle est très rapide, favorisée
par l'essor du chemin de fer, de la
finance et du tourisme.
LE TEMPS DES GUERRES
• Durant la guerre franco-prussienne de
1870-1871, l'Assemblée fédérale déclare
la neutralité de la Confédération.
Néanmoins, 5 unités de l'armée
(37 000 hommes) sont mobilisées le
15 juillet pour protéger les frontières et
éviter notamment que les Français ne HENRI
DUNANT
Arthur Fonjallaz, Union nationale de
n LA CIOIX·IOUCiE
Genève de Géo Oltramare), mais
le 24 juin 1859, au pied du rocher restent
marginaux.
l'attachement des
de Solferino {Italie), s'affrontent les Suisses
au fédéralisme les détourne du
armées franco-sardes modèle
fasciste d'un État très centralisé.
de Napoléon 111 et •
Quand la guerre éclate en
autrichiennes de septembre
1939, la Confédération
François-Joseph.
décrète
de nouveau la mobilisation
les combats, générale.
Elle fait connaître aux
qui opposent belligérants
sa volonté de rester neutre
260 000 hommes, tout
en se défendant en cas
durent 12 heures d'agression.
En fai� l'armée suisse ne
et se soldent par dispose
pas d'armes modernes (chars,
un carnage : près de avions,
artillerie) en quantité suffisante.
40 000 tués ou blessés.
•
À partir de l'occupation de la France
la scène a un témoin :Jean-Henri Gu
in 1940), la Suisse est entourée par
DfiNIIf (1828-1910), un protestant les
puissances de l'Axe (Allemagne et
genevois, horrifié par le peu de soins Italie).
Elle vit dans la hantise d'une
apportés aux blessés.
En 1863, après invasion,
à laquelle Hitler renoncera.
plusieurs années à remuer l'opinion •
les Suisses, afin de garantir leurs publique, il devient secrétaire du approvisionnements, font le choix de Comité international de secours travailler
pour le Reich, qui devient leur
aux blessés, qui deviendra le Comité premier
partenaire économique.
En
international de la Croix-Rouge.
1942,
60% des usines d'armement,
les idées de Dunant influencent 50%
des entreprises d'optique et 40%
la Convention de Genève (1864) sur de
l'Industrie des machines-outils
le respect des blessés de guerre.
En œuvrent pour l'Allemagne,
qui offre en
1901, pauvre et oublié, Dunant reçoit échange
charbon, fer et produits sem i-
le premier prix Nobel de la paix.
finis.
En valeur, les exportations vers
�------------+ l'Allemagne
sont multipliées par 12 par
rallient l'Allemagne du Sud en rapport
à l'avant-guerre (de
traversant le canton de Bâle.
Début 200
millions de francs à 2,5 milliards).
1871, les Suisses accueillent • les contacts avec les Alliés ne sont pas
87 000 soldats en déroute de l'armée
rompus.
Des crédits leur sont accordés
française de l'Est, dite armée de en francs suisses, devise libre et stable.
Bourbaki, qui sont désarmés et
Sous la pression angle-saxonne, les
internés.
livraisons
au Reich se ralentissent à
· lors de la Première Guerre mondiale, partir de 1943.
la Suisse décrète la mobilisation • 1946 : la Confédération s'acquitte
générale en août 1914, maintient de d'une indemnité de 250 millions de
30 ooo à 100 ooo hommes en service francs au profit des Alliés pour se faire
actif, concentre ses défenseurs sur les pardonner sa politique mi-chèvre, mi-
frontières communes avec les fronts chou.
Toutefois, le pays sort de
franco-allemand et austro-italien (Ajoie, l'épreuve de la guerre avec un
basse Engadine).
Cette attitude
sentiment de cohésion nationale et la
militairement défensive s'accompagne confiance
dans ses institutions.
d'une neutralité sur le plan politique.
Néanmoins, les cantons francophones
ne cachent pas leur appui à la France et
à ses alliés, tandis que les Alémaniques
soutiennent les empires
germanophones (Allemagne de
Guillaume Il, Autriche-Hongrie de
François-Joseph).
les tensions nées des
quatre années de guerre débouchent
sur une grève générale en 1918.
• En 1919, sa neutralité vaut à la i·B411fiktfi
·Après la guerre, la Suisse reste fidèle à
sa politique de neutralité en refusant
d'adhérer à l'ONU (Organisation des
Nations unies), qui succède à la SDN,
ainsi qu'à l'Otan (Organisation des
traités de l'Atlantique Nord).
Néanmoins, la Confédération s'engage
dans des opérations ponctuelles sous
Confédération d'accueillir la toute jeune 1--------------i
S11dété des ntdions (SDN).
Depuis
1859 y siège la Croix-Rouge, fondée par
Henri Dunant
• l'essor du parti fasciste en Italie, puis
l'accession de Benito Mussolini au
pouvoir entre 1922 et 1925 sont suivis
avec intérêt par l'opinion suisse, qui,
depuis la grève de 1918, redoute fort le
péril communiste.
les catholiques ne
cachent pas leur admiration pour le
Duce, notamment après la conclusion
des accords du latran (1929) entre
Mussolini et le Vatican.
Des
mouvements fascistes voient le jour
(Fédération fasciste suisse du colonel UNE
DÉMOCRAnE DIREcn
Depuis 1801, l'hlllillllve pllflfllllire
permet à tout citoyen de proposer
ou de modifier une loi à condition
de rassembler 100 000 signatures
favorables en l'espace de 18 mois.
la
proposition est alors soumise au vote.
Parallèlement, le droit de référendum
permet de remettre en cause des
décisions gouvernementales déjà
prises si 50 000 voix sont réunies dans
un délai de 3 mois.
Enfin, toute
modification même légère apportée à
la Constitution doit être approuvée
par le vote des citoyens.
Il en va de
même pour toute adhésion à un traité
ou à une organisation internationaux.
�-------------------------L--------------------------L-------------------------�------ -·------·· l'égide
de l'ONU ou de ses agences :
commission des nations neutres pour
vérifier l' application du cessez-le-feu en
Corée (1953), mission pour le maintien
de la paix à Chypre.
Il faut attendre le
3 mars 2002 pour voir 54,6 o/o des
citoyens suisses voter l'adhésion à
l'ONU :la Confédération devient le
190' pays membre des Nations unies.
• Refus également de l'arme atomique
(signature du traité de non-prolifération
nucléaire, 1969).
le pays maintient une
11rmée suffisante pour rendre toute
attaque coûteuse pour l'assaillant
(théorie du« prix d'entrée prohibitif>,).
Néanmoins, l'abolition de l'armée fait
débat : en 1989, une initiative populaire
sur ce thème a recueilli 35 o/o de oui.
En
2001, une nouvelle initiative sur la
question ne récolte que 22 o/o de oui.
• Même refus d'engagement sur le plan
économique : la Suisse n'adhère pas à
la Communauté économique
européenne (CEE).
En 1992, dans un
contexte de déficit budgétaire et de
hausse du chômage, elle pose sa
candidature ...
avant de la retirer.
En
2001, une initiative populaire pour
ouvrir des négociations sur l'adhésion à
l'Union européenne est refusée par
76,7 o/o des votants.
Toutefois, en 1972,
un accord de libre-échange est signé
avec la CEE pour les produits
industriels.
• la Suisse a rejoint en 1959 I'AIIiance
européenne de libre-échange {AElE)
moins contraignante, et signé le GAn
(General Agreement on Tariffs and
Trade).
Adhésion au Conseil de
l'Europe en 1963.
En 1992, la
Confédération devient membre du
Fonds monétaire international (FMI) et
de la Banque mondiale.
• Au niveau social, les années 1970 sont
marquées par des débats sur les droits
des femmes et des étrangers.
En 1971,
un référendum accorde aux citoyennes
suisses le droit de vote aux élections
fédérales.
Trois ans plus tard, on
propose aux électeurs, par référendum,
de réduire en trois ans le nombre
d'étrangers en Suisse, passant de
1 million à 500 000; le non l'emporte.
• l'attitude des banques suisses
pendant la guerre, et particulièrement
l'utilisation des avoirs bancaires des
victimes juives de l'Holocauste, revient
sur le devant de la scène dans les
années 1990.
En 1998, les deux plus
grandes banques du pays, le Crédit
suisse et I'UCB, versent 1,25 milliard de
dollars à un fonds pour les victimes, en
échange de l'abandon des plaintes des
héritiers.
le 26 juillet 2000, le juge
fédéral américain Edward Karman
valide cette transaction..
»
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