La Révolution culturelle: De l'échec du Grand Bond en avant à la mort de Lin Biao
Publié le 26/11/2018
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ecommandent un engagement plus soutenu auprès d'Hanoi - ce qui impliquerait une coordination militaire avec Moscou -, Mao s'y refuse et obtient, première victoire, l'élimination de Luo Ruiqing en novembre 1965. Dès lors, le Grand Timonier utilise la menace américaine pour faire monter la tension. Il n'a en effet de cesse de proclamer que la Chine doit se préparer à la lutte.
• En mêlant radicalisme anti-occidental et virulence nationaliste, Mao sait pouvoir trouver un écho favorable auprès d'une très large part de la population chinoise qui est, à longueur de temps, mise en garde contre un danger non seulement intérieur mais aussi extérieur.
La « POROSITÉ » DE LA IEUNESSE
• À bien des égards, la Révolution culturelle qui se prépare renoue avec une ancienne tradition
xénophobe. En s'appuyant ainsi sur la population, et plus particulièrement sur la jeunesse, Mao satisfait deux aspirations largement répandues: d'une part, la révolte contre un ordre social autoritaire, moraliste et hypocrite, et, d'autre part, la répétition d'une aventure révolutionnaire glorieuse.
Pour établir son pouvoir total et imposer son projet utopique. Mao a cru possible, entre 1966 et 1971, de pratiquer une sorte de coup d'État de masse, puis de placer la société sous la coupe d'une armée fanatisée. Les causes de la Révolution culturelle ont longtemps fait débat. Au moment des faits, la plupart des commentateurs y ont vu une sorte de purge pédagogique conduite par Mao Zedong pour mettre tin à la « corruption révisionniste » du régime. On sait aujourd'hui que la Révolution culturelle a été l'apothéose d'une bataille pour le pouvoir, mêlant intimement les ambitions personnelles et les divergences idéologiques. À bien des égards, la Révolution culturelle est la quatrième étape d'une tentative de Mao de peser de nouveau sur le cours de la révolution. En retrait depuis la proclamation de la République populaire de Chine (1949), Mao va, à partir de 1955, imprimer une série de coups de boutoir à la politique chinoise : accélération de la collectivisation en 1955-1956, campagne des Cent Fleurs en 1957 et, surtout, Grand Bond en avant à partir de l'hiver 1957-1958.
C'est l'échec dramatique de ce dernier qui pousse Mao à lancer la Révolution culturelle.
DES CENT FLEURS AU GRAND BOND EN AVANT
• Mis en cause par l'échec de la collectivisation déclenchée à l'été 1955 et désireux d'affaiblir le Parti communiste chinois partisan d'une libéralisation politique contrôlée, Mao lance le 27 avril 1957 une campagne de critiques à l’égard du PCC définie par la formule « Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent».
• Mais l'avalanche de critiques, que rien ne semble devoir contenir, a pour effet de déborder son initiateur et d'atteindre les fondements mêmes du régime.
La contestation, qui émane surtout du milieu universitaire, prend pour cible non seulement la stratégie économique, mais également le monopole du pouvoir et le système de répression, c'est-à-dire, principalement, la police, les officines secrètes et, pour partie, l'armée.
• Très vite l'agitation gagne les grandes villes de province et, le 9 juin 1957, Mao doit mettre un terme au mouvement et faire réprimer des centaines de milliers de «droitiers». Non seulement les Cent Fleurs ont creusé un fossé immense entre le régime et les intellectuels, mais elles ont aussi accentué les désaccords à l'intérieur du Parti.
«
l'OFFENSIVE MAOÏffi
•
• En juillet 1966, estimant Liu Shaoqi et Deng Xiaoping suffisamment compromis , Mao rentre à Pékin après avoir franchi iJ la nage le Yang-tsé .
Il fait régner une véritable terreur au sein du Comité central en organisant des mouvements de troupe et en mobilisant des foules fanatisées.
• Le 12 août, il fait adopter une «décision sur la grande Révolution culturelle prolétarienne ».
Le Comité central fixe les objectifs du mouvement : «Combattre et écraser ceux qui détiennent des postes de direction , mais se sont lancés dans la voie capitaliste .>> Les «jeunes révolutionnaires » sont appelés à «mobiliser les masses sans réserve et avec audace.» • Lors du plénum du Comité central, les partisans de Mao bénéficient d 'importantes promotions dans la hiérarchie du parti, tandis que Liu Shaoqi rétrograde du deuxième au huitième rang.
Deng Xiaoping voit également son étoile pâlir.
L'ENTRÉE EN ScENE
• Décidés à déclencher une véritable insurrection de la jeunesse , d'innombrables écoliers et étudiants convergent vers Pékin pour y cc rencontrer le Président Mao )).
Du 13 au 25 août 1966 , ce dernier passe en revue quelque 13 millions de ses partisans , que l'on appelle désormais les« Gardes rouges », avant qu'ils ne regagnent leur province pour« échanger des expériences» et« soutenir la gauche».
Débordé, le Comité central est réduit à prendre, le 11 septembre, une directive interdisant que l'on s'oppose à eux.
• Récitant inlassablement des extraits du Petit livre rouge, les Gardes rouges s'attaquent à tout ce qui symbolise l'autorité de l'État.
notamment les bâtiments publics.
Mais dans la mesure où il s'agit de« détruire l'ancien pour fonder le nouveau », ils saccagent les symboles du passé, brûlent les «mauvais livres», humilient les «bo urgeois apatrides» et les «intellectue ls puants», conduisent les assauts contre la « bande noire », c'est-à-dire les dirigeants jugés «engagés dans la voie capitaliste», soit en raison de leurs actes soit à cause de leurs liens avec Liu Shaoqi ou Deng Xiaoping, lequel est exilé à l'été 1966.
• Très vite, le sang coule: à la fin du mois d'août, le premier secrétaire du PC de Tien Tsin est attaché à un poteau
en plein soleil.
Il en meurt .
Rien ne semble dès lors capable d'empêcher la Chine de chavirer sous un ouragan juvénile et de plus en plus violent.
fondements de l'État et basculer sans espoir de retour dans la guerre civile.
Circonvenu par Zhou Enlai et Lin Biao, Mao fait arrêter Wang Li et quelques autres parmi les intellectuels les plus radicaux.
Au début de septembre 1967, Jiang Qing.
sentant le vent tourner, commence à se démarquer de l'extrême gauche et de Chen Boda.
La Révolution culturelle entre alors dans une phas e de tutelle militaire.
• L'armée s'emp loie à rétablir l'ordre dans les villes et occupe les écoles avec l'aide de milices ouvrières.
Le 29 juillet 1968 , l'université Qinghua de Pékin est prise d'assa ut.
C'est le prélude à une reprise en main particulièrement virulente.
L'armée organise en effet l'exil forcé de • Le groupe maoïste, qui a donc plusieurs millions de jeunes dans réussi à purger Pékin de ses éléments des fermes éloignées qui servent, «rév isionnistes », s 'efforce d'étendre bien souvent.
de centres de rééducation.
la Révolution culturelle aux provinces .
Parallèlement , tous les cadres sont Mais les Gardes rouges et les contraints d'effectuer des stages organisations ouvrières qui se pénibles dans des «éco les du 7-Mai ».
multiplient échappent à tout contrôle .
• Désormais , Mao n 'a plus qu'une Les grandes villes du pays sont idée : rétablir l'« unité révolutionnaire» .
paralysées par des grève s et les Jusqu'à l'automne 1968 , au prix de combats de rue.
On voit des étudiants répressions meurtrières , toutes les prendre la direction de grandes usines provinces se voient doter d 'un comité après avoir enfermé leurs dirigeants révolutionnaire.
Puis, c'est le tour dans les toilettes publiques.
des villes et des districts.
À partir • À partir de janvier 1967 , les maoïstes de la fin de l'automne 1968 , la Chine s'efforcent d'installer dans les campagnes semble comme étouffée sous et les villes de province de nouveaux une véritable chape de peur.
pouvoirs, les comités révolutionnaires , Les milices quadrillent les villes;
• À Pékin, la lutte politique n'est pas en reste.
En octobre 1968 , le Comité central confirme la mise à l'écart de Deng Xiaoping et de Liu Shaoqi .
Cett e purge indique qu'une nouvelle bataille politique se prépare dont l'objet est l'orientation de la Révolution culturelle et la succession de Mao , leque l a 75 ans.
• Lors du IX ' congrès du PCC , en avril 1969, Lin Biao , qui fait figure de probable successeur de Mao, prononce le rapport politique, proclame sa «fidé lité éterne lle à la pensée de Mao » et s'engage à entretenir sans faiblir l'élan révolutionnaire des masses.
Au sommet du PCC , les dirigeants militaires sont à l 'honneur: ils composent 44 % des membres du nouveau Comité central et 55 % du Bureau politique, où entrent Jian g Qing et Ye Qun , l'épouse inculte de Lin Biao.
Quant à Liu Shaoqi, il est arrêté et emprisonné.
LA RESTAURATION DU PARTI
constitués sur la base de la «triple chacun se terre chez soi par crainte L'ÉLIMINATION DE LIN BIAO alliance » des Gardes rouges, des d 'un propos maladroit qui pourrait • Tout indique donc que la Révolution militaires -l'armée est appelée être sanctionné par l'exil d'une culturelle doive aboutir à la le 23 janvier 1967 à soutenir les famille entière .
prédominance de l'armée qui tient «masses révolutionnaires de gauche»- tout le pays par l'intermédiaire des et des cadres du parti restés fidèles f--------------i comités révolutionnaires.
Mais une à Mao.
Mais l'extension de ces comités JIANCi QINCi (1913·1990) nouvelle lutte de tendance ne tarde pas rencontrant de vives résistances , à s'engager.
Alors que Lin Biao essaye l'anarchie sévit dans de nombreuses de prolonger l'hégémonie de l'armée, provinces où se multiplient promue comme remplaçante provisoire les affrontements.
du parti et gardienne de la pureté • Afin de freiner les violences des révolutionnaire , les hommes de Gardes rouges, l'armée, avec l'appui de gouvernement.
Zhou Enlai en tête, Zhou Enlai- qui prêche inlassablement travaillent à un retour , qu'ils veulent la modération -prend le contrôle rapide, de la légalité socialiste.
de la capitale.
Mais dans les provinces Ces derniers entendent en effet l'anarchie ne semb le pas devoir reconstituer le parti afin de rendre marquer le pas.
Des responsables au pays la stabi lit é indispensable provinciaux prennent le prétexte des • Ancienne actrice de Shanghai , à une relance de l'économie .
désordres pour écraser les nouveaux Jla11g 0/llg devient la femme de Quant à Liu Shaoqi , il meurt dans révolutionnaires, quitte à employer Mao en 1938, après que le Bureau sa cellule en novembre 1969 .
l'artillerie comme au Sichuan.
politique a autorisé le mar iage • Ce nouveau conflit interne se nourrit Avec la radicalisation du mouvement, contre la promesse qu'elle ne ferait aussi d'oppositions sur la conduite l'entoura ge de Mao se pose une pas de politique .
Pendant près de de la politique étrangère .
Alors que question :jusqu'où la Révolution deux décennies, Jiang Qing reste Lin Biao est partisan d'une diplomatie culturelle doit-elle aller? «Jusqu 'au effectivement en retrait .
Mais, au tout entière au serv ice de la révolution bout », répond Jiang Qing.
début des années 1960, elle profite mondiale , Zhou Enlai et la majorité • L'aile gauche maoïste -Jiang Qing , des dissensions internes au PCC pour des autres dirigeants , conscients de Chen Bada, Wang Li -passe à sortir de l'ombre et influencer Mao , la menace militaire croissante exercée l'offensive contre les commandants dont elle vit pourtant séparée .
par l'URSS aux frontières du nord-ouest, provinciaux de l'armée qu'elle accuse • Le Grand Timonier s'appuie envisagent une normalisation des d'« opprimer la Révolution culturelle», sur sa femme et les rèseaux rapports sino-américains, d'ailleurs mais aussi contre les responsables de intellectuels qu'elle entretient, souhaitée par Washington.
L'invitation l'État, les collaborateurs de Zhou Enlai notamment à Shanghai , pour lancer lanc ée en décembre 1970 par Mao à qui, certes sans grand succès, tentent la Révolution culturelle .
Très vite, Nixon de se rendr e à Pékin consomme toutefois de contenir les désordres.
elle constitue le Groupe central la mise en minorité de Lin Biao.
Autour des ambassades, l'anarchie chargé de la Révolution culturelle, De plus , ce dernier commence à être est permanente, la rue qui conduit au aux positions radicales .
contesté par les vieux maréchaux siège de la représentation diplomatique • Dès l'été 1967, Mao lui impose et les commandants provinciaux .
soviét ique est rebaptisée «Avenue le silence en échange de postes Médiocre politique, Lin Biao ne de l'antirévisionnisme » .
Le 20 août , politiques de plus en plus importants.
comprend pas que Zhou Enlai consacre l'immeuble du chargé d'affaires Toutefois, Jiang Qing.
qui entend tout son talent à le mettre en difficulté .
britannique est incendié.
Partout en toujours peser sur le cours des Particulièrement habile, Zhou Enlai province de terribles batailles de rue événements, ne cesse d'intriguer réussit à éveiller la méfiance de Mao voient s'affronter les camps rivaux .
avec ses collègues shanghaiens à l'encontre de Lin Biao soupçonné
LA TUTELLE MILITAIRE • Mao n'entend pas laisser la Révolution culturelle s'attaq uer aux
de la «bande des quatre », d 'abord de vouloir hâter la succe ssion du contre Lin Biao , puis contre Zhou Enlai .
Grand Timonier.
En septembre 1970, Elle sera finalement incarcérée à l'issue de la session du Comité central , en 1976 après la mort de Mao.
Lin Biao et Chen Bada sont mis en
minorité .
Au cours des semaines suiva ntes , les partisans de Lin Biao sont discrètement écartés des postes de prem ier plan.
• La ligne défendue par Zhou Enlai s'im pose donc, comme en témoigne la visite secrète de Henry Kissinger en Chine en juillet 1971.
• Isolé , Lin Biao s'emp loie à comploter contre Mao, mais son projet est éventé et il doit prendre la fuite en direction de ...
l'URSS : le 13 septemb r e 1971 , son avion s'écrase en Mongolie .
Avec la dispa rition d e Lin Biao, l'armée rentre peu à peu dan s les casernes et, désorma is, rien ne s'oppose plus à la restaura tion du pouvoir du parti ni au retour des dirigeants «révisionnistes» qui ont survécu : Den g Xiaoping en 1973, les autres par la suite.
LES CONS ÉQUENCES DE LA RÉVOLUTION CULTURELLE • Sur le plan extérieur , la Révolution culturell e aura engendré un isolement croissan t de la Chine.
Au moment où les G ardes rouges sévissent, Moscou en profite pour s'imposer comme le meilleur soutien au régime nord vietnam ien.
De plus, les affrontements très durs qui se produisent en mars 1969 sur les confins de la Mandchourie mettent e n évidence l'inférior ité de l'arm é e de Lin Biao .
Affaiblie par ses troubles internes, la Chine est hors d'état de résister à une éventuell e attaque des Soviétiques.
• Les effets sociaux de la Révolution culturell e sont catastrophiques.
Pour des diza ines de millions d 'ouvriers, la Révolution culturelle aura pris le visage d'une succession ininterrompue de manifestations obligatoires, d 'interro gatoires musclés , de séances d'autocr itique , d'exil forcé.
Ceux qui ont surv écu garderont longtemps le souvenir des violences commises par les Gardes rouges : on brisa les doigts de pianistes renommés , on coiffa du bonnet de la honte ces vieux professeurs et ces anciens de la Longue Marche (1934-1936) affectés pendant des années au balayages des rues ou à la vidange des loilettes.
• De plus, la société chinoise ne pardonn era jamais à Mao d'avoir frappé so n institution centrale, la famille, en séparant maris et femmes , parents et enfants, frères et sœurs .
Bien longtemps après ces tragiques événem ents, des millions de plaintes resteront accumulées dans les administ rations .
• Sur le plan politique, ces années de terre u r ont eu pour effet d'instaurer un divorce majeur et définitif entre le peupl e chinois et le communisme .
Pour autant, si la Révolution culturelle n'a pas provoqué l'effondrement du régime communiste, elle a permis l'appariti o n d ' une alternative politique à l'intérieur du régime : celle-là même que Den g Xiaoping va appliquer à partir de 1979 en donnant le primat à la crois sance économique..
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