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La religion suffit-elle à expliquer les affrontements religieux en Europe entre le début du XVIe et le milieu du XVIIe siècle ?

Publié le 30/08/2012

Extrait du document

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-Le cas français est le plus complexe : 8 guerres de religion, qui débutent pendant la minorité du roi et la régence de Catherine de Médicis. Les projets de concorde (cf. doc. n° 4) expriment à la fois une tendance intellectuelle (Humanisme) et religieuse (Érasmisme) et aussi le réalisme politique de la régente (Machiavélien ?) et de son chancelier, Michel de l’Hôpital, face à un pouvoir monarchique objectivement faible. On n’a aucune raison de douter de la sincérité des choix religieux antagonistes de la noblesse française, le problème n’est pas là, le problème est que, dans le contexte très particulier de l’époque, ces choix – ou ces identités – religieux, s’expriment dans une lutte pour le pouvoir et le contrôle d’une monarchie qui traverse un moment de grande faiblesse. Les événements « extrêmes «, comme la St. Barthélémy, les Ligues et, finalement, les régicides, sont le résultat d’une situation de tension extrême, d’exaspération populaire. Nul doute qu’il s’agit d’actes religieux, où la question identitaire joue un rôle fondamental, mais dont l’explication réside dans un contexte de forte crise politique. Les guerres de religion françaises sont un moment de grande élaboration politique : les théories sur le tyrannicide (doc. 6) en reçoivent une grande impulsion, et la définition de la souveraineté, une et indivisible, de Bodin, en est l’un des résultats les plus importants. Comme dans l’Angleterre de la Révolution (milieu du XVIIe siècle), en France aussi, dans les années 1570, la solution à la guerre civile religieuse est trouvée, par les théoriciens du politique, dans un pouvoir monarchique plus fort. L’absolutisme est l’un des résultats des guerres de religion, en France.

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« régler leurs propres tensions internes ? L'espace allemand a, de ce point de vue aussi, ses spécificités, non seulement car c'est un espace morcelé, mais aussi à causede la dialectique entre pouvoir local et pouvoir central.En mettant au centre de la construction de l'Europe moderne la construction confessionnelle, résultat des conflits entre confessions, qui dominent l'Europe du XVIesiècle et de la première moitié du XVIIe, les historiens allemands ont accentué l'aspect politique des affrontements religieux de l'époque : par le « tout religieux », onest passé du « tout socio-économique » au « tout politique ».

Mais, en même temps, ils ont aussi proposé une nouvelle interprétation de l'évolution sociale et doncaussi de tous les conflits à caractère social de l'époque.

Résultat de la confessionnalisation est en fait aussi une nouvelle discipline de la société, qui se réalise dans uncontexte éminemment conflictuel : la chasse aux sorcières, une nouvelle discipline de la famille et notamment du mariage qui caractérisent les confessionsprotestantes, réformées et catholique à l'époque en sont les résultats les plus évidents. 3-Guerres et violences de religionDans les mêmes années, l'historiographie sur l'espace français a réexaminé le problème de la signification et des racines des affrontements religieux et notamment des« rites de violence », qui caractérisent les guerres de religion en France.

L'article de Natalie Zemon Davis sur « Les rites de violence », a été publié en anglais en 1965et en traduction française en 1979.

L'historienne américaine se demande notamment : « Que faire des violences religieuses populaires qui ne traduisent aucun conflitde classes ? ».

Ici, le conflit est véritablement au centre, et il ne s'agit pas de la guerre entre États ou entre armées opposées, mais des émeutes et des violencespopulaires.

Cet article de N.

Davis est publié dans un recueil, qui contient d'autres études de la même historienne sur le lien entre choix religieux et espoirs depromotion sociale et économique chez les imprimeurs et chez les femmes du milieu artisanal de Lyon.

N.

Davis ne néglige donc pas la composante sociale, maisconcentre son attention, et son questionnement, aussi sur les formes, les rites spécifiques de la violence religieuse.

Même si les artisans sont les protagonistes de laplupart des violences confessionnelles urbaines dans la France du XVIe siècle, d'autres groupes sociaux y prennent aussi partie, ainsi que deux groupes spécifiquesde la société, qui ne sont pas identifiables en tant que « classes », c'est-à-dire les femmes et les jeunes.

En introduisant l'idée qu'il y a une participation spécifique desfemmes et des jeunes aux rites de violence, N.

Davis complique la vision de la société, et surtout affirme la non pertinence de la seule explication socio-économique.Les foules qui se déchaînent sur les membres ou sur les symboles d'une autre confession le font au nom d'une recherche de purification sociale : émender, nettoyer lasouillure représentée par les appartenants à une autre confession, catholique ou protestante.

Les rituels de violence sont semblables, même si les protestants attaquentaussi les objets et les images, et les catholiques uniquement les personnes, et, de fait, leurs actions sont beaucoup plus meurtrières, du moins en France, où ilreprésentent toujours la majorité de la population.

La justification religieuse, le fait d'agir au nom de Dieu donne à la violence des formes extrêmes, que l'on retrouvedans les massacres ethniques des guerres du XXe siècle.

Un rêve de « solution finale » n'est d'ailleurs pas absent des émeutiers pour cause de religion du XVIe siècle.Denis Crouzet, dans les nombreuses pages qu'il a consacrées, dans les années 1980, aux « Guerriers de Dieu » et à la St .

Barthélémy, est parti de ce même constat :l'insuffisance de l'explication socio-économique de la violence religieuse et a posé le principe qu'à une crise religieuse correspondent avant tout des pulsionsreligieuses.

Dans ses travaux , il a ainsi dépassé toute explication de type sociologique, même celles proposées par N.

Davis et par d'autres après elle, qui ontmultiplié les nuances et les cas particuliers sans arriver à donner des réponses convaincantes.

Crouzet est allé plus loin, en définissant la St.

Barthélémy « un crimed'amour » : la dernière tentative d'une monarchie humaniste d'arriver à maintenir l'unité du royaume en éliminant les facteurs de désordre et de division, c'est-à-direles protestants.

De cette façon, Crouzet donne des explications religieuses et culturelles à un crime d'État, auquel on a généralement donné des explicationsessentiellement politiques. Au terme de cette première partie, nous pouvons constater que les recherches des dernières décennies, sur l'espace germanique et français, mais on pourraitégalement parler des débats sur l'interprétation de la révolution anglaise, ont mis l'accent sur les fondements religieux des affrontements entre membres deconfessions religieuses différentes, qui caractérisent l'histoire de l'Europe de la première modernité.

Ce constat ne permet pas, tout de même, d'éliminer complètementtoutes les autres composantes des affrontements religieux de l'époque qui, comme les documents proposés l'indiquent, vont du malaise social à la construction dupouvoir monarchique et à la légitimation de la révolte contre le pouvoir constitué. B-La politique au cœur des conflits religieux 1-Révolte religieuse et autonomie politique : L'Empire et les Pays- Bas-La « Réformation » Luthérienne trouve ses origines dans une volonté de réforme de l'Église beaucoup plus ancienne, mais son succès s'explique aussi pour desraisons politiques : les revendications d'autonomie des princes d'Empire.-La question du soutien de Luther aux princes (cf.

doc.

n°2) et les aspects politiques et économiques de la question des indulgences : freiner et gérer les flux d'argentqui de l'Empire partent vers Rome.-Le problème de l'équilibre entre les deux pouvoirs du monde médiéval, l'Empire et la Papauté prend des formes nouvelles au début du XVIe siècle.

Le Pape, princeitalien, à la tête d'un État, choisit ses alliances et sa politique en fonction de ses ambitions territoriales (parmi les conséquences religieuses de cette politique : lesretards du Concile de Trente).

Charles Quint, à la tête d'un Empire dont les dimensions font peur, doit composer avec son propre souhait – Érasmien - de réforme del'Église et la difficulté croissante de contrôler son Empire et les revendications de toutes ses composantes.

Le sac de Rome est en même temps le résultat de lapénétration de la Réforme et l'expression de ces tensions.

Parmi ses conséquences : une nouvelle alliance entre Pape et Empereur, prémisse indispensable à la tenuedu Concile de Trente.-La paix d'Augsbourg entérine le partage confessionnel de l'Empire entre catholiques et luthériens : une victoire des Princes (cuius regio, eius religio est le principefondamental, mais il n'est pas formulé à cette occasion ; sa traduction littérale est : « de celui dont (est la terre), de lui (est) la religion »), une nouveauté en Europe(même s'il y a d'autres exemples de coexistence entre confessions différentes – Bohème, Transylvanie …, ce n'est jamais à cette échelle – l'Empire – et surtout c'estune cohabitation formalisée et officialisée), mais la prémisse de problèmes futurs , car aucune autre confession n'est autorisée (ce qui déclenchera la guerre de Trenteans).

Mais une défaite de Charles Quint, qui quitte la scène politique. -La révolte des Pays-Bas : des revendications politiques (respect des autonomies locales, des libertés urbaines, respect de la tradition de gouvernement par desmembres de la famille régnante…), auxquelles viennent s'ajouter des conflits religieux (le cas de Lille est particulièrement intéressant, car la ville reste catholiquemais ses magistrats opposent toujours leur tradition d'autonomie aux velléités de contrôle des évêques : même en absence d'opposition confessionnelle s'exprimel'aspiration à la « liberté » - attention aux mots : il s'agit des « libertés » urbaines au pluriel, un concept médiéval - ).

Question religieuse et question politique sonttoutefois tellement imbriquées qu'il est difficile de trancher : les Provinces du Nord trouvent dans le choix de l'opposition confessionnelle un fondement identitairequi leur permet d'arriver à l'indépendance, grâce au soutien des États protestants (Angleterre, Princes d'Empire…) .

Avant d'y arriver, toutefois : une série d'accordset de traités (Gand, Arras, Utrecht) qui marquent des étapes fondamentales dans l'acceptation d'un principe de liberté de conscience, et même de pratique, en matièrede religion. -Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, le partage confessionnel de l'Europe occidentale est en voie de réalisation et il se fonde sur les États.

Le seul ensemblepolitique dans lequel le partage confessionnel peut être accepté est de fait l'Empire (cf.

doc.

n° 5) et, en réalité, au prix d'une fragmentation politique de plus en plusdéfinitive (dans leurs États héréditaires, les Habsbourg d'Autriche imposent rapidement une « Contre-réforme »).

Les monarchies nationales (c'est-à-dire la formepolitique qui domine l'Europe de la première modernité) peuvent difficilement se fonder sur le partage confessionnel (n'oublions pas que les États d'Europe centraleou orientale où la cohabitation entre différentes confessions se réalise sont des monarchies électives). 2- Guerres de religion et construction monarchique : France, Angleterre, Etats Scandinaves-Le principe « un roi, une loi, une foi » fonde les monarchies nationales de l'époque moderne.

Le choix de la Réforme et la rupture avec Rome deviennent alors lefondement d'une réorganisation du pouvoir monarchique, qui peut compter sur l'appui d'une Église véritablement « nationale », contrôlée par le pouvoir politique etqui peut également tirer profit des impôts qui étaient auparavant perçus par Rome.

Dans l'espace Scandinave : des réformes très « politiques », qui peuvent aussifonder des revendications d'autonomie : le cas de la Suède, où, toutefois, l'indépendance du Danemark ne traduit pas une différenciation confessionnelle, car,parallèlement, le Danemark aussi passe à la Réforme.

Des différences toutefois persistent, car le Danemark choisit une réforme très luthérienne, alors que la Suèderéalise une synthèse originale de luthérianisme et calvinisme.. »

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