LA PESTE NOIRE
Publié le 06/02/2019
Extrait du document
Totalement impuissants, les médecins répugnaient à venir visiter les malades, de peur d’être infectés. Les prêtres eux-mêmes refusaient d’assister les mourants: or mourir sans extrême-onction était au Moyen Age inconcevable. Les malades agonisaient donc le plus souvent dans la solitude la plus totale, la terreur religieuse venant s’ajouter, avec la faim et la soif, aux affres de la maladie. Princes et anonymes, tous ceux qui le pouvaient, désertaient les grandes villes. Les plus riches s’en allaient à la campagne, par
fois à des centaines de kilomètres de leur lieu de résidence habituel : Boccace raconte dans le Décaméron la vie d’un groupe d’aristocrates réfugiés dans la campagne florentine. Mais, même dans les terres reculées, le fléau sévissait. Et, en fuyant, la population porteuse du virus propageait, sans le savoir, la maladie.
À défaut de trouver des remèdes, il fallait bien trouver des coupables. On désigna les Juifs. Peu aimés en raison de leur activité d’usuriers, ils furent accusés par les notables - qui se révèlent souvent leurs débiteurs - de complot criminel. Les procès pour empoisonnement de puits se multiplièrent et, si à Cologne on tentait farouchement de s’opposer à ces massacres, à Bâle ou à Strasbourg, on extermina des hommes qui n’étaient coupables que d’avoir avoué tout ce qu’on avait voulu d’eux sous la torture. Certains crurent que cette épidémie était une punition
divine : thèse reprise ici et là, il y a quelques années, par d’ardents catholiques, voyant dans le sida - qualifié de «peste moderne» - le châtiment de moeurs dissolues. Aussi, pour décourager la colère céleste, les fidèles retrouvèrent-ils le chemin des églises; quant aux processions de flagellants, elles allèrent se multipliant.
Parmi ceux qui ne mouraient ni ne priaient, certains mimait la réjouissance. Tandis qu’ici les fossoyeurs ramassaient les cadavres et que la mort passait symboliquement avec sa faux, les valides conjuraient le malheur à travers des chants et des danses, parodiant les larmes et l’agonie - le thème de la danse macabre particulièrement inspira les peintres, sculpteurs et graveurs du Moyen Âge.
«
La
peste noire ! La Mort noire emportait tes riches et A tes pauvres indistinctement.
Les plus aisés
pouvaient fuir à ta campagne: mais, même dans
tes terres reculées, l'inexorable maladie rôdait.
Ici, elle frappe de plein fouet te roi et te pape.
qui, sur beaucoup, se montraient aux bras, aux
cuisses et en tout autre point, tantôt grandes et
espacées, tantôt serrées et menues».
La douleur
était si intolérable que certains préféraient se sui
cider.
D'autres devenaient fous.
La plupart affron
taient cet inhumain combat tout seuls.
Car, devant
le virus, tous fuyaient: la mère abandonnait l'en
fant, l'enfant, père et mère, la femme, l'époux.
Totalement impuissants, les médecins répu
gnaient à venir visiter les malades, de peur d'être
infectés.
Les prêtres eux-mêmes refusaient
d'assister les mourants: or mourir sans extrême
onction était au Moyen Âge inconcevable.
Les
malades agonisaient donc le plus souvent dans
la solitude la plus totale, la terreur religieuse
venant s'ajouter , avec la faim et la soif, aux affres
de la maladie.
Princes et anonymes, tous ceux
qui le pouvaient, désertaient les grandes villes.
Les plus riches s'en allaient à la campagne, par-fois
à des centaines de kilomètres de leur lieu de
résidence habituel: Boccace raconte dans le
Décaméron la vie d'un groupe d'aristocrates réfu
giés dans la campagne florentine.
Mais, même
dans les terres reculées, le fléau sévissait.
Et, en
fuyant, la population porteuse du virus propa
geait, sans le savoir, la maladie.
À défaut de trouver des remèdes, il fallait bien
trouver des coupables.
On désigna les Juifs.
Peu
aimés en raison de leur activité d'usuriers, ils
furent accusés par les notables -qui se révèlent
souvent leurs débiteurs -de complot criminel.
Les procès pour empoisonnement de puits se
multiplièrent et, si à Cologne on tentait farouche
ment de s'opposer à ces massacres, à Bâle ou à
Strasbourg, on extermina des hommes qui
n'étaient coupables que d'avoir avoué tout ce
qu'on avait voulu d'eux sous la torture.
Certains
crurent que cette épidémie était une punition
tt fallut attendre ...,._
tes découvertes
d'Alexandre Yersin,
en 1894, et de
P.
L.
Simond, en 1898,
pour comprendre
te processus de
transmission de
la peste bubonique.
Le bacille Pasteurella
pestis est véhiculé par
la puce du rat noir:
l'insecte, niché dans
les poils de l'animal,
infecte son sang
et contamine
ainsi te rongeur.
......
La propagation
de la peste
� travers l'Europe.
A partir de la Chine,
ta peste a gagné l'Asie
et l'Europe par
des routes terrestres,
probablement
les routes de ta soie
et des épices.
divine:
thèse reprise ici et là, il y a quelques
années, par d'ardents catholiques, voyant dans le
sida -qualifié de «peste moderne,, -le châtiment
de mœurs dissolues.
Aussi, pour décourager la
colère céleste, les fidèles retrouvèrent-ils le che
min des églises; quant aux processions de flagel
lants, elles allèrent se multipliant.
Parmi ceux qui ne mouraient ni ne priaient,
certains mimait la réjouissance.
Tandis qu'ici les
fossoyeurs ramassaient les cadavres et que la
mort passait symboliquement avec sa faux, les
valides conjuraient le malheur à travers des
chants et des danses, parodiant les larmes et
l'agonie- le thème de la danse macabre particu
lièrement inspir� les peintres, sculpteurs et gra
veurs du Moyen Age.
En 1351, enfin, la peste se calma; en 1352, elle
disparut.
On dressa alors le bilan: un tiers de la
population du Vieux Continent avait été décimé
en six ans.
La Bohême et la Pologne avaient assez
bien résisté.
Le nord de l'Italie - à commencer
par Gênes -et la côte méditerranéenne française
avaient perdu presque tous leurs habitants.
L'inté
rieur de l'Hexagone, moins exposé aux échan
ges, fut lui-même sévèrement touché: en Bour
gogne, par exemple, les neuf dixièmes des habi
tants décédèrent.
La peste eut, outre de graves
conséquences démographiques, des incidences
économiques et sociales capitales.
Jadis lié à son
seigneur , le serf put s'affranchir et travailler pour
d'autr es: le besoin de main-d'œuvre était si
......
On dansa beaucoup en Europe
pendant la grande peste, pour conjurer
ta souffrance et la mort.
Cette dernière
est évoquée par les crânes et les ossements
entassés à gauche, derrière les villageois.
important que les exploitants hésitèrent en effet à
renvoyer chez leurs maîtres attitrés ces rempla
çants inespérés.
Le retour de la Mort noire
Les derniers cadavres enterrés, on crut la peste
disparue.
Elle revint pourtant jusqu'au xvne siècle,
frappant tour à tour les Vénitiens (1575-1577), les
Lyonnais (1628), les Londoniens (1665) et les
Marseillais (1720).
La maladie atteignit ensuite,
entre 1894 et 1948, des villes aussi diverses que
Bombay, Ceylan, San Francisco, Glasgow et Paris.
L'Europe, dotée d'une prophylaxie efficace, fit
dans l'ensemble très bien face à l'épidémie.
Aujourd'hui quasiment éradiquée, la peste ne
constitue plus une menace grâce à une série de
mesures préventives et curatives..
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