La nuit du 4 août Lettre du marquis de Ferrières [député de la noblesse de Saumur, Anjou] au chevalier de Rabreuil.
Publié le 19/07/2012
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II- Une « ivresse patriotique « ? Il semblerait que cette séance du 4 août ait été préparée la veille, le 3 août, par le Club breton. Le duc d'Aiguillon devait proposer à l'Assemblée, de calmer les agitations populaires en abolissant les privilèges et en proposant leur rachat. Son but était de se rendre populaire aux yeux de tous : Tiers et nobles. Le duc d'Aiguillon était le plus riche propriétaire terrien (c'était lui qui avait le plus de droits féodaux). En proposant leur rachat par les paysans, il donnait aux nobles, dont la plupart n'avaient pour tout bien que ces droits féodaux, une indemnité et en garantissait la propriété (menacée par la Grande Peur). En même temps, d'Aiguillon passerait pour un homme d'une extrême générosité à l'égard du Tiers, et comme un acteur important de la Révolution.
«
invasion ordonnée par le roi de Piémont-Sardaigne.
« Les mercenaires des aristocrates étaient, disait-on, partout, la flamme au poing pour incendier les récoltes.
»[7]
Cette Grande Peur touche tout le royaume : « les provinces sont « agitées des plus violentes convulsions, et en partie ravagées » (l.17), « le royaume est en proie àl'anarchie, à la dévastation » (l.20).Pour Berthaud, « du 20 juillet au 6 août, toute la France fut gagnée par cette Grande Peur, à l'exception de la Bretagne, le Hainaut, l'Alsace et la Lorraine.
»[8]
On attaque des châteaux, nobles et bourgeois, et les abbayes (« plus de 150 châteaux incendiés » (l.
18)).
On y recherche les terriers pour les détruire (« les titresseigneuriaux recherchés avec une espèce de fureur, et brûlés » (l.
18)).
Les terriers sont les symboles de la dépendance féodale, et économique, symboles desprivilèges seigneuriaux.
Ainsi, on refuse de payer dîme et champarts pour la prochaine récolte.
Parfois, on assiste à des règlements de comptes personnels.
Même leslaboureurs sont attaqués.
II- Une « ivresse patriotique » ?
Il semblerait que cette séance du 4 août ait été préparée la veille, le 3 août, par le Club breton.
Le duc d'Aiguillon devait proposer à l'Assemblée, de calmer lesagitations populaires en abolissant les privilèges et en proposant leur rachat.
Son but était de se rendre populaire aux yeux de tous : Tiers et nobles.
Le duc d'Aiguillon était le plus riche propriétaire terrien (c'était lui qui avait le plus de droitsféodaux).
En proposant leur rachat par les paysans, il donnait aux nobles, dont la plupart n'avaient pour tout bien que ces droits féodaux, une indemnité et engarantissait la propriété (menacée par la Grande Peur).
En même temps, d'Aiguillon passerait pour un homme d'une extrême générosité à l'égard du Tiers, et commeun acteur important de la Révolution.
Le Chapelier, créateur du Club breton et nouveau président de l'Assemblée (élu depuis peu), a modifié le règlement de l'Assemblée, pour lui permettre de se réunir lesoir.
Ainsi, il espérait qu'une réunion tardive pousserait la plupart des députés qui n'étaient pas dans la confidence du projet du Club breton, à ne pas y assister.
Mais tout ne se déroule pas comme prévu.
Le vicomte de Noailles n'était pas au Club breton, mais il entendit parler de la proposition du duc d'Aiguillon.
Pendant laséance de l'Assemblée, c'est lui qui fit cette proposition, s'attribuant tout le mérite.
« M.
le Vicomte de Noailles fit une motion, et demanda que les droits de banalité,rentes nobles foncières […], tous droits qui pèsent sur le peuple […], puissent être rachetés à un taux fixé par l'Assemblée nationale » (l.6-9).
Le vicomte de Noaillesétait à l'exact opposé du duc d'Aiguillon en terme de richesses féodales.
Lui ne possédait aucun droit seigneurial.
Aussi, il proposa également « d'abolir sans rachatles corvées seigneuriales et autres servitudes personnelles »[9].
Le discours de Noailles fut pris pour une attaque, mais Ferrières nous indique que « le comte de Montmorency appuya fortement cette motion » ainsi que « plusieursmembres de la Haute Noblesse » (l.10-11).
Le duc d'Aiguillon prit la parole.
Il fit un discours dans lequel il déclara que les hommes qui attaquaient les châteauxn'étaient pas vraiment coupables, et qu'ils étaient plutôt les victimes de « la tyrannie féodale »[10].
D'Aiguillon insiste alors sur la possibilité de rachat de tous lesprivilèges pécuniaires dont disposaient la Noblesse et le Clergé (« Les ducs d'Aiguillon et du Châtelet proposèrent que dès le moment le Noblesse et le Clergéprononçassent le sacrifice de leurs privilèges pécuniaires.
» (l.11-12))
Après d'Aiguillon, des dizaines de députés prennent la parole, tous pour proposer d'abolir quelque droit seigneurial, ou d'établir l'égalité entre nobles et roturiers.
Le 5 août à 2h du matin, l'Assemblée se sépare, après avoir aboli tout ce qu'elle avait pu abolir… et cela dans un moment d'euphorie générale : « Vous jugez del'enthousiasme dans lequel ce généreux abandon fut reçu.
Je n'essaierai point de vous peindre les transports, la joie ; une foule immense de spectateurs la partageait ;des cris, des « Vive le roi ! », des battements de mains ! » (l.33-35)
III- L'abolition des privilèges
« Parmi l'enthousiasme et l'attendrissement, il y avait aussi une fière insouciance, la vivacité d'un noble joueur qui prend plaisir à jeter l'or.
Tous ces sacrifices sefaisaient par des riches et par des pauvres, avec une gaieté égale, avec malice parfois.
»[11]
Les droits seigneuriaux sont abolis.
Il s'agit des droits de banalité (les tenanciers avaient obligation d'utiliser contre rémunération fours, moulins, etc.
du seigneur),rentes nobles foncières, droits de minage, exclusifs de chasse, de fuie, colombier, redevances, dîmes.
(l.6-7)
Les villes abandonnent aussi leurs privilèges : « Les députés de Paris renoncent pour la capitale à ses privilèges ; ceux des villes de Bordeaux, Lyon, Marseille suiventle même exemple.
»
Les provinces, font de même : « les députés des provinces privilégiées, la Bretagne, la Bourgogne, le Dauphiné, l'Artois, la Franche-Comté, la Provence, leLanguedoc, le Boulonnais, la principauté d'Orange, le Cambrésis, l'Alsace, le pays de Dombes, s'avancent tour à tour au bureau, et prononcent solennellement, aunom de leurs provinces, la renonciation formelle à tous droits, privilèges, exemptions, prérogatives, demandant d'être assimilés aux autres provinces de France.
»
Ce fait est important : on va vers l'unité du Royaume.
Dans cette « orgie de sacrifices » (J.-P.
Hirsch), les députés allaient plus loin que la simple suppression de la féodalité.
M.
de La Rochefoucauld demanda des« adoucissements pour l'esclavage des Noirs ».
(l'esclavage ne sera aboli qu'en 1792, pour être rétabli en 1802 par Napoléon).
Les droits féodaux abolis mènent à l'égalité civile, qui était le but des députés, notamment du duc d'Aiguillon (qui était un libéral).
Les mesures décidées pendant la nuit du 4 août seront précisées ou abandonnées les 7 et 11 août.
Finalement, seul le Clergé se sacrifie vraiment : la dîme est abolie (disparait le 1er janvier 1791), sans rachat et sans compensation financière.
Ce n'est pas le cas desdroits seigneuriaux.
Seuls les droits féodaux « honorifiques » étaient abolis gratuitement (armoiries, etc.), les droits réels (cens, champarts, etc.) devaient êtrerachetés.
Conclusion
On peut souligner l'efficacité de cette nuit (l.36-39) : « Cette réunion d'intérêts, cette unité de toute la France à un même but (l'avantage commun de tous) que douzesiècles, la même religion, le même langage, l'habitude des mêmes mœurs, n'avaient pu opérer ; que le ministre le plus habile, le plus puissant, n'aurait pu effectuer,après dix années de soin et de travaux, se trouvait tout à coup formée, sanctionnée à jamais.
»
Après la nuit du 4 août, l'égalité civile est acquise (elle sera inscrite le 26 aout dans la DDHC) ainsi que l'unité de la France.
La liberté et l'égalité sont les maîtres mots des députés, mais ils tiennent aussi et surtout à la propriété[12].
Et cette propriété sera un frein à l'application réelle del'abolition des privilèges..
»
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