La musique de 1910 à 1919 : Histoire
Publié le 12/01/2019
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DE L’OPÉRETTE AU MUSIC-HALL. Encore peu menacé par le Cinématographe (même si certaines salles s’y reconvertissent, comme le Parisiana dès 1910). le spectacle populaire connaît à Paris, comme à Londres. Berlin. Milan. Saint-Pétersbourg et bien entendu New York, un succès grandissant. Héritiers des cafés-chantants. cafés-concerts et cabarets montmartrois. les music-halls alternent de plus en plus souvent les tours de chant et les attractions héritées du cirque. Les producteurs de revues y deviennent de grands professionnels à l'affût des nouveaux talents et des thèmes à la mode : Caillavet et Fiers, Pacra. de Cottens, Habrekorn. Vol-terra et surtout le tandem Dufrcnnc et Varna s'affirment comme les héritiers du légendaire Mayol. Décors et costumes se font extravagants et parfois somptueux, pour concurrencer l'opérette qui a encore de beaux jours devant elle : certaines salles ( Apollo, Cigale, Eldorado) hésitent entre les deux genres, et l’Alhambra accueille même Wagner grâce à l'opéra populaire dirigé par Alfred Cortot. Mais les faveurs du grand public vont surtout aux épigones d'Offenbach et aux viennoiseries d'Oscar Straus.
LES COMPOSITEURS AU PIANO. La littérature pianistique connaît autour de 1914 une exceptionnelle richesse. Le succès des rouleaux et cylindres pour piano mécanique et les débuts du phonogramme n’y sont pas étrangers... mais c'est avant tout le talent et le succès d'éditeurs de musique comme Durand à Paris qui assurent aux compositeurs des revenus substantiels et les incitent d'autant plus à écrire pour le clavier. Eux-mêmes sont presque tous d’excellents pianistes et parfois même de grands virtuoses comme Granados ou Rachmaninov. Quand ils n’assurent pas la création de leurs œuvres, ils sont servis par d’admirables interprètes: Paderewski, Ri-cardo Vines, Édouard Risler, Marguerite Long, Alfred Cortot... C'est l'époque où Debussy, Ravel, Satie et Fauré produisent leurs cycles les plus aboutis. Les premiers chefs-d’œuvre de Rachmaninov et de Prokofiev, les grandes sonates de Scriabine représentent l’apogée de Iccole russe dans le domaine pianistique. Enfin le monde entier découvre la musique espagnole grâce aux tournées de Granados qui, outre ses propres pièces, diffuse celles d’Albe-niz et de Falla.
L’OPÉRA À L’AURORE DU DISQUE. Si le pho nographe balbutiant privilégie Part lyrique, c’est qu’il impose les conditions d’une technique encore rudimentaire: agglutinés autour du cornet acoustique dans un studio exigu, les chanteurs parviennent à se faire entendre en s'égosillant, alors que l’orchestre, même artificiellement renforcé par des cuivres tonitruants, reste bien en retrait. L'air d'opéra devient un genre populaire. Le ténor Enrico Caruso, première vedette de l'industrie phonographique, a déjà gravé plus de deux cents faces en 1919. Les premières intégrales (Faust, Carmen, le Trouvère) forment des piles vertigineuses. Encouragée par Max Reinhardt et Stanislavski, la mise en scène progresse. Même les compositeurs et les chefs d’orchestre comme Mahler et Toscanini s'y essaient. Le répertoire s'enrichit de nombreux chefs-d’œuvre: les dernières créations de Puccini. de Massenet et de Saint-Saëns: les splendides comédies néomozartiennes de Strauss et Hofmannstahl; mais aussi, plus engagées dans le xxe siècle, les rares œuvres lyriques de Ravel, Debussy, Fauré, Granados, Stravinski et Bartok.
LA «BARBARIE» GRANDIOSE DES BAI>-LETS RUSSES. Ce n’est qu’en 1911 que l’imprésario Serge de Diaghilev fonde sa propre compagnie. Auparavant, ce dilettante de génie a révélé à la Russie sa propre école de peinture mais aussi les maîtres de l’impressionnisme français. De plus, il vient de présenter à Paris les chefs-d’œuvre de l’opéra et du ballet russes. Abandonnant le répertoire consacré, il se dévoue à l'avant-garde. Assisté du chorégraphe Fokine et du décorateur Benois, il fait découvrir au monde entier les danseurs Nijinski (Vaslav et sa sœur Nijinska), Karsavina, Pavlova, plus tard Balanchine et Lifar. Il se lie d’amitié avec Jean
Cocteau, fait appel aux plus grands compositeurs (Stravinski mais aussi Debussy, Prokofiev, Ravel et Satie) cl aux meilleurs peintres (Larionov, Rouault, Matisse, Picasso). La plupart de ces artistes s'enthousiasment pour cette aventure collective, avant de se brouiller avec Diaghilev dont le mauvais caractère est resté aussi légendaire que sa créativité! Grâce aux Ballets russes, la danse moderne s’est imposée loin des conventions d'un art qui n'avait guère évolué depuis cinquante ans.
LE POST-SYMPHONISME. Dernier des grands compositeurs symphoniques du xixc siècle, Gustav Mahler crée sa Symphonie des Mille, apothéose du genre, puis meurt en 1911, laissant trois œuvres posthumes entre les mains de son héritier Bruno Walter. Comme lui, bien des symphonistes de l'époque sont aussi chefs d'orchestre: Pierné, Strauss, Sibelius, Rachmaninov. mais aussi Ravel et Stravinski. Quelques nouveaux ensembles prestigieux voient le jour: en Europe (Oslo. Rotterdam. Zagreb et surtout l'Orchestre de la Suisse romande dirigé à vie par Ernest Ansermet) et aux États-Unis (Cleveland, Detroit, Los Angeles, San Francisco, Baltimore, Houston). La forme symphonique «à programme» héritée du romantisme remporte toujours l’adhésion du public, mais les jeunes compositeurs tentent de renouveler structure et instrumentation, en revenant aux sources du xviiic siècle, comme le fait Sergueî Prokofiev, en puisant la thématique dans le folklore et la poésie (Elgar, Vaughan-Williams, Sibelius. Roussel. Rachmaninov) ou en y renonçant tout à fait comme s’y décide Arnold Schônberg dès 1912.
À LA RECHERCHE DE SONS INOUÏS. Claude Debussy - qui meurt en mars 1918 - est déjà reconnu comme le pionnier d’une révolution musicale qui ne se limite pas à l'école française. À sa suite, la plupart des jeunes compositeurs contestent les structures préétablies, la dictature du système tonal et l’évidence des thèmes, qu’ils préfèrent dissoudre dans l’ensemble orchestral ou choral pour mieux libérer la beauté intrinsèque des timbres et des voix. Certains d’entre eux (Satie, Stravinski, Ravel) se mêlent aux avant-gardes plastiques et littéraires, d’autres (Bartok, Kodâly) se passionnent pour l’étude systématique des musiques traditionnelles. Plus généralement, les compositeurs les plus créatifs, sans refuser les outils du «métier», secouent le fardeau des pesanteurs académiques. Des «marginaux» comme Ives, Delius ou Scriabine tirent plus leur inspiration de la nature ou de la philosophie que d'un quelconque héritage musical. Et tandis que Schônberg et Stravinski vont jusqu’à contester la ligne mélodique du chant, l’arrivée du jazz commence à chatouiller les oreilles des musiciens les plus perspicaces.
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