La guerre gréco-turque (1920-1922) - histoire
Publié le 10/11/2018
Extrait du document
LA «GRANDE GRÈCE»
Le conflit qui oppose la Grèce à la Turquie au lendemain de la Première Guerre mondiale constitue, à bien des égards, le prolongement de celle-ci dans les Balkans.
La Grèce, qui siège aux côtés des vainqueurs, entend faire revivre le rêve de Megoli Idea («Grande Idée») de la «Grande Grèce», un ensemble réunissant, comme dans l'Antiquité, la Thrace et une partie de l'Asie Mineure. Un dessein expansionniste qui se trouve conforté lors de la conférence de la paix de Paris, en juillet 1919. À l'inverse, la Turquie, qui a combattu aux côtés des puissances centrales, sort exsangue de la guerre. Occupée par des troupes françaises, britanniques et Italiennes, elle doit signer le 30 octobre 1918 la convention d'armistice de Moudros, qui sonne le glas de l'Empire ottoman. Mais le traité de Sèvres de 1920, qui entérine les dispositions prises à Moudros, est dénoncé par Mustafa Kemal. La Grèce doit donc vaincre la résistance kémaliste pour imposer le traité.
L'ÉTINCELLE: LE TRAITÉ DE SÈVRES
Un certain Mustafa Kemal
• Profitant de l'affaiblissement des Turcs, dont l'armée est dispersée et démoralisée, les Grecs entendent capitaliser à leur avantage les dispositions de la convention de Moudros :le 16 mai 1919, le gouvernement de Venizélos, fort du soutien de son homologue britannique, donne l'ordre aux forces armées de débarquer dans la région de Smyrne (aujourd'hui Izmir).
• La menace grecque sur Smyrne pousse un jeune général, Mustafa Kemal, à prendre la tête d'un mouvement nationaliste opposé à la fois aux prétentions hégémoniques d'Athènes et au sultan, Mehmed VI.
• Kemal condamne le gouvernement impérial de Constantinople et proclame la révolution nationale à laquelle il assigne comme objectif la sauvegarde de l'indépendance nationale de la nouvelle Turquie. En effet, la Grande Assemblée nationale d'Ankara, réunie le 23 avril 1920, a élu Mustafa Kemal président d'un comité exécutif qui fait fonction de gouvernement provisoire, lequel se réunit pour la première fois le 3 mai.
Convention d'armistice de Moudros Entrée des troupes grecques dans Brousse Signature du traité de Sèvres Première défaite des Grecs à Inônü Seconde défaite des Grecs à Inônü Défaite des Grecs près de la Sakarya Reprise de Brousse par les Turcs Entrée des Turcs dans Smyrne Signature du traité de Lausanne
Le retour de Constantin
• Face aux moyens déployés par les Grecs dans la région de Smyrne, Kemal décide de suspendre sa progression, mais ses troupes restent à proximité de la mer de Marmara, en vue de Constantinople. Les Britanniques, les Français et les Italiens ne disposent que de quelques bataillons pour garder la capitale.
• Sous la pression de Venizélos, Paris et Londres autorisent la Grèce à prendre l'offensive. Toutefois, les objectifs doivent se limiter au dégagement des Dardanelles et de la mer de Marmara. Le 8 juillet 1920, les troupes grecques entrent à Brousse (sud-est de la mer de Marmara).
«
causé par la restauration de Constantin , reprend son aide aux Grecs .
A l'inverse , la France , désireuse de contrebalancer l'influence anglaise en Orient, se rapproche de Kemal.
Le 20 octobre 1921 , un traité est signé entre Paris et le gouvernement d'Ankara .
La France renonce à la Cilicie, territoire situé au sud-est de l'actuelle Turquie, et qu'elle occupe depuis 1918.
Des conventions spéciales prévoient qu'elle fournira des armes aux forces kémalistes.
• Grâce au soutien de l'URSS et de la France, le gouvernement d'Ankara parvient à remettre sur pied une armée de plus de 200 000 hommes .
L'ISOLEMENT INTERNATIONAL DE LA CiRÈCE • A Athènes, les révélations des pertes de la campagne de 1921 -quelque 35 000 tués et blessés -déclenchent des manifesttlfions contre la guerre .
La population commence à réclamer la déchéance de celui qu'elle avait reçu comme le sauveur en décembre 1920.
• C'est dans une ambiance de fin de règne que Constantin presse les Alliés de lui fournir des renforts en hommes, en aéroplanes , en artillerie, sans compter un soutien financier .
Le roi ne manque pas d'arguments , faisant notamment valoir les dangers auxquels seraient exposées les populations chrétiennes en cas d'évacuation totale de l'Asie Mineure par les Grecs.
li est vrai que le souvenir du génocide arménien de 1915 suffit à témoigner que les craintes exprimées par
Constantin ne sont pas infondées .
• A l'initiative de Londres une conférence réunissant Anglais , Français et Italiens se tient dans les derniers jours de mars.
li s'agit de trouver les conditions d'un armistice susceptible d 'empêcher un nouveau bain de sang.
Mais les intérêts divergents des Grecs et des Turcs et la rivalité de la France et de la Grande Bretagne compliquent la tâche des négociateurs .
Ces derniers abouti ssent à un texte qui, présenté comme une solution modérée, déclenche la colère des Grecs.
En effet, le communiqué final de la conférence reconnaît à la Turquie le droit de récupérer son «historique et illustre capitale , Constantinople» .
Une formulation qui provoque l'indignation des Grecs -renoncer à Constantinople, c'est renoncer de fado à toute prétention en Asie Mineure -et galvanise l'espoir de revanche des Turcs .
• De nouveau Athènes adresse une note scandalisée aux Alliés dans laquelle elle insiste sur les massacres et les déportations de chrétiens , de plus en plus nombreux, dans les zones contrôlées par les Turcs .
Et d 'en conclure qu'elle se voit contrainte de prendre l'initiative sur le terrain pour protéger ces populations d'une mort certaine.
UNE DÉFAITE ANNONCÉE
LA RUSE DE KEMAL • Malgré les protestations de Londres et de Paris, Constantin se décide donc à faire front.
En Anatolie, l'armée grecque , forte de 200 ooo hommes et 380 canons, se trouve étirée sur un front de quelque 600 km, de la mer de Marmara à la vallée du Méandre.
Les organisations défensives sont sommaires et discontinues .
Les réseaux de barbelés sont minces ou inexistants, les réserves faibles et dépourvues de mobilité .
1--------------i • Le nouveau généra l en chef grec, FRICTIONS ENTRE LA FRANCE ET LA TURQUIE EN CIUCIE
• lors de la victoire, en 1918, la France participe au démembrement de l'Empire ottoman vaincu.
Hormis les protectorats syrien et libanais, elle cherche à occuper la Cilicie, au sud-est de la Turquie actuelle.
• Entre autres régions, la Cilicie revient à la France qui y a une longue tradition depuis le xu• siècle et bénéficie de la sympathie et du soutien des Arméniens.
• L'affaire est tout de suite mal engagée, à la fois par manque de moyens et de volonté politique clairement exprimée.
• Alors que, depuis le début des opérations, les Français ont la mailrise totale du terrain avec des troupes relativement réduites mais commandées par des officiers supérieurs patriotes et brillants , la France, trahie aussi par certains des siens qui intriguent avec les kémalistes, doit finalement évacuer dans des conditions tragiques la Cilicie pour laquelle des milliers de soldats français et de volontaires arméniens de la Légion d'Orient ont versé leur sang.
• A l'issue du traité signé avec le gouvernement d'Ankara le 20 octobre 1921, la France renonce à la Cilicie et ramène sur l'Euphrate sa frontière d'Orient.
le généra l Hadjianestasis, attend une offensive kémaliste dans le secteur d'Eskisehir, ce que semblent annoncer des aménagements de pistes et des nuages de poussière .
En réalité , les indices observés par Hadjianestasis sont des trompe-l'œil.
Malgré son infériorité numérique- 200 000 hommes et 200 canons -, Kemal décide de manœuvrer contre l'aile la plus faible du dispositif ennemi.
Les Turcs font mouvement de nuit cantonnant le jour dans des villages pour échapper à l'observation aérienne.
Kemal se propose de rompre le front grec et de marcher droit sur Smyrne en prenant pour axe l'unique voie ferrée conduisant à la ville.
• Les Turcs lancent leur attaque le 26 août 1922.
L'ordre du jour signé de Kemal est sans ambiguM : il est interdit de s 'arrêter avant la Méditerranée .
Dès le lendemain , le front grec est percé , provoquant la débandade des 1 " et 4 ' divisions d 'Hadjianestasis.
L'armée grecque est contrainte d'abandonner Afyonkarahisar.
Le 28 août , c'est au tour des 12' et S 'divisions de lâcher pied .
Galvanisée par ces premiers succès, la cavalerie turque s'engouffre dans les brèches , contourne les îlots de résistance et sème partout la panique dans les rangs de l'adversaire .
• Encerclé, le commandant du 1" corps d 'armée , le général Ticoulis , se rend le 1" septembre avec les 300 officiers de son état-major.
En l'espace de six jours toute l'aile droite grecque a été détruite.
Le dispositif déployé par Hadjianestasis au centre du front se trouve entraîné par la déroute générale .
A l'aile gauche, le 3 • corps n 'est pas attaqué, mais il se désagrège littéralement dans une retraite précipitée vers la mer de Marmara .
• Début septembre, Brousse, dont la conquête avait été salué en juillet 1920 par le cri de triomphe de l'hellénisme , voit passer une foule de soldats débandés courant vers Mudanya, un petit port de la mer de Marmara .
Les Anglais couvrent leur retraite en interdisant aux Turcs de pénétrer dans la zone démilitarisée.
Seule une infime minorité de soldats réussit à rejoindre les îles de Mytilène et de Chio, où se trouve concentrée la flotte grecque .
L'ENTitE DES TURCS À SMYRNE • La panique règne à Smyrne où des centaines de milliers de chrétiens se pressent pour échapper à l'avance turque.
Impui ssants, ils assistent au rembarquement des dernières unités de l'armée grecque dans la rade peuplée de navires de guerre alliés , King George-V, Iron Duke , Edgar Quinet Jean-Bart Vittorio -Emmanuel • Le 8 septembre arrivent à Smyrne les premiers détachements de l'armée de Kemal.
C'est le début de trois jours d 'horreur pour la population chrétienne de la ville , sans que les forces occidentales, pourtant stationnées dans le port, interviennent.
Le 9 septembre, la zone arménienne de Smyrne est envahie par les soldats turcs qui provoquent un immense incendie, lequ el se propage dans la zone française: le théâtre , l'hôpital, la banque ottomane , le Sacré-Cœur, les consulats , les immeubles résidentiels sont la proie des flammes .
Partout dans la ville le massacre des Grecs se poursuit au milieu des flammes.
Seule la partie ottomane de Smyrne est épargnée par l'incendie .
On ne saura jamais combien de milliers de personnes ont péri par le fer et par le feu lors de l'arrivée des Turcs à Smyrne.
• En Turquie , la victoire des armées de Mustafa Kemal ne laisse au sultan d'autre perspective que la fuite: le 17 novembre 1922, il se réfugie sur un navire anglais en rade d'lstambul.
L'Assemblée nationale le prive de la fonction de calife qui faisait de lui
le chef spirituel de tous les musulmans et le successeur des premiers compagnons du Prophète.
LA FIN DE LA GRANDE IDÉE
L'EXIL DE CONSTANTIN ET U REJOUI DES VENiztllmS • La défaite des Grecs est totale .
A Athènes, l'abattement fait place à la colère .
La flotte et l'armée, conduites par le général Plastiras , proclament la déchéance du roi Constantin, lequel repart pour un exil, cette fois définitif.
Son fils Georges Il lui succède , mais doit gouverner avec le comité révolutionnaire de Platiras.
• Une cour martiale est chargée de châtier les responsables du désastre .
Le 2 décembre 1922, cinq ministres, parmi lesquels le chef du gouvernement et le général Hadjianestasis , sont passés par les armes .
• Entre-temp s, des pourparlers de paix ont été ouverts à Mudanya , sur la mer de Marmara .
lis débouchent sur la conclusion d'un armistice le 11 octobre 1922 .
LA CONFhENCE DE lAUSANNE • Parallèlement la Grande -Bretagne, l 'Italie et la France invitent le gouvernement de Mustafa Kemal à une grande conférence qui se tiendra à Lausanne .
• La contrrence s'ouvre le 21 novembre 1922 et se conclut en juillet 1923 par la signature du traité dit de lausanne .
Pour la Grèce, c 'est la fin de la Grande Idée (cet épisode de l'histoire de la Grèce est connu sous le nom de « Grande Catastrophe »).La Turquie récupère la Thrace orientale , au-de là de la rivière Evros , avec Edirne, les Ues de Tenebos et d1mbos .
La Grèce s'engage à démilitariser les îles voisines des côtes d'Anatolie.
La Turquie reconnaît le mandat britannique sur l 'Irak.
Les Alliés renoncent au contrôle des détroits et doivent quitter Constantinople qu'ils occupent depuis 1918.
lEs TIANSFEm DE POPULATION • Le traité de Lausanne instaure pour la première fois dans l'histoire de la diplomatie les transferts de population .
• Chassés par l'offensive turque , un million et demi de Grecs établis en Anatolie depuis la haute Antiquité traversent précipitamment la mer Égée et sont recueillis par la Grèce .
Celle-ci , en retour, expulse quelques centaines de milliers de Turcs .
• La république laïque de Mustafa Kemal ne compte plus qu'une poignée de chrétiens tandis que ceux-ci représentaient encore le dixième de la population turque une décennie plus tôt.
LES CONSt QUENCES tCONOMIQUES EN CiiÈCE • La Grèce sort de la guerre appauvrie , ruinée et vaincue .
Les conséquences économiques pour la Grèce de l'arrivée des réfug iés en provenance d'Anatolie sont parti culièrement importantes .
• La plupart des réfugiés appartiennent au monde rural ; ce sont des cultivateurs qui ne possèdent rien.
La réform e agraire , laissée en suspens depuis quelques années , s'Impose devant l'agitation paysanne proche de la révolte .
Grâce à un décret-loi de 1923 , le gouvernement distribue 1200 000 ha, dont 673 ooo de terres cultivées o u cultivables sur lesquelles s'installent quelque 130 000 familles paysanne s.
• Outre la stagnation de la production agricole e t industrielle pendant les hostilités , le déficit de la balance commerciale prend des proportions spectacul aires.
• Enfin , l'arrivée des émigrés tire les salair es à la baisse , tandis que la dépré ciation de la monnaie réduit le pouvo ir d'achat d 'une grande partie de la population de Grèce.
Quant à la question ouvrière, déjà posée , elle va prendre des proportions plus grandes.
LES CONS tQUENCES POLITIQUES EN TURQUIE • En effaçant l'humiliation de Sèvres , le traité de Lausanne consacre Mustafa Kemal comme le sauveur de la Turquie .
Ainsi, dan s l'histoire turque, la campagn e de 1922 apparaît comme un souvenir glorieux et fondateur .
• Surnommé désormais Atatürk («père d es Turcs») , Mustafa Kemal a les mains libres pour entreprendre le cycle des transformations qui vont faire de la théocratie ottomane une république laïque et occidentale .
UN ÉTAT TURC HOMOGÈNE
• Avec la défaite de la Grèce , l'unité territoriale de la Turquie est en voie d'achèvement et la souveraineté du nouvel État s'étend sur la quasi totalité du territoire considéré par le nouveau régime turc comme étant indiscutablement turc.
Le rêve de Kemal de créer un État turc homogène dans lequel l'élément turc serait le maitre absolu, est en train de se réaliser.
• Au lendemain du traité de Lausanne, il est généralement admis que l'Anatolie orientale est pratiquement vidée de sa population chrétienne qui au préa lable vivait regroupée .
• Cette conférence enterre les espoirs de certa ines minorités nationales de l'ancien Empire ottoman, ceux des Grecs , des Arméniens, des Kurdes, des Assyro-Chaldéens, visant à la création d'entités indépendantes ou autonomes sur les territoires de la Turquie moderne; revendications qui semblaient avoir trouvé une issue favorable avec la signature du traité de Sèvres, en août 1920.
• Avec la conclusion du traité de Lausanne, la population grecque est à son tour en voie de disparition des territoires turcs, suivant l'accord d'èchange.
Les rares populations chrétiennes du pays sont désormais concentrées dans les grandes métropoles de l'ouest de la Turquie..
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