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La guerre d'Indochine: Les débuts de la décolonisation française

Publié le 18/11/2018

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LE MASSACRE D'HAIPHONG

 

Le 20 novembre 1946, un bateau de guerre français arraisonne une jonque chinoise, chargée de marchandises de contrebande, et la conduit dans le port d'Haiphong. Des troubles éclatent : 23 soldats français sont tués par les hommes du Viêt-minh. Trois jours plus tard, le détachement chargé des obsèques des militaires est pris en embuscade : on dénombre 6 nouvelles victimes françaises. Le général Valluy, commandant du secteur, ordonne aux hommes du Viêt-minh d'évacuer le quartier chinois d'Haiphong qu'ils occupent ; puis les Français y pénètrent, et des fusillades éclatent, tandis que de nombreux civils cherchent à se réfugier dans la campagne alentour. De son côté, le croiseur français Suffren, qui stationne au large, ouvre le feu sur la ville. Quelque 6000 Vietnamiens périssent, victimes de ce bombardement, ou des combats de rue, ou encore piétinés à mort dans la panique.

DE LA DECOLONISATION A LA GUERRE FROIDE

La création de l'Indochine française - plus précisément l'Union indochinoise - remonte à 1887. À l'intérieur de cette entité, on trouve le Laos (intégré à partir de 1893) et le Cambodge, tous deux des monarchies sous tutelle française, c'est-à-dire des protectorats. Le Vietnam est, quant à lui, découpé en trois zones :

Au sud, dans le delta du Mékong, autour de Saigon, la Cochinchine est une colonie. La principale ville de cette région très peuplée est le port de Saigon.

Au centre, l'Annam («Sud tranquille») est un protectorat. Située sur la cordillère Annamite, cette région boisée est occupée par une population de montagnards.

Au nord, autour du golfe homonyme, le Tonkin («Capitale de l'Est») est également un protectorat.

LE CONTEXTE

Dans cette Indochine française, les peuples Viet, Khmer et Lao sont

majoritaires. Les minorités (Muong, Tay, Cham, Rhade, Jarai, etc.) sont principalement regroupées dans les zones montagneuses. L'ensemble représente environ 16,5 millions de personnes en 1913 (plus de 95% de la population est rurale, ce qui rend les décomptes et recensements difficiles).

La population coloniale française, en 1940 (présence maximale), n'est que de 34000 personnes. Contrairement à l'Algérie française (1 million d'Européens pour 9 millions d'Algériens, en 1954), l'Indochine n'est pas une colonie de peuplement. Mais c'est une colonie d’exploitation : on y prélève des impôts (impôt foncier, capitation, taxes locales), mais surtout l'administration française y a le monopole des commerces de l'opium, du sel et de l'alcool de riz.

Les ambitions

DES GRANDES PUISSANCES

Trois forces, durant les années 1930, entreprennent d'avancer leurs pions dans la région :

le Japon, qui, depuis la fin des années 1920, s'est lancé dans une politique d'expansion en Asie et veut en chasser les Européens;

l'URSS, décidée à fédérer tous les mécontentements pour promouvoir la révolution mondiale;

les États-Unis, qui soutiennent les velléités anticolonialistes, en se souvenant de leur propre mouvement d'indépendance, mais aussi avec l'objectif de remplacer les colonisateurs européens dans le contrôle des ressources des pays dominés.

La montée

DES MOUVEMENTS NATIONALISTES

Les mouvements nationalistes se développent dès l'entre-deux-guerres, avec l'émergence d'une bourgeoisie et d'une élite indigènes. Celles-ci, n'ayant pas (ou très peu) accès aux responsabilités administratives et politiques, empruntent à la culture française les idées de démocratie et de liberté, et les retournent contre le pouvoir colonial.

Au sein de l'Indochine française, un homme incarne l’identité vietnamienne et l’aspiration à l’émancipation : il s'agit de Hô Chi Minh. Issu de la nouvelle élite formée à l'école occidentale, mais fidèle à sa culture nationale, il réussit à cristalliser autour de lui l'adhésion populaire. Hô Chi Minh est communiste en même temps que nationaliste : pour lui, l'indépendance doit s’accompagner d'une transformation socialiste de la société.

Le mouvement nationaliste en Indochine va sortir renforcé du second conflit mondial : la défaite de juin 1940 porte un coup au prestige de la France en démontrant qu’elle n'est pas invincible, et les cinq années de conflit l'ont considérablement affaiblie. C'est l'époque où, dans les régions du Nord-Tonkin, le Viêt-minh installe ses premières bases de propagande

« �------�--•�"'"""hommes fin 1946), le gouvernement et son chef, Hô Chi Minh, gagnent l'abri des bases révolutionnaires dans le haut Tonkin : la guerre d'Indochine a commencé.

LES GRANDES PHASES DU CONFLIT le conflit peut être divisé en trois grandes périodes.

1946-1950: LES PROGRls DU Vth·MINH Dans un premier temps, la France mène seule, avec son armée de métier, sous le regard distant ou hostile des grandes puissances, une guerre purement coloniale.

le successeur du général leclerc, le général Valluy, ne dispose en 1946 que de 50 ooo hommes pour contrôler un territoire grand comme les deux tiers de la métropole.

Jusqu'en 1950, les forces françaises, qui tiennent les villes, les routes et les régions peuplées, essaient d'étendre leur contrôle sur l'ensemble du territoire.

Ce faisan� elles se diluent dans une vaine tentative de maintenir un quadrillage de postes qui sont de plus en plus isolés.

la France tente parallèlement de porter des coups décisifs à l'adversaire.

Toutefois, les résultats de ces offensives (telle 1'« opération léa», menée en octobre-novembre 1947) restent mitigés.

En juin 1948, le gouvernement français conclut un accord avec l'empereur Bao Dai.

Cet accord, signé dans la baie d'Along.

stipule que «la France reconnaît l'Indépendance du Vietnam et son unité dans le cadre de l'Union française».

Paris accorde ainsi à Bao Dai ce qui avait été refusé à Hô Chi Minh : un pays indépendant et unifié.

Mais il est trop tard : l'influence du Viêt-minh, d'abord limitée aux régions montagneuses du nord du Tonkin, s'est étendue peu à peu vers le sud, notamment dans les régions difficiles d'accès : en 1949, les partisans de Hô Chi Minh tiennent solidement (outre le nord du Tonkin) la région de Vinh, la zone située au sud de Hué, et le sud du delta du Mékong.

en Cochinchine, jusqu'à la pointe de Ca Mau.

les maquisards se glissent entre les mailles du quadrillage militaire français, adoptant le jour l'aspect de paisibles paysans occupés dans les rizières et se muant la nuit en combattants insaisissables.

Ne dit-on pas à l'époque :« le jour aux Français, la nuit aux Viels»? Dans les zones contrôlées par le Vîêt-minh, la redistribution des terres aux petits paysans (associée à une propagande intense) crée progressivement un État de type communiste.

De plus, la victoire des communistes en Chine, en 1949, offre au Viêt-minh des bases arrière pour ses troupes (que la France tente en vain d'isoler) et un flot d'armements et de ravitaillement.

le général Giap dispose bientôt de véritables divisions opérationnelles.

le commandement français s'aperçoit alors de la situation risquée des postes de la frontière chinoise.

Mais le piège s'est déjà resserré, et la garnison de Cao Bang, sur la route coloniale 4, est anéantie à l'automne 1950, alors qu'elle se replie vers le delta tonkinois.

les positions de lao Kay, Ha Giang.

Bao lac, lang Son et loc Binh sont elles aussi tour à tour perdues ou évacuées dans les pires conditions.

1951·1952 : LE COUP D'ARRh C'est dans ce contexte que, à partir du début de l'année 1951, le général lean­ Marie de Lattre de Tassigny (nommé commandant en chef le 5 décembre 1950) parvient à redresser la situation.

Il réorganise le système d éfen sif autour du delta tonkinois et brise même trois vastes offensives du Viêt-minh à Vinh-Yen, Dong-Trieu et sur le fleuve Day (Nghia lo).

De lattre de Tassigny obtient aussi de l'empereur Bao Dai la mobilisation d'une armée vietnamienne qui atteint rapidement 160000 hommes.

Souvent issus de populations minoritaires, des maquisards anti-viêt-minh s'engagent aux côtés des Français.

les États-Unis décident à cette époque d'aider financièrement Paris dans ce qu'ils considèrent désormais comme une «croisade anticommuniste».

Avec la victoire de Mao Zedong en Chine (1949) et le déclenchement de la guerre de Corée (1950), la guerre d'Indochine perd son caractère colonial et s'inscrit dèsormais dans la guerre froide et la logique des blocs.

le général Salan succède au général de lattre de Tassigny qui .

rnrTimP11r"Ï! à ,_,_.,., ,nh.oo à se retirer (après onze mois de commandement).

Salan poursuit son action.

C'est la victoire de Na San, fondée sur l'utilisation combinée de l'artillerie et de l'aviation (décembre 1952).

195]-1954: DE L'ENLISEMENT À LA DUAITE les positions restent relativement stables pendant l'année 1953.

le corps expéditionnaire français tient ses positions, mais ne parvient pas à progresser.

Le confiH s'enlise.

--.

....

' f � �� '-_ ,' ' � le Vîèt-minh renforce son influence dans les zones qu'il contrôle, tandis que le général Giap réorganise son armée.

Il forme une puissante artillerie terrestre et antiaérienne grâce au matériel fourni par les Chinois et les Soviétiques.

la guerre de Corée se termine par un armistice le 27 juillet 1953.

les États­ Unis et la Chine, auxquels ce conflit a coûté très cher, se sont entendus pour convoquer une conférence internationale à Genève en avril 1954, afin de régler l'ensemble des problèmes de la région.

En Indochine, chaque camp est donc poussé à chercher un succès militaire avant cette date.

Giap ayant entrepris une infiltration vers le laos, le général Navarre, qui a à Salan, Ce sera !'«opération Castor», c'est-à­ dire la création du camp retranché de Diên Biên l'liu, placé loin à l'intérieur du Tonkin, dans une cuvette située à plus de 250 km à l'ouest de Hanoï.

À partir du 20 novembre 1953, les Français y acheminent par avion hommes, matériel, armes et munitions.

Cette noria aérienne fonctionne pendant quatre mois pour fonder, ravitailler et renforcer le camp retranché.

À Hanoï, on démonte canons et blindés pour les remonter à destination.

LA BATAIW DE Dlbt BllN PHU, IJ MAIS-7 MAl 1154 l'assaut est déclenché le 13 mars 1954 par Giap, qui lance la quasi-totalité de ses forces sur Diên Biên Phu.

Quelques jours plus tard, les postes français Béatrice et Gabrielle tombent.

le Vîèt­ minh dispose d'une forte artillerie, surtout composée de mortiers, qui parvient à surdasser l'artillerie française, cette dernière ripostant souvent à l'aveugle.

Par ailleurs, les tirs ennemis empêchent les avions français (venant de Hano·l) de se poser, ces derniers étant de surcrolt gênès par une météo capricieuse (mousson).

les quatre groupes de transport aérien arrivent ainsi tout juste à parachuter 100 tonnes de fournitures quotidiennes aux quelque 12 000 soldats français, alors que les 35 000 combattants de Giap disposent de 75 000 coolies pour assurer leur ravitaillement.

l'adversaire, croit-on, sera dans l'incapacité d'y acheminer des troupes nombreuses, du ravitaillement en quantité suffisante e� surtou� son artillerie.

C'est pourtant le contraire qui se produit : le Vîêt-minh fait transporter à bicyclette et à dos d'homme une importante logistique à travers la jungle et les flancs des montagnes qui entourent le camp.

Ce sera un désastre (voir encadré).

LA FIN DE LA GUERRE • le Vietnam est divisé par une ligne d'armistice correspondant au 17' parallèle, avec le Nord (Tonkin et tiers septentrional de l'Annam), contrôlé par le Vîêt-minh et dirigé par Hô Chi Minh, et le Sud (reste de l'Annam et Cochinchine) par les nationalistes non communistes; • liberté est donnée aux populations de se rendre dans l'une ou l'autre des deux zones; •la France s'engage à évacuer le 24 avril, l'aérodrome, principal point de parachutage, est occupé.

la fin est proche.

les soldats vietnamiens parviennent finalement à creuser une longue galerie sous le camp et y font exploser plus de 900 kilos de TNT : quelques heures plus tard, la garnison française est définitivement submergée, le 7 mai 1954, après 56 jours de lutte.

On estime à près de 10 000 le nombre de Vietnamiens tués pendant la bataille.

l'armée française compte 1 750 morts dans ses rangs, mais, sur les 10 863 prisonniers faits par le Vîêt-minh, beaucoup décèdent en captivité.

Quatre mois plus tard, la France ne récupère que 3 290 rescapés.

Ce sont les blessès qui ont le mieux survécu, car ils n'ont pas eu à subir la marche forcée et ont été pris en charge par la Croix-Rouge.

définitivement l'Indochine (le 9 octobre 1954, les derniers soldats français qu ittent Hanot) ; • des élections (en vue d'une unification du pays) doivent avoir lieu dans un délai de deux ans.

Signés par la France et le Vietnam mais aussi par l'URSS, la Chine et le Royaume-Uni, les accords de Genève entraînent la migration vers le Sud de 900 000 Nord-Vietnamiens.

VERS LA GUERRE DU VtETNAM En avril 1955, après avoir prononcé la déchéance de l'empereur Bao Dai, le général Diem devient chef de l'État du Sud-Vietnam.

Sous l'influence des Américains (qui ont remplacé les Français dans la région), il refuse, l'année suivante, les élections prévues par les accords de Genève.

Un nouveau conflit est à terme inévitable.

Ce sera la guerre du Vietnam.

lE BILAN HUMAIN Pendant les huit années de la guerre d'Indochine, les forces de l'Union française ont perdu 76 000 hommes au combat, parmi lesquels 2 000 officiers; 37 ooo hommes ont été faits prisonniers dont 16 000 Vietnamiens.

Sur ces 37 000 prisonniers, 10 750 ont été libérés.

les pertes totales du Viêt­ minh ne sont pas officiellement connues.. »

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