La France de l'ancien régime
Publié le 27/02/2008
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De la fin du XVe siècle à la fin du XVIIIe, la France a tenu, dans l'Europe et dans le monde, une place privilégiée.
Les contemporains étrangersadmettaient que Louis XIV fût le plus grand souverain de la terre et, à la veille de la Révolution, le pays était réputé riche, puissant, redoutable, comme, dans l'ordre de l'esprit, les lumières venues de France exerçaient sur tous les Européens cultivés attrait et séduction.
Pourtant, les méthodes de l'histoire actuelle, appliquées à l'étude des conditions profondes, permettent dereconnaître que cette période de trois siècles fut diverse et non pas une, et que, si dans l'ensemble favorable à lacommunauté nationale et à son affermissement, elle n'atteste pas de progrès continu et général.
France, diversité,a dit l'historien Lucien Febvre.
Diversité des sols et des paysages, des climats, des groupes sociaux, selon lahiérarchie institutionnelle, mais aussi des formes du travail et de l'économie ; diversité des provinces dans leurscoutumes et leur esprit, leur mode de vie à tous les degrés ; enfin, au XVIe siècle, diversité des religions, et, àl'intérieur d'une même religion, des courants spirituels : l'étonnant est que, devant l'impossibilité d'une synthèse, onn'en sente pas moins puissamment l'indéniable existence d'un être collectif.
La population française, au sortir d'un XVe siècle catastrophique, s'était très vite reconstituée.
En tenant comptedes arrêts de croissance provoqués par les disettes et les épidémies, les secondes souvent résultant des premières,on peut observer par l'étude de registres paroissiaux ou de documents fiscaux (travaux de Goubert et Le Roy-Ladurie) un fort relèvement du peuplement, par la progression des naissances, jusqu'à la fin du XVIe siècle.
En peude générations, certaines provinces virent tripler le nombre de leurs habitants.
Le chiffre de vingt millions d'habitantsau début du XVIIe siècle est admis, à la place de celui de quinze à seize millions qu'on avait longtemps tenu pourprobable.
On penche à croire que le seuil aurait été atteint au cours du Grand Siècle et qu'un déclin seraitperceptible au début du XVIIIe siècle où la population, éprouvée par les conséquences des années de famine 1692-1693 et 1709-1710, n'aurait pas dépassé dix-neuf millions.
Pour la production de subsistances qu'elle assurait, la France aurait même été surpeuplée vers le milieu du XVIe siècle, d'où les émigrations, aumoins saisonnières, des régions les plus pauvres vers l'Espagne ou l'Angleterre.
Il est difficile d'apprécier les résultats des guerres de religion etde la Fronde KW082 : de celle-ci, on sait au moins qu'elle éprouva très cruellement la démographie, mais que le relèvement fut rapide entre 1664 et 1674.
Si les populations civiles, à l'époque moderne, ne se trouvaient pas exposées comme dans les conflits du XXe siècle à l'anéantissement desvilles par les bombardements, elles étaient ravagées par les passages d'armées qui pillaient, incendiaient et laissaient après elles des foyersd'épidémies.
Le pire malheur était donc d'avoir dans le pays même la guerre, civile ou étrangère.
Un des mérites trop oubliés du règne de Louis XIV P203 fut de préserver d'invasion le territoire français : on peut le mesurer par rapport à ce qui s'est passé en Allemagne pendant la guerre de Trente Ans KW100 (et au Palatinat).
Mais il ne dépendait de personne que les intempéries survinssent (les mauvaises années furent fréquentes au XVIIe siècle) avec leurs conséquences désastreuses pour la démographie.
La mortalité infantile demeura considérable pendant toute la période, etl'on peut penser qu'au temps de Louis XIII P2029 l'espérance moyenne de vie ne dépassait pas trente ans.
Elle fut certainement plus longue au XVIIIe siècle, bien que le chiffre de la population eut tendance à diminuer.
Les études de micro démographie ont dissipé la légende de famillesnombreuses de dix-huit ou vingt enfants, cas exceptionnels qu'on a eu tort de prendre pour la règle, les mariages étant conclus plus tard qu'on nele pensait (vingt-cinq à vingt-sept ans), la moyenne s'inscrivait autour de sept à huit enfants dans un foyer.
De cette population, la majeure partievivait à la terre ou des produits de la terre.
Au cours du XVIe siècle, avec cette crue des hommes et de leurs besoins, des sols demeurés en friche furent mis en culture.
D'autre part, lapériode fut, dans toute l'Europe, favorable à la production, parce que le prix des marchandises augmenta, grâce surtout à l'arrivée de métauxprécieux d'Amérique et à une plus large demande de la clientèle.
Au contraire, lorsque les mines rapportèrent moins, on assista à la contractionéconomique, plus ou moins tardive selon les régions (de 1610-1620 à 1650-1660), et l'amélioration s'affirma de nouveau au XVIIIe siècle avecl'assainissement monétaire (stabilisation de la livre en 1726).
De meilleures méthodes de travail, tant dans les ateliers des villes qu'à la campagne,garantirent de grands progrès de la qualité comme de la quantité, tandis que l'extension du commerce maritime augmentait les échanges et faisaitpasser dans la consommation des villes des produits nouveaux (café, sucre, coton).
La production du XVIe siècle fut surtout avantageuse auxmarchands des villes et aux fabricants qui placèrent aussitôt leurs disponibilités en biens fonciers ou en rentes sur la terre.
Les historienséconomistes d'aujourd'hui admettent qu'il y eut alors une sorte de trahison de la bourgeoisie, selon l'expression de F.
Braudel, parce qu'au lieud'améliorer les procédés de fabrication pour un plus vaste marché, l'investissement en terres, dont les méthodes de culture ne changeaient pas, nefaisait que prolonger les structures anciennes.
Mais cette interprétation reflète les préoccupations de notre âge industriel, elle n'explique pas lesens d'un attrait général pour la campagne et d'une mentalité formée par la longue période de féodalité.
Or, la féodalité militaire s'épuisait, parceque beaucoup d'hommes avaient péri dans la guerre de Cent Ans KW094 ou les luttes intestines et que les familles survivantes, insuffisamment pourvues par le revenu des anciens cens, l'inégalité de leurs ressources et de leurs dépenses, étaient obligées d'aliéner leurs héritages, souventpièce par pièce.
Il en résultait une ordre qui partait les possesseurs d'argent, on ne peut dire déjà des capitalistes, car il ne s'agissait pas degrosses sommes et le mouvement était celui d'un patient grignotage.
Toutefois, on assistait à la relève des anciens seigneurs par d'autres et pardes bourgeois qui, en acquittant le droit de franc-fief, pouvaient acheter menue des terres nobles.
Le caractère majeur fut que la seigneurie semaintint ou qu'elle se reconstitua, sous de nouveaux détenteurs.
La seigneurie, en France comme dans toute l'Europe, demeura pour la vie ruraleune armature essentielle.
En principe, elle se composait de la réserve autour du manoir et des tenures concédées en censive aux paysans quijouissaient de la propriété utile, héréditaire, pour laquelle ils acquittaient des droits nombreux et variés, en argent ou en nature.
Le seigneur yexerçait le droit de justice et assurait la protection de l'ensemble.
Après la guerre de Cent Ans KW094 , la servitude personnelle disparut, par rachat ou concession.
Libres en principe de leur personne, les paysans restèrent attachés aux usages de la glèbe.
Les communautés villageoisesdétenaient dans l'indivision des prés, des bois, des champs.
En terme temps, de nouvelles formes d'exploitation apparurent, lors du regroupementde pièces arables dans une unité : ferme, métairie ou grange que le propriétaire louait aux paysans les plus aisés, ceux qu'on appelait leslaboureurs.
Le lent empiétement de la propriété du seigneur sur les tenures paysannes et les " communaux " se poursuivit jusqu'au XVIIIe siècle,comme aussi les modes de culture (assolement et jachères) et le travail avec les anciens instruments aratoires qui ne permettaient pas de laboursprofonds et donc non plus un fort rendement des récoltes.
Aussi, pendant les trois siècles de l'Ancien Régime, ces traits essentiels de lacampagne française demeurèrent-ils permanents, acceptés ou subis par les populations rurales, dont l'esprit se tournait plus vers le respect dupassé que vers l'avenir (différence avec nos mentalités contemporaines) et qui tiraient orgueil de l'expérience transmise et de l'efficacité des.
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