La drôle de guerre. De l'alliance germano-soviétique au déclenchement de la campagne de France
Publié le 18/11/2018
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DE LA NON-GUERRE A LA GUERRE
Entre l'invasion de la Pologne par les troupes de Hitler, le 1er septembre 1939, et le déclenchement de la campagne de France, le 10 mai 1940, les armées française et allemande se font face, observant une trêve que chacun met à profit pour se préparer à un choc dont on sait qu’il est inévitable. L’absence de combats qui caractérise cette période lui a valu le nom de « drôle de guerre ». En réalité, rien n’aura été « drôle » dans cette attente : des millions d'hommes manquent à leurs familles, l'hiver est d'une terrible rigueur, l'inactivité sape le moral des soldats. Le calme régnant sur le front contraste avec l'intense activité diplomatique que Paris et Berlin déploient en direction des pays neutres. De leur côté, les états-majors élaborent des plans stratégiques, procèdent au renforcement des divisions et tentent d'accélérer la production d’armement.
LA PRÉPARATION DU GRAND CHOC
Impatiences allemandes
• Le silence des armes est loin de correspondre au désir d'Adolf Hitler. Le maître du III' Reich sait que le temps ne joue pas en sa faveur.
En dépit du succès rapide obtenu contre les Polonais, la Wehrmacht a montré quelques faiblesses qui, contre une opposition d'une autre ampleur - on ne saurait comparer les armées française et polonaise -pourraient bien être lourdes de conséquences. Ainsi, les généraux allemands ont pu relever avec inquiétude des manquements à la discipline et des carences dans l’encadrement.
• De plus, Berlin ne peut plus douter de la détermination de Londres et de Paris - qui lui ont déclaré la guerre le 3 septembre 1939 - à tenir leurs engagements, comme en témoigne la constitution, le 12 septembre, d'un Conseil suprême de guerre interallié. C'est dans ce contexte que Hitler lance le 6 octobre - alors que la Pologne est battue - sa première offre de paix. La France et l'Angleterre font savoir qu'il est hors de question d'accepter une proposition qui sanctionnerait un coup de force.
• Après avoir fait plusieurs relances sur la base du fait accompli, Hitler entend attaquer sans tarder.
Signature du pacte germano-soviétique Invasion de la Pologne par la Wehrmacht Déclaration de guerre franco-anglaise à l'Allemagne Offensives françaises dans la Sarre Invasion de la Pologne orientale par les Soviétiques Attaque de la Finlande par l'Armée rouge Fin des opérations en Sarre Invasion de la Norvège par la Wehrmacht Début de l'offensive allemande à l'ouest
LE MESSAGE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
• « Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Vous êtes réunis à une heure critique de notre vie nationale. La guerre a éclaté dans l'Europe centrale, des hommes s'entretuent. D'innocentes victimes tombent sous la mitraille aérienne. Comment en est-on venu là ?[...] Au moment où leurs plénipotentiaires allaient se rencontrer, l'Allemagne a brutalement attaqué la Pologne, créant ainsi un état de guerre que rien ne pouvait justifier. L'Angleterre et la France, résolument attachées à une politique de prudence, de sagesse et de modération, ont fait tout ce qui était humainement possible pour éloigner cette crise. [...] Ce fut en vain, et à moins qu’ils [les négociateurs allemands] ne veuillent encore, à cette heure, entendre la voix de la conscience
«
•
�alliance franco-anglaise est solide.
Pourtant, aucune coordination n'existe
véritablement dans le domaine des
armements.
Les Anglais privilégient
le développement de l'aviation et
de la marine et ne mobilisent qu'un
million d'hommes, tandis que les
Français, qui devront affronter seuls
le premier choc, mobilisent 5 millions
de soldats.
Ce déséquilibre dans
le partage des tâches n'échappe pas
aux Allemands : la radio de Stuttgart
répète inlassablement : « Les Anglais
donnent leurs machines, les Français
leurs poitrines.
»
• Plus généralement, cette stratégie
qui laisse pratiquement toute l'initiative
à l'adversaire se révèle difficile
à appliquer.
Le blocus est loin
d'être étanche et la France éprouve
d'immenses difficultés dans sa
mobilisation économique.
LES ASPECTS DE
LA DRÔLE DE GUERRE
DES OFFENSIVES LIMITtES
• Dans un premier temps, la victoire
fulgurante de
la Wehrmacht
en Pologne
renforce l'état
major français
-le général
M11urice C11melin
en tête -dans
œ!IM•• sa décision
de ne lancer qu'une offensive limitée
en Sarre sous la forme d'actions de
« reconnaissance et de coups de main ».
• Cette offensive limitée se concrétise
par une attaque menée le 8 septembre
par le 2' groupe d'armées (2' GA)
devant la ligne Maginot, à la frontière
sarroise, entre Bitche et la forêt
de Warndt.
LES CHANSONS DE
LA DRÔLE DE GUERRE
• Entre 1936 et 1939, alors que
tout indique que le nazisme s'installe
durablement en Allemagne, la chanson
française reflète l'insouciance de
l'époque : chacun fredonne avec
Ray Ventu ra et ses Collégiens Tout
va très bien, madame la marquise.
• Avec la déclaration de guerre,
la chanson française se mobilise.
On chante avec Élyane Célis le départ
des soldats : Souris-moi et dis-moi
bonne chance.
On retrouve les accents
vengeurs de 1914 avec Victoire
et la Fille à Madelon que popularise
Lucienne Boyer.
Celle-ci chante
également Mon petit Kaki.
• La chanson la plus représentative
du climat d'alors est certainement
le grand succès de Maurice Chevalier :
Ça fait d'excellents Français.
Une
chanson qui affirme que " le colonel
est d'Action française, le commandant
un modéré, le capitaine un clérical,
le lieutenant mangeur de curé »
- une manière de souligner que, de
droite ou de gauche, jeunes ou vieux,
intellectuels ou ouvriers, les Français
sont unis dans l'armée pour la victoire.
• Tous ces refrains sont repris pour
les soldats dans le cadre du Théâtre
aux armées qui organise des tournées
de vedettes de la chanson dans
les casernements.
•
l'avance est prudente car le terrain
est truffé de mines.
Quelques villages
tombent aux mains des Français.
Le 13 septembre, toutefois, le quartier
général français adresse aux
commandants du 2' GA une instruction
prescrivant l'arrêt de l'offensive;
le 30 septembre, une seconde
instruction invite le 2' GA à ramener
tous ses éléments en territoire national.
Le 28 octobre, tous les territoires
« conquis » ont été évacués.
• Pendant tout l'hiver 1939-1940,
les troupes françaises et allemandes
demeurent face à face, à quelques
dizaines de kilomètres de distance,
les unes derrière la ligne Maginot,
les autres derrière la ligne Siegfried.
UN ENNEMI INVISIBLE : L'ENNUI
• Dès lors, on cesse de chanter Nous
irons pendre notre linge sur la ligne
Siegfried.
�inactivité qui règne dans
l'armée française sape lentement le
moral des hommes.
On a beau faire
participer l'armée aux triiVIIUX des
ch11mps, fournir aux soldats un millier
de ballons de football, leur distribuer
du vin chaud -que l'on prétend
assaisonné de bromure -, faire planter
des rosiers sur quelques ouvrages de
la ligne Maginot et engager M11urice
Chev11/ier au Théâtre aux armées,
rien n'efface la lassitude croissante
qui s'empare de tous les échelons,
du soldat à l'officier.
Tous sont prostrés
dans une attente qui paraît vaine.
• Les armes se sont tues.
Ce ne sont
pas des bombes que les avions français
et anglais lâchent sur le Reich, mais
des tracts.
En revanche, les Français
opposent un refus catégorique aux
Anglais qui veulent mouiller des mines
dans le Rhin, par crainte de représailles.
• Cette lassitude de l'avant est
répercutée et déformée à l'arrière.
Ainsi, on assiste à la résurrection des
vieilles rancunes des paysans mobilisés
- dont la solde est dérisoire -à
l'encontre des" affectés spéciaux »,
des soldats retirés du front pour
travailler dans les usines d'armement,
qui reçoivent un traitement.
• Parallèlement.
la situation
économique se dégrade.
Le
gouvernement doit procéder à
une dévaluation et ne parvient pas
à empêcher la hausse des prix.
�idée
que la guerre est le fait des ploutocrates,
et qu'elle est menée, non contre Hitler,
mais contre les travailleurs fait son
chemin.
Il n'est pas rare d'entendre
alors qu'on ne« se casserait pas
le tempérament pour les 200 familles
et le roi d'Angleterre».
•
Édou11rd D11/11dier, président
du Conseil,
ministre de
la Défense
nationale et
des Affaires étrangères,
contrôle
de moins
en moins
la situation.
C'est la fin de la « pause » politique :
la droite entend régler ses comptes
avec le Front populaire.
Le défaitisme
touche les rangs des parlementaires.
• Si Jean Giraudoux.
nommé responsable
de la propagande, peine à vaincre la
lassitude qui s'est emparée d'une grande
partie de la population, son homologue
outre-Rhin, Joseph Goebbels, enflamme
non seulement ses concitoyens éblouis
par les succès de la campagne de
Pologne, mais aussi certains Français
en mettant en avant l'inutilité des
boucheries humaines, la soumission
des Français aux Anglais et l'aspiration
à la paix de tous les peuples.
• Sur Radio-Stuttgart, Paul Ferdonnet,
auteur d'une brochure intitulée Grand
Occident, répète en français que
« l'Angleterre entend combattre
jusqu'au dernier Français ».
Mais
à ce moment.
la plupart des futurs
collaborateurs avec l'Allemagne nazie
sont trop décontenancés par le pacte
germano-soviétique pour réagir.
• Les communistes défendent à partir
du 20 septembre la ligne imposée par
le Komintern : avalisant le partage de la
Pologne, le Parti communiste dénonce
avec virulence la " guerre impérialiste »
et exige la cessation immédiate des
hostilités.
Dans les usines, la CGT
déclenche de nombreuses grèves.
Quelques cas de sabotage sont même
relevés.
Le pacifisme défendu par
le Parti communiste débouche, le
27 septembre- après l'invasion de
la Pologne par l'Armée rouge-sur
la dissolution de ses organisations
et de celles qui obéissent aux « mots
d'ordre de la Ill' Internationale».
LA STRATEGIE PERIPHERIQUE
UNE ALTERNATIVE À L'INACTION
• Bien que les gouvernements anglais
et français aient décidé de geler les
opérations, ils n'en sont pas moins
conscients des désavantages d'une
inaction totale.
Aussi l'état-major,
le Quai d'Orsay et la majorité de la
classe politique se rallient-ils au projet
de mettre en œuvre une stratégie
périphérique élargie.
Il s'agit de mener
des opérations hors de l'Hexagone
tout en s'efforçant de tarir les sources
d'approvisionnement de l'Allemagne,
c'est-à-dire essentiellement le fer
suédois et le pétrole soviétique.
• �invasion de la Finlande par
l'Armée rouge, le 30 novembre, joue
le rôle d'accélérateur dans la mesure
où la résist11nce finiDndDise tient
en échec les forces soviétiques.
Toutefois,
le 11 mars 1940, la signature
d'un armistice finno-soviétique
fait échouer la première tentative
d'ouverture d'un front périphérique.
• Couper la route du fer allemand
devient alors l'obsession de Daladier.
Cet objectif est à l'origine de plusieurs
projets d'aide à la Finlande ou
de débarquement en Norvège.
• Des plans sont également élaborés
afin d'intervenir à Bakou, principale
région pétrolière soviétique, ou de
combiner une attaque en tenaille de
l'Allemagne à partir de la Finlande et du
Caucase.
Le gouvernement britannique
parvient toutefois à geler ces projets :
convaincu que l'alliance entre
l'Allemagne et l'URSS sera de courte
durée, Londres entend ménager Moscou.
• �état-major français imagine aussi de
saboter les puits de pétrole roumains,
de barrer le Danube, voire de porter la
guerre navale en mer Noire.
Aucun de
ces plans ne reçoit un commencement
d'exécution faute de moyens pour les
mettre en œuvre.
Le projet de développer
un front de « revers » à Salonique,
défendu avec ardeur par le général
Gamelin et dont la réalisation aurait été
confiée aux troupes du Proche-Orient
placées sous le commandement du
général Maxime Weygand, est
abandonnée pour les mêmes raisons.
L' ACTIVITt DIPLOMATIQUE
• Français et Anglais tentent sans succès
de convaincre les Belges de les laisser
pénétrer sur leur territoire.
Si Bruxelles
accepte volontiers d'être secourue
en cas de besoin, elle n'entend pas
provoquer Berlin.
C'est pourquoi
le Premier
ministre belge
Hubert
Pierlot refuse
tout accord
d'état-major préalable.
Les Alliés sont
donc obligés
d'accepter l'idée
peu satisfaisante d'avoir à laire sortir
leurs armées de leurs retranchements,
pour se porter à l' a ide de l'armée belge
en retraite.
On comprend les réticences
de Londres et de Paris à la perspective
d'une jonction des armées improvisée
en plein combat.
• Les Alliés ont toutefois un motif
de satisfaction avec la nouvelle « loi
de neutralité » votée par le Congrès
américain, qui lève l'embargo sur
les armes et le matériel de guerre,
avantageant ainsi de manière
significative les puissances maritimes.
• Les contacts diplomatiques
établis avec l'Italie ne donnent rien :
Mussolini est trop intéressé par la
délaite des démocraties occidentales
dont il compte s'attribuer les colonies.
UNE TRlVE srtRILE
• Dans le miroir de la débâcle de mai
1940, la trêve de la drôle de guerre
apparaît contre-productive.
• Sur le plan stratégique, tous les
choix découlent du refus de mener
une guerre de mouvement, celle-là
même qui sera conduite par l'armée
allemande lors de la campagne de
France.
Malgré l'issue de la campagne
de Pologne, le grand état-major se
condamne à l'immobilisme et se refuse
à en tirer le moindre enseignement,
en dépit des avertissements du colonel Charles
de Gaulle et du général
Pierre Billotte.
• �attaque allemande déclenchée le
9 avril 1940 contre la Norvège entraîne
une réaction franco-britannique.
Les
Allemands sont sérieusement bousculés
à Narvik le 13 mai, mais la situation
militaire en France nécessitera le
rappel du corps expéditionnaire.
Cette
campagne démontre une fois de plus
que le mouvement combiné à la vitesse
d'exécution est le ressort de la guerre
moderne.
Quand l'état-major français
le comprendra, il sera trop tard.
Certes
la France dispose de divisions cuirassées,
mais celles-ci sont imparfaites et pas
assez nombreuses -l'état-major ne
peut compter que sur quatre formations
de ce type.
Quant aux Anglais, ils ne
déploient que 200 000 hommes sur
le continent, contre 1 million en 1914.
• En face, Hitler, qui peut compter
sur le soutien de l'immense majorité
de ses concitoyens, dispose de tous
les moyens pour mener une guerre
de mouvement.
Grâce à la neutralité
russe, il peut concentrer l'essentiel
de ses forces sur le front Ouest.
• Le succès de l'offensive éclair de
l'armée allemande en direction des
Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg
et de la France en mai et juin 1940 met
un terme logique à la drôle de guerre.
DE GAULLE ET
LA DRÔLE DE GUERRE
• Le lendemain de l'attaque allemande
contre la
Pologne,
le colonel
Cllllrles de
Ctnllle se voit
confier le com
mandement
des chars
de la 5 • armée,
avec pour
mission de couvrir l'Alsace à l'abri
de la ligne Maginot.
A l'instar des
autres formations de l'armée française,
les divisions placées sous l'autorité
du colonel de Gaulle resteront l'arme
au pied derrière la ligne Maginot.
• Toutefois, de Gaulle ne renonce pas
à promouvoir ses idées sur l'emploi
des chars.
Convaincu que le maintien
des communications est primordial.
il réclame l'installation de moyens radio
à bord des blindés.
Mais plus encore, il
est persuadé que le rôle des chars doit
être revu en profondeur.
C'est pourquoi
il crée le centre d'instruction des chars
de la 5 • armée à Blamont Parallèlement.
il défend auprès du commandant
d'armée, le général Victor Bourret.
l'idée que l'engagement des chars se
fasse en liaison avec les commandants
des grandes unités et non plus seulement.
comme le veut la doctrine d'alors,
en accompagnement de l'infanterie.
• En octobre 1939,1'occasion lui
est donnée de présenter les unités
de chars de la 5 • armée au président
de la République, Albert Lebrun.
Enfin, en janvier 1940, il met la dernière
touche à la rédaction d'un mémorandum
intitulé l'Avènement de la force
mècanique qu'il adresse à Léon Blum,
ancien président du Conseil.
et à
quelque 80 personnalités civiles
et militaires, dont Édouard Daladier,
ministre de la Défense nationale, qui
ne prend pas la peine de le consulter..
»
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