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La défaite française en mai-juin 1940 - Appel aux Français, général de Gaulle, 18 juin

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. Mais le dernier mot est-il dit? L'espérance doit-elle disparaître? La défaite est-elle définitive? Non!

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France.

Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n'est pas seule! Elle n'est pas seule! Elle n'est pas seule! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des États-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français... j'invite les ingénieurs et ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas... «.

Discours aux Français du maréchal Pétain, 20 juin 1940. « J'ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités... J'ai pris cette décision, dure au cœur d'un soldat, parce que la situation militaire l'imposait. Nous espérions résister sur la ligne de la Somme et de l'Aisne. Le général Weygand avait regroupé nos forces. Son nom seul présageait la victoire. Pourtant la ligne a cédé et la pression ennemie a contraint nos troupes à la retraite...

Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et 1918, vous en cherchez les raisons. Je vais vous les dire. Le Ier mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées, malgré trois ans de combats meurtriers. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins (...) L'infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celle de nos effectifs. L'aviation française a livré à un contre six ses combats. Moins forts qu'il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d'amis. Trop peu d'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés, voilà les causes de notre défaite. Nous tirerons la leçon des batailles perdues... Après la victoire l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a servi. On a voulu épargner l'effort1; on rencontre aujourd'hui le malheur. J'ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes cotés. Le combat reste le même. Il s'agit de la France, de son sol, de ses fils... «.
 


1° Précisez en quelques lignes, la situation de la France au moment de ces deux proclamations.

2° Relevez dans les deux textes, les causes de la défaite de 1940. Y a-t-il des éléments de convergence, de divergence entre les deux positions. Lesquels?

3° Sur quels choix politiques débouche chacune de ces analyses ?

La situation dramatique de la France en juin 1940
 
 1 Entrée en guerre en septembre 1939, la France s'est cantonnée durant l'hiver 1939-1940 dans une tactique purement défensive (cf. la «drôle de guerre «). Elle est surprise par l'offensive allemande du 10 mai 1940. La percée ennemie est réalisée dans les Ardennes et les troupes franco-britanniques sont alors prises à revers. Au début juin, les lignes de défense françaises sont enfoncées et le 14, les troupes allemandes entrent dans Paris.
  

« 3 A la mi-juin 1940, partisans et adversaires d'un armistice s'affrontent.

Un accord franco-britannique en date du 28mars 1940 stipule que les deux pays « s'engagent mutuellement à ne négocier ni conclure d'armistice ou de traité depaix durant la présente guerre si ce n'est d'un commun accord».

Or dès le 15 juin, on envisage bien du côté françaisde s'enquérir auprès d'Hitler des « conditions » d'un armistice (proposition Chautemps). Le 16 juin 1940, Paul Reynaud démissionne et Pétain le remplace en tant que chef de gouvernement. Le 17 juin 1940, le général de Gaulle gagne Londres et lance, le lendemain, son appel à la Résistance.

Deux joursplus tard, le maréchal Pétain s'adresse à la nation pour l'informer qu'il a « demandé à nos adversaires de mettre finaux hostilités ».

Les deux appels faits à peu près à la même époque, traduisent donc une analyse différente de lasituation et aboutissent à des conclusions opposées. Les causes de la défaite de 1940 1 Pour le général de Gaulle, la responsabilité des « chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête desarmées françaises » est entière.

C'est tout le Haut état-major français (et non pas le seul général Gamelin!) qui afait faillite.

Pétain lui-même n'avait-il d'ailleurs pas déclaré en 1934 : « A partir de Montmédy, il y a la forêt desArdennes; elles sont imprenables.

Si l'ennemi s'y engage, on le repincera à la sortie des forêts.

Donc ce secteurn'est pas dangereux.

»? La défaite française n'a rien d'inéluctable.

Elle est due à des erreurs stratégiques : « ce sont les chars, les avions, latactique des Allemands qui ont surpris nos chefs».

Dès 1938, le général de Gaulle — dans son livre « La France etson armée » — avait bien tenté de recommander une utilisation plus dynamique des chars; en vain.

Le Hautcommandement français en est resté à une stratégie défensive où les chars et les avions ne sont utilisés qu'enaccompagnement et par « petits paquets ».

A l'opposé, la concentration massive de blindés et d'avions de combats— véritable « force mécanique terrestre et aérienne » — explique le succès allemand. 2 Pour le maréchal Pétain, la responsabilité des chefs militaires (et pour cause!) n'est pas engagée.

« Trop peud'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés, voilà les causes de notre défaite».

Cette explication n'est pasentièrement probante. La France est bien démographiquement en position de faiblesse par rapport à l'Allemagne, mais il a été démontré que« les deux armées telles qu'elles se faisaient face étaient numériquement égales ».

Il est vrai qu'à la différence de1918, on ne peut compter en 1940 sur l'aide des Italiens (maintenant dans le camp opposé), ni surtout sur celle desAméricains (encore neutres).

Quant à la participation anglaise, elle reste militairement limitée (aux niveaux terrestreet aérien notamment) et a donné lieu à de simples « discussions », car il n'y a pas de Haut commandement commun.Mais la soi-disante « infériorité de notre matériel » est en partie une légende.

Français et Allemands disposentglobalement d'une puissance militaire à peu près équivalente.

L'infériorité française existe dans le domaine aérien(bombardiers, avions en piqué) mais non dans le domaine des blindés.

Encore faut-il que ceux-ci soient bien utilisés— ce qui n'est pas le cas en 1940.

Reste une dernière explication : « après la victoire l'esprit de jouissance l'aemporté sur l'esprit de sacrifice.

On a revendiqué plus qu'on a servi.

On a voulu épargner l'effort; on rencontreaujourd'hui le malheur».

Ce jugement est une condamnation sévère de l'évolution qu'a connue la France depuis 1918: on « oublie » les effets de la Crise; on rend responsables du malheur du pays, les revendications des Français,leurs luttes sociales, leur esprit de «jouissance» et de facilité...

C'est là un jugement subjectif qui annonce les prisesde position « réactionnaires » du gouvernement de Vichy et ses attaques contre le Front populaire. Les choix politiques qui en résultent 1 Pour le général de Gaulle rien n'est joué.

« Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France ».

La visionest planétaire et prophétique : « foudroyés aujourd'hui par la force mécanique nous pourrons vaincre dans l'avenirpar une force mécanique supérieure.

» Nous sommes en 1940.

L'Angleterre continue seule le combat.

Cecin'empêche pas le général de Gaulle de prophétiser que la guerre sera » mondiale » et que le cours des choses peutêtre renversé. Dès lors, le chemin est tracé : la France ne doit pas cesser le combat.

Elle peut compter sur les forces de sonEmpire (ce à quoi avaient déjà pensé les adversaires de l'armistice) et toutes les bonnes volontés doivent êtrerassemblées pour que « la flamme de la résistance française » ne s'éteigne pas.

Le général de Gaulle lance un crid'espoir.

Son refus de l'inéluctable le conduit à prêcher la Résistance.

Son appel du 18 juin a surtout une valeursymbolique : peu entendu au moment même où il a été lancé, il devient le premier acte important auquel seréféreront petit à petit tous ceux qui refusent de déposer les armes.

Dès le 24 juin, les hommes valides de l'île deSein rejoignent Londres et, le 28 juin, le général de Gaulle est reconnu par le gouvernement britannique commeétant « le chef des Français libres »... 2 Pour le maréchal Pétain, au contraire, tout est joué.

Il faut se résigner : «j'ai demandé à nos adversaires demettre fin aux hostilités ».

La France, mal préparée, ne peut poursuivre un combat dont l'issue est inéluctable.

Ilfaut préserver l'honneur de l'armée et éviter les risques d'une capitulation.

Mais, en même temps, il faut préparerl'avenir : «je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres...

Le combat reste le même ».

En fait il change devisage : « nous tirerons la leçon des batailles perdues ».

La France nouvelle doit perdre « l'esprit de jouissance »,retrouver le goût de « l'effort » et du « sacrifice ».. »

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