La Croatie : Des Illyriens à la Croatie indépendante
Publié le 11/11/2018
Extrait du document

UN TERRITOIRE BALKANIQUE DEPUIS TOUJOURS DISPUTÉ
Située à l'extrémité occidentale de la péninsule balkanique, adossée à la mer Adriatique, la Croatie est une république indépendante née de l'explosion de la Yougoslavie en 1991. Au confluent de l'Orient et de l'Occident, ce pays de 4,78 millions d'habitants a pendant des siècles été soumis à des influences diverses : hongroise, autrichienne, vénitienne,ottomane... Cette histoire tourmentée, marquée par la recherche de l’unification d'un territoire national longtemps divisé, singularise les Croates par rapport aux autres peuples balkaniques : appartenant ethniquement et linguistiquement à la famille des Slaves méridionaux, ils se rattachent toutefois à l'aire culturelle latine et occidentale.
LA CROATIE AVANT LES CROATES
Illyriens, Celtes et Grecs
Si des vestiges archéologiques témoignent d'une occupation humaine dés la préhistoire, la première civilisation historique connue est celle des lllyriens. Ces tribus d'origine indo-européenne s'installent sur le territoire de l'actuelle Croatie au début de l'âge du bronze (vuie siècle av. J.-C). Le Ve siècle voit l'arrivée des Celtes pannoniens, qui se mêlent aux lllyriens. Un siècle plus tard, les Grecs établissent des comptoirs fortifiés sur les îles et sur la côte dalmate, le long de l'Adriatique. On leur doit la fondation des premières cités : Hvar, Vis, Cavtat, Trogir...
La conquête romaine
Sous prétexte de venir en aide aux comptoirs grecs menacés, Rome se lance à la conquête des territoires illyriens, qui résisteront deux siècles avant de se soumettre. La région n'est pacifiée qu'en 27 de notre ère. Intégrée à la province de Dalmatie, dont la capitale est Salone (actuel Solin près de Split), l'Illyrie est progressivement romanisée et connaît un important essor économique et urbain. Plusieurs empereurs romains seront d'origine illyrienne, dont Dioclétien (245-313) qui choisit la ville de Split pour bâtir son palais impérial, duquel il reste d'importants vestiges.
Entre Orient et Occident
En 395, lors du partage de l'Empire romain, la Dalmatie est intégrée à l'empire d'Occident. La frontière avec l'empire d'Orient est située sur le Danube et la Drina, qui correspond à l'actuelle frontière entre la Serbie et la Bosnie. Du IVe au vie siècle, la région est traversée par de nombreux peuples barbares : Goths, Huns, Ostrogoths puis Avars. Après la chute de Rome, en 476, la future Croatie passera un temps sous la domination de Constantinople, capitale de l'empire romain d'Orient.
27
viie siècle
925 1102 1527
1809-1813 1918
1941-1945 1991
1991-1995 2003
? < ?
Rome conquiert l'Illyrie Arrivée des Croates Création du royaume de Croatie Union hungaro-croate Les Habsbourg s'installent sur le trône de Croatie Napoléon crée les Provinces lllyriennes La Croatie intègre la Yougoslavie Régime oustachi d'Ante Pavelic Proclamation de l'indépendance Guerre serbo-croate Candidature à l'Union européenne
Sous l'influence franque, le christianisme romain se répand dans le pays : les Croates sont les premiers Slaves à se convertir. La Croatie s'ancre dans la sphère d'influence occidentale et latine, contrairement aux autres Slaves du Sud, tournés vers Byzance. De fait, le catholicisme deviendra l'un des ferments du sentiment national croate, en particulier après le grand schisme entre les Églises d'Orient et d'Occident en 1054. En 845, le prince Trpimir établit une indépendance de fait des duchés croates par rapport à l'Empire carolingien, et fonde la première dynastie nationale. En 879, le ban (duc) Branimir est reconnu prince de Croatie par le pape Jean VIII : cette bénédiction pontificale signe l'indépendance officielle des duchés croates.

«
JOSIP
BROZ.
DIT mo
Le libérateur de
la Yougoslavie
est né dans une
famille pauvre
de Kumrovec,
dans le nord
ouest de la
Croatie, en 1892.
Enrôlé dans
l'armée austro-hongroise au début de
la Première Guerre mondiale, il rejoint
les rangs de l'Armée rouge en 1917 et
prend part à la guerre civile russe.
envahissent
le pays en 1941.
11 organise
alors la résistance contre l'occupant
allemand et ses affidés oustachis.
A la
tête de ses partisans, qui compteront
jusqu'à 800 000 hommes, le maréchal
Tito libère le pays et prend la tête du
gouvernement provisoire
révolutionnaire, qui proclame la
république en 1945.
Il instaure une
démocratie populaire, mais se
démarque de l'URSS dont il refuse naturellement
hostiles aux Magyars.
carmée
de Josip Jelncic
participe ainsi à l'écrasement
de l'insurrection
de Budapest.
Mais cette alliance
sera vaine :le calme rétabli, l'empereur
autrichien n'accède pas aux aspirations
croates.
Pis, l'absolutisme
habsbourgeois s'intensifie sur tout
le pays.
Les institutions locales sont
supprimées, et ne seront rétablies
qu'en 1860.
DE L'IUYRISME AU YOUGOSLAVISME
En 1867, pour régler les revendications
magyares, l'empereur Frnnçois-
1----------------,--------------l loseph
instaure la double monarchie
A
son retour, il participe à la fondation
du Parti communiste yougoslave, alors
illégal, ce qui lui vaut d'être incarcéré à
plusieurs reprises.
Il en est secrétaire
général quand les armées de l'Axe de
suivre les directives au nom de
l'Indépendance nationale.
De fait, Tito
sera un des fondateurs du Mouvement
des pays non alignés, cherchant une
troisième voie entre 1 'Occident et le
bloc soviétique.
Il gouvernera le pays
jusqu'à sa mort en 1980.
Dans les Confins militaires, largement
désertés par les Croates ayant fui
l'invasion au siècle précédent, les
Habsbourg favorisent l'implantation
de populations nomades balkaniques.
Chassés de leur pays occupé par les
Ottomans, des Serbes, de confession
orthodoxe, s'y installent.
Ces soldats
paysans sont chargés de maintenir
l'intégrité de la frontière.
Cette
colonisation marque la naissance
de la minorité serbe de Croatie.
LA LONGUE LUTTE CONTRE L'HÉGÉMONIE
DE LA MAISON D'AUTRICHE
Si elle a librement fait allégeance aux
Habsbourg en 1527, l'aristocratie croate
va très vite se heurter aux prétentions
absolutistes des empereurs autrichiens.
Les tensions sous-jacentes éclatent
au grand jour en 1671, suite à une
limitation des pouvoirs du Sabor
décidée par Vienne.
Le comte Petar
Zrinski et le marquis Fran Krsto
Frankopan tentent de soulever
la noblesse contre la domination
autrichienne, mais la conjuration
échoue et les deux meneurs sont
exécutés.
Une nouvelle tentative
insurrectionnelle avortera en 1706.
Dans le même temps, les Croates
doivent faire face à la montée
en puissance de la Hongrie au sein
de l'empire des Habsbourg.
Cependant, l'échec du siège de Vienne
en 1683 a signé le début du reflux
ottoman en Europe centrale.
En 1699,
le traité de Karlowitz permet
à la Croatie de recouvrer ses terres
orientales (région de la Slavonie) :
de là date l'essentiel du tracé
de la frontière actuelle entre la Croatie
et la Bosnie-Herzégovine.
LA CROATIE AU XIX' SIÈCLE
LES PROVINCES ILLYRIENNES
DE L'EMPIRE NAPOÙONIEN
En 1797, la conquête de l'ltnlie du
Nord par le général Bonaparte met fin
à l'indépendance de Venise.
Le traité
de Campoformio octroie la Dalmatie
et l'Istrie (péninsule au nord-ouest
de la côte adriatique) à l'Empire
autrichien, ouvrant ainsi la voie à une possible réunification
de tous les
territoires croates.
En 1809, les territoires situés au sud
de la Save (Croatie méridionale) sont
intégrés à l'Empire napoléonien sous
le nom de Provinces (ou Intendances)
Illyriennes.
Cette création sonne le glas
de l'indépendance de la république
de Raguse.
Sous l'impulsion de son gouverneur,
le maréchal
Mormont,
la Croatie
s'ouvre aux idéaux
nés de la
Révolution
française :
abolition des
privilèges, introduction du code civil ...
censeignement de la langue croate
à l'école est encouragé : l'unification
linguistique sera une des bases
du nationalisme croate.
En opposition,
le nord du pays, resté dans l'orbite
hongroise, est soumis à une intense
politique de magyarisation.
Au lendemain du congrès de Vienne
de 1815, l'ensemble des pays croates
est récupéré par l'Empire austro
hongrois.
Mais ils demeurent divisés
administrativement : la Dalmatie et les
Confins militaires sont rattachés
directement à Vienne, le reste
du territoire demeurant sous l'autorité
de plus en plus pesante de Budapest.
LE RENOUVEAU NATIONAL CROATE
Quoique éphémère, la domination
française a marqué la naissance d'un
nationalisme croate.
A partir de 1830,
une génération d'intellectuels, dominée
par la personnalité de Ljudevit Gaj,
développe le thème de l'il/yrisme.
Mêlant revendications culturelles
et politiques, l'illyrisme est fondé sur
l'établissement d'une langue littéraire
commune, par-delà les particularismes
régionaux, et sur l'union de tous les
Slaves du sud de l'empire.
!:IMPOSSIBLE RÉUNIFICATION NATIONALE
La Croatie n'est pas épargnée par
l'explosion des revendications
nationales qui embrase l'Europe lors
du Printemps des peuples de 1848.
A Zagreb, le nouveau ban Josip Jelacic
fonde un gouvernement provisoire,
exigeant la réunification du territoire
national.
De son côté, le gouvernement
de Vienne, qui doit faire face
à la révolution nationale hongroise,
cherche un appui auprès des Croates, austro-hongroise.
Ce compromis est
un nouvel
échec pour
Zagreb, qui
espérait se voir
accorder le même statut
que Budapest
au sein
de l'empire.
D'autant que le territoire demeure
divisé, la Dalmatie et l'Istrie restant aux
mains des Autrichiens.
Seule consolation : les Croates se voient
reconnaître leur autonomie au sein
de la monarchie hongroise en 1868
et se réapproprient les Confins
militaires après leur suppression
en 1881.
Ces concessions n'atténuent
cependant pas les revendications
nationales, bien au contraire.
Sous
l'impulsion de l'évêque catholique Josip
Strossmayer, l'illyrisme se transforme
en yougoslavisme, un mouvement
visant à l'union de tous les Slaves
du Sud, qu'ils soient sous domination
habsbourgeoise ou pas.
ENIU B�IIIWSIIE
D AUTONOII IE
LA PIEMIEIE EXPÉRIENCE YOUGOSLAVE
En 1918, l'effondrement de l'Autriche
Hongrie va permettre la réalisation
du rêve panslave.
Le 29 octobre les
Slaves du sud de l'empire moribond
font sécession et proclament, à Zagreb,
l'État des Serbes, Croates et Slovènes.
Le 1 H décembre, ils s'unissent au
royaume de Serbie, donnant ainsi
naissance à la Yougoslavie.
Mais l'Istrie
est annexée par l'Italie.
Les Croates, partisans d'un État fédéral,
déchantent bientôt devant les
prétentions hégémonistes des Serbes.
Belgrade impose un centralisme strict,
supprime le Sa bor, réprime violemment
toute opposition autonomiste.
En 1929,
le roi Alexandre instaure une dictature
en Yougoslavie.
En réaction, des
nationalistes croates exilés créent une
à Marseille, en 1934.
En 1939 est
constituée la banovine de Croatie,
bénéficiant d'une véritable autonomie
au sein du royaume.
LA
SECONDE GUERIE MONDIALE :
L'ÉTAT OUSTACHI
En 1941, la Yougoslavie est envahie par
l'Allemagne et ses alliés italiens,
bulgares et hongrois.
Les occupants
installent à Zagreb un gouvernement
fantoche pronazi dirigé par l'oustachi
Ante Pnvelic (ici avec Ribbentrop),
qui, de retour d'exil, devient le chef
suprême de l'État indépendant
de Croatie, englobant la Bosnie
Herzégovine, mais excluant l'Istrie
et la Dalmatie, sous contrôle italien.
Un régime de terreur s'abat sur
le pays : Serbes, juifs, Tsiganes,
musulmans et les opposants croates
sont impitoyablement massacrés
ou enfermés dans des camps
de concentration.
La résistance antifasciste s'organise
cependant sous l'impulsion
du communiste croate Josip Broz, dit
Tito.
A la tête de ses partisans, et avec
le soutien des Alliés, il libère le pays
en 1945.
LA CROATIE DANS LA YouGOSLAVIE
COMMUNISTE En 1946, la Croatie devient une des six
Républiques de la république populaire
fédérative de Yougoslavie, dirigée par
le maréchal Tito.
Mais le
gouvernement de
Belgrade impose
un centralisme
étatique,
les Serbes
dominant
l'appareil d'État.
Cette situation conduit
à un réveil du nationalisme croate.
Les tensions internes culminent en 1971,
lors de grandes manifestations à
Zagreb.
Le mouvement est réprimé, les
opposants arrêtés.
Cependant, en 1974,
u ne nouvelle Constitution yougoslave
est promulguée, accordant plus
d'autonomie aux Républiques fédérées.
LA DIFFICILE MARCHE
VERS !:INDÉPENDANCE
DES TENSIONS COMMUNAUTAIRES
À L'INDÉPENDANCE CROATE
Les années 1980 sont marquées par
la renaissance d'un nationalisme grand
serbe, orchestré
par Slobodon
Mi/ose vic,
président de
la République
de Serbie à partir
de 1990.
Ces
visées
hégémoniques
sur les autres peuples de Yougoslavie
entraînen� en réaction, un réveil
du nationalisme croate.
La détérioration de la situation
intérieure s'amplifie après la chute
du mur de Berlin.
En avril 1990, l'Union
démocratique croate (HDZ), tout juste
créée, remporte les premières élections
libres.
Ancien dissident communiste,
le général Franjo Tudjman est élu
à la présidence de la République.
Une
nouvelle Constitution est adoptée.
En aoû� la minorité serbe de Croatie
(11 % de la population),
essentiellement installée dans la région
de la Kra jina (nom des anciens Confins
militaires) et de la Slavonie orientale,
entre en rébellion contre Zagreb.
Les premiers accrochages ont lieu
au début de 1991.
En avril, par référendum, 94 % des
Croates se prononcent en faveur
de l'indépendance.
Celle-ci est
proclamée par le Parlement le 25 juin.
LA CROATIE DANS LA GUERRE
DE L'EX-YOUGOSLAVIE
carmée fédérale yougoslave et les
milices paramilitaires serbes, refusant la
sécession, passent aussitôt à l'offensive.
La ville de Vukovnr est assiégée,
et tombe après trois mois de combats.
Dubrovnik est bombardé.
Les régions
à majorité serbe passent sous
le contrôle de Belgrade.
Lorsque le cessez-le-feu est conclu,
le 3 janv ie r 1992, un tiers de la Croatie
est aux mains des Serbes.
La guerre
a fait 50 000 morts en sept mois,
et des centaines de milliers de réfugiés.
Mais la Croatie a obtenu la
reconnaissance officielle de son
indépendance par la communauté
internationale et est admise à l'ONU.
Ses frontières restent néanmoins mal
définies.
Entre 1993 et 1995, plusieurs offensives
militaires permettent de reconquérir
la Krajina et la Slavonie occidentale
occupée.
La poix de Dnyton
(21 novembre 1995) prévoit la
réintégration, effective en 1998, de la
Slavonie orientale dans le territoire
national.
Les relations diplomatiques
sont rétablies avec la Yougoslavie
(aujourd'hui Serbie-et-Monténégro),
les frontières communes définies.
NORMAliSATION DÉMOCRATIQUE
En 1999, la mort du président
Tudjmnn, dont le régime avait
dérivé vers
l'autoritarisme,
permet la
normalisation
démocratique, marquée par
le début
de l'alternance
politique.
Plusieurs
officiers croates, accusés de crimes
contre l'humanité lors de la guerre de
l'ex-Yougoslavie, sont jugés par le
Tribunal pénal international de La Haye.
Membre du Conseil de l'Europe,
la Croatie a déposé en 2003
sa candidature à l'entrée dans
l'Union européenne..
»
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