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La crise de Cuba: De la découverte des rampes de missiles sur le sol cubain au recul de Nikita Khrouchtchev

Publié le 27/11/2018

Extrait du document

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UN ÉPISODE CHAUD DE LA GUERRE FROIDE
 
Lorsque la crise des missiles éclate en 1962, il y a déjà plusieurs années que l'URSS soutient les mouvements de libération nationale. Mais en s'engageant à défendre le régime mis en place par Fidel Castro à Cuba et à y implanter des missiles soviétiques, Nikita Khrouchtchev prend de graves risques. Face à la détermination du président John F. Kennedy, qui décrète le 22 octobre 1962 le blocus naval de l'île, le numéro un soviétique est contraint de reculer. La crise de Cuba, de loin la plus dangereuse de la guerre froide, ouvre une période de concertation. Désormais, les États-Unis et l'URSS cherchent à limiter conjointement les armements nucléaires dans le monde et leurs dirigeants font preuve d'un plus grand souci d'éviter les confrontations directes. Pour autant, l'antagonisme soviéto-américain, les luttes d'influence des deux blocs continuent d'être un facteur déterminant des relations internationales.
LE CONTEXTE INTERNATIONAL
Une nouvelle impulsion
À LE GUERRE FROIDE
• Considérée du point de vue international, la crise des missiles constitue le point extrême d'une période de tension qui a succédé, à la fin de 1958, au « dégel » mis à l’ordre du jour par le secrétaire général du parti communiste soviétique Nikita Khrouchtchev au lendemain de la disparition de Staline (mars 1953).
• La « coexistence pacifique », dont Khrouchtchev a fait le pivot de sa politique extérieure - l'idée étant de ménager une pause prolongée dans ses relations avec l'Ouest, le temps pour l'URSS de rattraper son retard économique sur l'Occident -, a survécu aux deux crises majeures de 1956 (l'intervention à Budapest et l'affaire de Suez). Mais, à partir de 1958, Khrouchtchev doit prendre en compte ceux qui dans son propre camp sont partisans d'une ligne plus dure dans les relations avec l'Ouest. Aussi va-t-il donner une nouvelle impulsion à la guerre froide en rouvrant le dossier de Berlin.
• La tension monte entre les deux blocs à partir du printemps 1960.
En Europe d'abord, avec la question allemande ; en Afrique, ensuite, avec la longue crise qui suit la déclaration d'indépendance du Congo belge - les États-Unis sont intervenus au Congo dès 1960 pour empêcher que cette ancienne colonie belge, en proie aux rivalités opposant le pro-occidental Moïse Tschombé à Patrice Lumumba, considéré comme pro-communiste, ne bascule du côté de l'URSS ; au Viêt-nam, enfin, avec la visite à Saigon du vice-président Lyndon B. Johnson, suivie de l'envoi de conseillers militaires. C'est dans ce contexte très tendu que s'inscrit la question de Cuba.
Fiasco anticastriste de la baie des Cochons Découverte des rampes de fusées soviétiques à Cuba Réunion du conseil de crise à Washington Discours à la nation de Kennedy Mise en alerte des forces américaines Retrait partiel des cargos soviétiques Première concession de Khrouchtchev Mort d'un pilote américain au-dessus de Cuba Recul définitif de Khrouchtchev Rencontre entre Mikoyan et Castro à La Havane

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« • Le 11 septembre 1962, une note du gouvernement soviétique affirme que toute attaque contre Cuba provoquerait un conflit mondial.

La réaction des États -Unis est à la hauteur de la provocation .

Le 3 octobre , une résolution du Congrès américain menace d'employer la force pour empêcher une éventuelle action subversive dans l'hémisphère occidental.

• Le 14 octobre , un avion de reconnaissance U -2 ramène d 'une mission de routine au-dessus de Cuba la preuve déci sive de la gravité des activit és militaires russes qui se multiplient depuis l'été dans 111e.

Avec la découverte de ce qui se révèle être des rampes de lancement installées à Cuba par les Soviétiques, les relations entre les deux grands atteignent un point de tension extrême.

• Ces r11m~s peuvent recevoir des missiles balistiques à moyenne portée (IRBM ) capables de transporter des têtes nucléaires et d'atteindre le territoire des États-Unis distant de quelque 150 km.

• Le président est informé deux jours après la découverte des rampes , le temps pour la CIA d'étudier les clichés et de fournir à Kennedy toutes les précisions nécessaires .

Ce dernier apprend également que des cargos soviétiques transportant des missiles et des bombardiers Iliouchine font route vers Cuba.

• La livraison de ces armes -aussitôt qualifiées de « défensives » par le Kremlin -est une violation flagrante de l'engagement pris le 11 septembre par les Soviétiques de ne pas installer de fusées sur le territoire cubain .

Plus grave , elle peut avoir des effets psychologiques considérables sur les alliés des États-Unis.

Kennedy, dont le crédit personnel se trouve engagé en Amérique centrale depuis l'échec du débarquement de la baie des Cochons, en Afrique , avec l'affaire congolaise , à Berlin et au Viêt-nam , et qui, de surcroi~ doit affronter dans quelques semaines l 'épreuve des élections au Congrès , décide de réagir avec la plus grande fermeté .

LA RÉACTION AMÉRICAINE LE BLOCUS DE CUBA • Le président américain désigne un certain nombre de personnalités , dont son frère Robert, le secrétaire d'État Dean Rusk , le secrétaire du Trésor T.

Sorensen , le nouveau directeur de la CIA J .

McCone , le conseiller de sécurité McGeorge Bun dy et le secrétaire d 'État à la Défense Robert McNamara pour constituer un état-major de crise qui siégera presque sans interruption au cour s des dix jours à venir .

• Plusieurs scénarios sont envisagés , en particulier l'invasion de 111e, le bombardement des rampes de lancement et le blocus des côtes cubaines.

C'est ce dernier cas de figure qui finit par s 'imposer.

Dans la mesure où le blocus est considéré comme un acte de guerre , la Maison-Blanche préfère le qualifier de« quarantaine ».

chargée de la mission d 'interception des navires soviétiques .

Sous prétexte de manœuvres , une armada de bâtiments converge vers Cuba avec 40 ooo marines à leur bord , tandis que 100 000 hommes , rassemblés en Floride, se tiennent prêts à envahir Cuba si l'évolution de la situation devait le commander.

Le secret absolu entoure l'opération .

Ainsi , lorsque Andni Cromiko, ministre des Affaires étrangères de l'URSS , est reçu à la Maison-Blanche le 18 octobre , Kennedy se garde b ien de l'informer.

C'est d 'ailleur s le ministre soviétique qui évoque le premier la question de Cuba , sans révéler , bien évidemmen~ la présence des rampes de missiles soviétiques dans 111e.

L'tPREUVE DE FORCE • Le 22 octobre , Kennedy s'adresse à la nation et à ses alliés et détaille les décisions prises par la présidence.

Chacun comprend que l'Amérique ne veut pas la guerre .

Elle sait quel sera it le prix à payer en cas de conflit nucléaire avec l'URSS .

Pour autan~ le président américain écarte toute idée de passivité qui, selon lui, ne pourrait que conduire à l 'affrontement.

L'opinion américaine approuve à 84% la position de la Maison -Blanche .

À l'annonce du blocus , Moscou rejette les prétentions américaines.

• Le 23 octobre, un porte -parole du département de la Défense annonce que toutes les forces américaines dans le monde ont été placées en «alerte spéciale » .

L'épreuve de force est bel et bien entamée .

• Toutefois, Kennedy a pris soin de laisser à Khrouchtchev la possibilité de battre en retraite sans perdre la face .

Bien que le Kremlin parle d'«acte de piraterie des autorités américaines » et d 'un pas accompli par Kennedy «vers le déclenchement de la guerre thermonucléaire », Khrouchtchev se contente de demander la convocation du Conseil de sécurité de l'ONU , tout en évitant de préci ser quelle sera l'attitude de son pays lorsque le premier navire soviétique sera intercepté par la mar ine américaine au large de Cuba .

~------------------------~=U~RE~C=U ~L~SO~V~IÉ 7TI~Q=U~E~~----~--­ • Un premier signal d 'apaisement intervient le 24 octobre au matin lorsque l'on apprend à Washington LA D~CLARAnON DE KENNEDY • Dans une lllloallloll féUrlsH prononcée le 22 octobre 1962, le président Kennedy infonme ses concitoyens de la situation ouverte par la découverte des rampes de missiles sur le sol cubain : «Cette implantation secrète, rapide et extraordinaire de missiles communistes dans une région bien connue comme ayant un lien particulier et historique avec les États-Unis et les pays de l'hémisphère occidental, en violation des assurances soviétiques et au mépris de la politique américaine et de celle de l'hémisphère, cette décision soudaine et clandestine d'implanter pour la première fois des anmes stratégiques hors du sol soviétique constitue une modification délibérément provocatrice et injustifiée du statu quo, qui ne peut être acceptée par notre pays si nous voulons que nos amis ou nos ennemis continuent à avoir confiance dans notre courage et notre parole .

» que plusieurs navires soviétiques en route vers Cuba ont rebroussé chemin .

• Le 26 octobre , Khrouchtchev fait savoir, par un canal officieux , qu'il est prêt a négocier ; il adresse au président américain une lettre dans laquelle il déclare que, s i les États-Unis donnent l'assurance de ne pas envahir Cuba , la présence soviétique ne sera plus nécessaire dans 111e.

La tension semble donc baisser quelque peu quand une seconde lettre , beaucoup plus dure , parvient à Washington .

À présent , Khrouchtchev exige que le démantèlement des rampes aille de pair avec le retrait des armements analogues que les États-Unis détiennent en Turquie .

Robert McNamara suggère à Kennedy de répondre à la première en ignorant la seconde .

• Un nouveau moment de grande tension règne le 27 octobre lorsqu 'un 1111ion 11méric11in est abattu au-dessus de Cuba .

La victime e st le major Rudolf Anderson , le pilote qui, le 14 octobre , avait rapporté la présence de rampes de lancement.

Ce sera la seule victime de la crise des missiles.

• De nouveau, la nervosité est à son comble, tant d 'ailleurs du côté américain- où l'on commence à envisager très sérieusement un débarquement à Cuba- que chez les Soviétiques , qui redoutent réellement un débarquement ennemi sur 111e.

Finalement , le numéro un soviétique répond favorablement au courrier que lui a adressé Kennedy faisant état d'un retrait des fusées soviétiques sous contrôle de l'ONU en échange d 'un engagement américain de ne pas envahir 111e.

Dès les premières phrases , il est clair que Khrouchtchev a décidé de faire marche arrière : ordre en effet est donné aux cargos porteurs de bombardiers et de missiles de regagner leurs bases ; les armes que les Américains considèrent comme offensives seront démontée s et rapatriées en URSS et des négociations s'engageront avec l'ONU.

La réponse de Khrouchtchev est accueillie à Washington dans un soulagement général.

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• De son côté , C11süo, furieux de ne pas avoir été consulté lors des tractations , fait savoir qu'il refuse le contrôle de l'ONU .

Sur l 'insistance d'Anastase Mikoyan , envoyé de Moscou à Cuba pour l'apaiser , il consent , avec beaucoup de difficultés , à se dessaisir des vieux bombardiers 11-28 dont l 'URSS lui avait fait cadeau et que Kennedy a fait ranger sur la liste des armements offensifs.

LE SUCCÈS DE KENNEDY LA PRUDENCE DE L'ADMINISTRATION AMhtCAINE • La crise des missiles s'achève sur un succès personnel d e Kennedy.

En quelques semaines , le président américain est devenu le héros qui a su faire reculer les Soviétiques sans provoquer un conflit généralisé .

Il est vrai que Kennedy aura réussi à manœuvrer de main de maitre en ne concédant rien d'important à Moscou .

De tai~ le démantèlement des fusées Thor et Jupiter installées en Turquie promis à Khrouchtchev apparaît bien secondaire .

En effet , Kennedy avait décidé un an plus tôt de retirer ces missiles démodés et vulnérables et de les remplacer par des missiles Polaris embarqués sur sous-m11rins .

• Pour autant , Kennedy se garde bien de tout triomphalisme .

Mieux , il insiste pour que l 'on ne se félicite pas trop ouvertement de l'issue de la crise .

Le président américain a parfaitement compris que Khrouchtchev a fait machin e arrière parce que cette crise a eu pour cadre une région où l 'URSS ne défend pas d 'intérêts vitaux et où les Américains disposent de forces conventionnelles et d'avantages géostratégiques très supérieurs à ceux de leurs adversaires : en 1962 , l'URSS ne dispose que de 75 miss iles continentaux contre 294 aux États-Unis .

DES QUESTIONS SANS RÉPONSE • La détermination d es Américains a donc contraint Khrouchtchev à renoncer .

Le numéro un soviétique sort considérablement affaibli de la crise des missiles qu'il a personnellement déclenchée pour des raisons qui, encore aujourd'hui , restent mystérieuses .

• En faisant brutalement monter la tension avec les États-Unis au sujet de Cuba , Khrouchtchev entendait-il entraîn e r Washington dans une négociation globale qui aurait abouti à une sorte de «Yalta planétaire »? • Le numéro un soviétique a -t-il voulu, par un coup d'écla~ rallier les pays du tiers monde au moment où nombre d'entre eux subi ssaient l'attract ion du modèle chino is? • Khrou chtchev espérait -il simplement troquer le non-déploiement des missiles à Cuba contre le retrait des fusées américaines installées en Turquie? • Avait-ille projet de transformer Cuba en une vaste p late-forme nucléaire à proximit é des États-Unis , afin de compenser un retard , qui, dans le domaine stratégique, demeurait considérable? • Sans doute , plusieurs de ces raisons se seront conjuguées pour motiver le choix de Khrouchtchev .

l'AFFAIBLISSEMENT DE KHROUCHTCHEV • Quelles que soient les raisons qui ont poussé Moscou à s'engager dans cette affaire, une chose est sûre : ce dern ier épisode de la guerre froide aura pour effet de précipiter la chute de Khrouchtchev, contraint deux ans plus tard à quitter le pouvoir par ceux qui lui reproch eront , notamment, son «aventurisme >> e n mati ère de politique étrangère, ainsi que la perte de crédit enregistrée par l'URSS dans le tiers monde au profit de la Chine .

• Dans l'immédia~ l a crise de Cuba va favoriser le proce ssus de détente.

Ainsi, Kennedy et Khrouchtchev sont arrivés à la même conclusion : l 'arme nucléaire ne se prête pas au poker et impose , au contraire , de meilleurs contacts avec la part ie adverse .

C'est pourquoi , dès 1963, les États -Unis et l'URSS améliorent, par l'a ccord sur le « téléphone rouge », un système de communications qui a paru dangereusement sommaire en 1962 .

• À plus long terme , la crise de Cuba motive les efforts prodigués par l'Union soviétique pour ne plus jamais se retrouver dans une situation analogue à celle de 1962 .

De fait, la volonté des Soviétiques d'accéder à la parité en matière d'armements stratégiques , de se doter d 'une véritable puissance navale et de disposer de points d'appui stratégiques dans le monde entier s'explique en grande partie par l'humiliation de 1962.. »

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