La construction du monde communiste (1947-fin des années 50)

RESTALINISATION

ET DÉSTALINISATION DE L'U.R.S.S.

(1945-1964)

un 1. L'U.R.S.S en 1945 ir                                Amg^.      —

Le développement économique de l'U.R.S.S. depuis la collectivisation des années trente semble en effet annulé par les quatre années de guerre qui ont ruiné le pays.

a.                Bilan matériel et humain. Les pertes humaines (civiles et militaires) sont considérables (20 millions de morts). Les destructions sont immenses (170 villes, 32 000 usines, 98 000 kolkhozes et 1 900 sovkhozes). L'U.R.S.S. sort d'un gigantesque effort de guerre. d'un redéploiement industriel vers l'Est et de concessions à la production agricole privée ("Seconde N.E.P.").

b.                Un Plan de quatre ans pour engager la reconstruction. Il reprend les prin­cipes économiques des années trente :

—              l'agriculture financera l'industrialisation et la discipline du travail collectif est rétablie dans les kolkhozes ;

—              ce nouvel effort collectif légitime selon Staline (qui refuse après la guerre l'aide américaine) de recourir à la contrainte.

2. La seconde stalinisation de l'U.R.S.S.

Staline peut d'autant mieux imposer ses vues que son prestige est immense au lendemain de la guerre.

a. Le culte de la personnalité prend un nouvel essor.

.   Staline y est présenté comme le "Père de la victoire" en U.R.S.S. Le rôle prêté à Staline dans la conduite de la guerre est indissociable du regain du culte de la personnalité : il a indiscutablement su cristalliser sur sa personne le senti­ment patriotique durant le conflit ; il entretient le mythe de son omniscience en matière militaire, laisse dans l'ombre les autres artisans de la victoire (Joukov) et célèbre exclusivement l'héroïsme du peuple russe.

Le chef politique. Staline commande sans contrôle le Parti Communiste d'Union Soviétique (P.C.U.S.) : le Congrès n'est plus réuni de 1939 à 1952 et le Praesidium en est réduit à entériner les décisions staliniennes, les disgrâces et les promotions ...

. Son propre "culte"est diffusé aussi bien en U.R.S.S. qu'hors de ses frontières par le biais de partis communistes dociles . L'idolâtrie culmine avec le 70e anni­versaire de Staline (1949) et lors du 19c Congrès du P.C.U.S. (1952). C'est égale­ment un outil au service de sa politique de répression.

b. "L'Empire de la peur"

.   La répression. Elle débute par des transferts de populations jugées par Stali­ne complaisantes vis-à-vis des nazis : en tout un million de personnes (Alle‑

mands de la Volga, Tatars de Crimée, Tchetchènes...), auxquelles il faut ajouter 600 000 Baltes déportés pour leur résistance à la soviétisation et à la collectivisa­tion. Les déportations (notamment de prisonniers de guerre soviétiques libérés, considérés comme "contaminés") au Goulag reprennent donc de plus belle (10 millions de détenus).

.     Des purges dans le Parti. La caractéristique du stalinisme des années trente (renouvellement régulier des cadres du Parti par purges successives) se profile à nouveau après la guerre :

— lors du "complot de Leningrad". sur ordre de Staline, le Ministre de l'Inté­rieur, Beria, décapite ie parti à Leningrad en 1949 ;

— l'Affaire des "blouses blanches" (début 1953) fait planer la menace d'une purge des cadres communistes installés aux commandes depuis 1938.

e. Bilan du stalinisme

. A-t-il ressuscité le "volontarisme prolétarien" ? Par la terreur, Staline engage le pays dans une reconstruction à marches forcées. En 1953, l'U.R.S.S. est redevenue un géant industriel (cependant affligé de grandes faiblesses : retards agricoles, dans les industries légères...) ;

— de surcroît, il impose à la société les projets et les idées les plus contestables ("agrovilles" dans les campagnes, thèses de Jdanov sur la science prolétarienne et applications pseudo-scientifiques par Lyssenko).

.     L'U.R.S.S. est devenue une superpuissance communiste. Et ce, malgré les dégâts et les contraintes. Après que l'U.R.S.S. eut fait partie de la Grande allian­ce (voir chap. 1), Staline tire du traumatisme de la guerre la nécessité d'une poli­tique de puissance à trois composantes : intransigeance vis-à-vis de

; souci d'établir, au besoin par la force, un glacis protecteur en Europe centrale composé de pays soumis politiquement et diplomatiquement ; recherche de l'égalité de puissance avec les États-Unis (première bombe A soviétique en 1949, première bombe H en 1953).

3. La déstalinisation et ses limites (1953-1964)

Sur de nombreux points, les successeurs de Staline infléchissent le modèle stali­nien, tant pour des raisons d'ordre intérieur que pour "aménager la guerre froide".

a. La déstalinisation politique signifie d'abord la fin de la terreur stalinien­ne. Tous les successeurs potentiels de Staline s'entendent pour mettre fin à la nouvelle vague de terreur : des amnisties successives permettent la libération de 5 millions de détenus du Goulag. La lutte pour le pouvoir conduit le tandem Malenkov (chef du gouvernement)-Khrouchtchev (Premier Secrétaire du P.C.U.S.), soutenus par Joukov, à faire exécuter Beria, le principal artisan de la terreur stalinienne depuis 1938. La police politique commence à perdre sa pré­éminence sur l'appareil militaire.

Les orientations arrêtées lors du 20' Congrès de 1956, furent amplifiées avec le 22` Congrès de 1961 et l'adoption des nouveaux Statuts du P.C.U.S.

.     Condamnation des crimes et des erreurs de Staline. Lors du DY Congrès, le

rapport de Khrouchtchev, d'abord tenu secret, modifie largement les données de la vie politique en U.R.S.S. Il conduira au spectaculaire retrait du corps de Stali­ne du mausolée de la Place Rouge.

Khrouchtchev reproche surtout à Staline ses crimes contre le Parti purgé régu­lièrement depuis les premiers procès de Moscou dans le même esprit, il l'accuse d'avoir failli au principe léniniste de collégialité dans l'exercice du pouvoir.

. Le pouvoir est rendu au Parti. Son sommet devient le principal lieu de pou­voir. Même si le processus de désignation au sein du Parti est réformé et les can­didats soumis à l'élection, le Parti génère désormais une élite politique qui n'est plus menacée à terme par les purges. Le Premier Secrétaire prend rapidement le pas sur ses rivaux. C'est ainsi que Khrouchtchev peut écarter Malenkov et deve­nir le premier personnage du régime en 1955. Il réunit le Comité Central en 1957 pour s'opposer à une offensive des "anti-parti", obtient la destitution de Molotov, Joukov et Malenkov et cumule, après 1958, la Présidence du Conseil et la direc­tion du Parti.

— En haut : un P.C.U.S. rétabli dans ses droits. Le fonctionnement du Parti doit désormais suivre des règles strictes établies dans l'esprit du léninisme. L'exigence d'un pouvoir collectif sous-entend que Praesidium et Comité Central retrouvent au moins en théorie les prérogatives mises en sommeil par Staline, en particulier la possibilité de discuter les orientations arrêtées au sommet. Le Congrès est réuni pour entériner cette nouvelle orientation et des "plénums" sont prévus à intervalles réguliers. Le renouvellement régulier des organes dirigeants est établi en 1961, mais, en réalité, il est contredit par le clientélisme et ne vaut que pour les échelons inférieurs du parti.

— En bas : le P.C.U.S., davantage ouvert à la classe ouvrière, augmente en nombre ; il passe ainsi de 7 à 10 millions de membres entre 1952 et 1961. C'est cependant un phénomène limité. Il ne s'agit en aucun cas de s'exagérer la portée de la déstalinisation, car elle ne concerne que le fonctionnement interne du P.C.U.S.:

— c'est une libéralisation relative : si Khrouchtchev autorise la publication des oeuvres de Soljenitsyne, dans le même temps Boris Pasternak est persécuté ;

— la démocratie ne concerne pas le fonctionnement du régime. Pour Khrouchtchev, il n'est pas admissible de revenir sur le monopole du parti unique ni sur les principes idéologiques qui règnent depuis 1917.

b. Les réformes économiques. De même qu'il entend ouvrir le Parti à la classe ouvrière, Khrouchtchev veut associer la population aux réformes économiques.

.     On décentralise la décision économique. Ce sera chose faite selon lui en créant les sovnarkhozes, conseils chargés de l'application du plan à l'échelon régional. Les kolkhozes obtiennent une plus grande liberté de gestion et les ouvriers sont invités à participer à la gestion de leurs entreprises

.     Compter sur le regain du volontarisme révolutionnaire. Khrouchtchev compte sur l'enthousiasme révolutionnaire pour relancer le grand rêve socialiste, c'est-à-dire, tout à la fois rattraper les États-unis avant 1981 (ce faisant, l'U.R.S.S. aura atteint le stade de ''société communiste idéale") et engager de

LE MONDE COMMUNISTE AU MILIEU DES ANNÉES CINQUANTE

·         Remarques préliminaires

Vous êtes ici amené à dresser un tableau du monde communiste à une date volon­tairement imprécise, mais qui vous invite à tenir compte des conséquences de la mort de Staline (1953), que ce soit en U.R.S.S. même (20' Congrès du P.C.U.S. ) ou dans les démocraties populaires (révolte en R.D.A., Pologne et Hongrie).

Quels sont les principaux thèmes autour desquels vous pourrez articuler votre dissertation ?

Introduction

Comme cela est souvent le cas pour les tableaux, il va vous falloir montrer en quoi la période retenue constitue une séquence charnière de l'histoire du monde communiste.

. Partez d'un constat simple : on se situe au lendemain d'une expansion sans précédent du monde communiste ; évoquez-en les plus récentes "acquisitions" (par la même occasion vous pourrez délimiter le monde communiste).

— or ce monde communiste, jusque-là rassemblé derrière le modèle stalinien, se trouve coup sur coup confronté à la disparition puis à la condamnation de son principal architecte.

. La problématique. Vous trouvez alors les fils directeurs d'un tableau "dynamique" du monde communiste :

— aspects de la crise de déstalinisation.

— Les réponses des protagonistes à cette crise.

A Un monde communiste déstabilisé ?

Vous montrerez que la crise affecte de proche en proche tous les périmètres de l'espace communiste.

1. Elle commence en U.R.S.S.

... avec la condamnation du stalinisme puis avec les réformes entreprises par Nikita Khrouchtchev.

2. Elle se poursuit en Europe de l'Est et s'amplifie

Les dirigeants de l'époque stalinienne sont encouragés aux réformes par Moscou : Gerb doit céder la place à Imre Nagy en Hongrie ; le polonais Ochab (successeur