La bête du Gévaudan : un monstre sème la terreur
Publié le 03/10/2018
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A partir du mois de juin 1764, le Gévaudan, pays pauvre et sauvage, au relief tourmenté et aux hivers rigoureux, est terrorisé par une « bête » mystérieuse et féroce qui s'attaque aux paysans, égorge femmes et enfants. On organise des battues, on appelle en renfort les chasseurs de la province et un détachement de dragons : en vain. Le redoutable « monstre » va rester insaisissable et continuer à faire de nombreuses victimes. Le 30 juin 1764, à Saint-Étienne-de-Lagdarès, dans l'Ardèche, on retrouve le corps à moitié dévoré de Jeanne Boulet, une bergère de quatorze ans. Quelques jours plus tôt, à Langogne, sur les bords de l'Allier, une gardienne de vaches a été attaquée. Le 8 août, c'est une jeune fille de quinze ans du Masméjan d'Allier, paroisse du Puy-Laurent, qui est égorgée. Durant cet été, un peu partout dans le pays du Gévaudan, qui s'étend de la Lozère à la HauteLoire, une « bête » mystérieuse fait de nombreuses victimes. Pour certains, il s'agit d'un , loup ; pour d'autres, d'un loup garou, d 'une sorcière, du diable en personne ... voire d'un singe ou d 'un ours ! Dans les villages proches de la montagne de la Margeride, la peur grandit. Le syndic du diocèse, Étienne Lafont, envoie des chasseurs de Mende aider les paysa ns dans leurs battues aux environs de Langogne et dans la forêt de Mercoire. En vain. Le monstre, désormais appelé simplement la « bête », poursuit ses ravages, allant jusqu'à tuer une femme en plein bourg et à enlever des enfants sous les yeux de leurs parents. Les dragons à la rescousse Étienne Lafont avertit monsieur de Saint-Priest, intendant du Languedoc, et le comte de Moncan, gouverneur de la province. Aussitôt, le comte demande au capitaine Duhamel, basé à Langogne, de partir en chasse avec un détachement
«
de dragons, quarante à pied et
dix-sept à'cheval.
Une récom
pense de deux cents livres est
promise à qui tuera la bête .
Tous les
.se igneurs du Vivarais,
du Gévaudan et d'Auvergne
viennent en renfort avec leurs
« CE N'EST PAS
UN LOUP»!
« Ce n'est pas un loup »,
affirment les paysans .
Les
loups sont nombreux
dans le Gévaudan, où l 'on en
abat tous les ans une
bonne cinquantaine .
Les
bergers les connaissent bien
et savent que, s'ils s'en
prennent aux troupeaux, ils
n'attaquent généralement
pas l'homme .
Même les
enfants ont l'habitude de les
faire fuir à l'aide d'un gros
bâton ou en leur lançant
des pierres.
C'est pourquoi
les assertions faisant
état d'un loup massacreur
laissent les paysans
perplexes.
L'abbé Trocellier,
curé d'Aumont, a vu la bête à
trois reprises et la
description qu'il en donne
correspond aux témoignages
de ceux qui ont été
attaqués et ont survécu :
« Elle est terriblement
longue, et de la taille d'un
veau d'un an.
Elle a ( ...
) une
bande noire qui lui court le
long de l'échine ( ...
).
Lorsqu 'elle va attaquer,
on entend un bruit sourd
comme celui d'un chien qui
veut aboyer ; elle se bat les
flancs avec sa queue
extrêmement longue et
touffue, d'une force
horrible.
» Les rescapés
font également état de poils
roux, d' une gueule
toujours béante, de dents et
de griffes impressionnantes,
d'oreilles courtes et
droites, d'un poitrail blanc
et très large.
L'abbé
Trocellier en est sûr :
« Ce n'est pas un loup ! »
gardes-chasses, leurs piqueurs
et leurs chiens.
L'espoir renaît quand un très
grand loup est abattu.
Las !
Les
horribles massacres conti
nuent et les battues n'ont pour
effet que de repousser la bête
plus à l'ouest.
De Rieufort-de
Randon à1 Apcher, de Saint
Chély-d'Apcher à la Truyère,
les chasseurs
suivent les dé
placements incessants de
l'animal, marqués à chaque
fois par d'affreux meurtres.
Parfois , les chiens ou les va
ches parviennent à le faire
reculer ; des bergers le met
tent en fuite avec leur « baïon
nette», bâton au bout duquel
est fixé un couteau.
Mais le
plus souvent, on ne retrouve
que des cadavres mutilés.
Malgré les exhortations des
pouvoirs publics , les paysans,
hantés '
par le souvenir de la
grande famine des années
1750 , n'abandonnent pas les
travaux
des champs.
Fin octo
bre, le bilan s'élève à quatorze
morts et tréize blessés.
A cha
que nouveau drame, le glas
sonne
lugubrement ...
Un monstre
invincible
Le capitaine Duhamel organi
se moult battues qùi rassem
blent plusieurs milliers de
paysans .
Toujours e.n vain .
La
présence de nombreux aven
turiers, attirés par la récom
pense promise, ne fait qu 'ac
croître le désordre et la pani
que dans la centaine de pa
roisses parcourues par la bête .
Chasses, pièges, poison , tou
tes les méthodes semblent
vouées à l'échec.
L' hiver venu,
la
neige entrave les battues .
Le
25 novembre , à Buffeyret
tes, paroisse d'Aumont, une
femme de soixant~ ans, Cathe
rine Vally, est tuée à deux pas
du village.
Les soldats empê
chent les paysans d'enlever le
corps, espérant que la bête re
viendra finir de le dévorer
EDITIONS ATLAS
mais elle reste prudemment à
l'écart .
Le 20 décembre, au vil
lage de Puech, paroisse du
Fau-de-Peyre, une fillette de
douze ans est tuée dans son
jardin!
Ak>rs que la terreur est à son
comble, sur les foires, dans les
gazettes, on ne
parle plus que
de cette « bête extraordinaire,
un
monstre qui fait des boods · ,
avec des pattes aussi fortes
que celles d'un ours, le poitrail
d'un léopard, une gueule extra
ordinairement large ..
» Les col
porteurs diffusent maintes si
nistres complaintes : « Les
yeux
étincelants / D'un regard
, redoutable / Sont deux bra
siers ardents.
/ Tout est épou
vantable / Dans cette horrible
bête / Que le monde craint si
fort / Car des pieds jusqu 'à la
tête / Elle présage la rnort.
'>>
L'échec de Duhamel est con
sommé le 23 décembre : sur
ordre de Louis XV, les dragons
doivent regagner leurs quar
tiers à Langogne .
·Le capitaine
écrit au comte de Moncan qu'il
se retire « avec la douleur de
n'avoir pas eu le bonheur de
parvenir à détruire la bête
féroce, quoi qu'ayant fait tout
au monde pour y réussir »..
»
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