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Isidore de Séville

Publié le 22/02/2012

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vers 570-636 Que sa famille ait choisi l'exode ou subi la déportation de Carthagène à Séville, l'enfance de celui que l'Espagne et l'Église vénèrent sous le nom de saint Isidore de Séville, fut d'abord marquée directement par les graves événements politiques et militaires dont les provinces méridionales de la péninsule ibérique furent le théâtre, dans la seconde moitié du VIe siècle : tentatives de reconquête par les troupes de l'empereur Justinien ; campagnes et persécutions du roi unificateur, l'Arien Léovigild ; rébellion manquée du prince héritier Herménégild, converti au catholicisme, contre son père le roi de Tolède. De cette ténébreuse affaire, sur laquelle Isidore gardera dans toute son oeuvre un demi-silence réprobateur, l'inspirateur avait justement été le propre frère d'Isidore, celui qui l'avait élevé et instruit, dans l'ordre de la culture comme dans celui de la politique, ecclésiastique ou profane : l'évêque Léandre de Séville. Correspondant et ami du pape Grégoire le Grand, qu'il avait personnellement connu à Constantinople, ennemi acharné de l'arianisme, artisan enfin heureux de la conversion du roi wisigoth Reccared, second fils de Léovigild, Léandre couronne à la fois sa carrière politique et ecclésiastique au IIIe Concile de Tolède. L'hérésie arienne y est solennellement condamnée, y compris par les souverains wisigoths ; la conversion " de la race des Goths " et leur adhésion au credo de Nicée y sont hautement exaltées, en particulier dans l'homélie solennelle de Léandre. Ainsi se scellait, dans une euphorie grosse d'ambiguïtés et de risques, l'alliance du trône wisigothique et de l'autel catholique romain.

« mais l'accent y est précisément mis sur la préséance de la piété du prince par rapport à sa justice. L'influence de cette idéologie ne s'est pas exercée par la seule diffusion littéraire de ces œuvres.

Car Isidore a bienexercé un rôle de conseiller direct et actif près du successeur de Witerie, assassiné en 610, et de Gondemar,décédé en 612 : le roi lettré Sisebut, guerrier, poète et hagiographe, législateur et persécuteur des Juifs.

Sur cedernier point, il est curieux de constater, malgré les idées émises dans les Sentences, combien le jugement d'Isidoreen son Histoire des Goths demeurera gêné : “ En incitant les Juifs à la foi chrétienne, il manifesta au début de sonrègne un zèle mal éclairé.

Mais, comme dit l'Écriture, peu importe que le motif soit hypocrite ou sincère, pourvu quele Christ soit annoncé.

” Les rares lettres qui nous restent de la correspondance entre Isidore et son disciple préféréBraulion, évêque de Saragosse, nous laissent entrevoir les allées et venues du Sévillan à la cour de Tolède et aupalais royal.

Tout se passe comme s'il avait fait office, auprès du souverain, de conseiller ecclésiastique privilégié —et donc, en quelque mesure, de mentor politique, dans un régime où l'Église et la monarchie se trouvaient siétroitement alliées, à l'image du précédent constantinien tout autant que de Justinien et du “ modèle ” byzantin.L'étroite amitié littéraire entre l'évêque et le souverain est bien attestée par le poème astronomique adressé parSisebut à Isidore qui lui avait fait hommage de son Traité de la nature ; mais aussi par la première dédicace àSisebut des Étymologies d'Isidore : cette encyclopédie, œuvre majeure du Sévillan, fut entreprise enaccomplissement d'une promesse faite au roi. C'est sous le règne de son successeur Suinthila, “ premier monarque régnant sur toute l'Espagne en deçà desdétroits ”, qu'Isidore compose à la double gloire de l'Espagne wisigothique son Histoire des Goths, des Vandales etdes Suèves.

Elle s'ouvre par un Éloge de l'Espagne vibrant d'un enthousiasme très littéraire pour “ l'Espagne mèresacrée et toujours féconde des princes et des peuples ”, épousée par “ la race si florissante des Goths ” aprèsl'avoir été par la “ vaillance romuléenne ”.

C'est donc, en définitive, comme successeurs des empereurs romains quele patriotisme d'Isidore s'attache à célébrer, dans cette œuvre, la geste des monarques wisigoths rassembleurs de lapéninsule dispersée et saccagée par les invasions, défenseurs de son indépendance contre les Francs et lesByzantins, confesseurs et protecteurs de la foi orthodoxe depuis 587. Isidore confirme et achève son œuvre politique en ouvrant, trois ans avant sa mort, sous le roi Sisenand, le 5décembre 633, dans la basilique Sainte-Léocadie, le IVe Concile de Tolède.

L'importance de cette assembléenationale est aussi capitale pour l'avenir de l'Église d'Espagne que pour celui de la monarchie.

Son canon 75 metsolennellement en garde contre la violation de “ la foi du serment prêté à nos princes ” et anathématise longuementtout parjure et tout usurpateur à venir.

Proclamés sous le règne, voire en présence, d'un monarque qui avait lui-même usurpé son diadème par la violence, de tels anathèmes n'allaient point sans une ironie amère dont Isidore lui-même ne pouvait être inconscient. Est-ce à dire que son œuvre politique n'ait été qu'une suite d'échecs mal compensés par l'idéologie royale duthéologien et les élans patriotiques de l'historien ? Ce serait oublier la fragilité naturelle d'une monarchie germaniqueélective à laquelle le principe héréditaire ne put jamais s'imposer sérieusement, et la turbulence d'une noblesse peunombreuse, mais influente, dont l'indépendance était assurée par des structures qu'on a pu appeler “ préféodales ”.Si cette monarchie a malgré tout survécu, tant bien que mal, trois quarts de siècle à la mort d'Isidore, jusqu'àl'invasion arabe de 711, c'est pour une bonne part à Isidore de Séville qu'elle le doit.

Mais l'idéologie royale disperséedans ses œuvres n'a pas seulement affermi et approfondi l'œuvre politique de son frère Léandre.

Elle a rayonné aussisur le haut Moyen-Âge européen dont il fut l'éducateur, grâce à l'extraordinaire survie de son œuvre littéraire.

Il n'enest que plus piquant de constater que, quelques siècles plus tard, la bannière léonaise de saint Isidore nous lereprésente à cheval et armé comme un autre archevêque Turpin, à l'image du fameux Santiago Matamoros.. »

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