Ibn al-Athîr - 1204 : Prise de Constantinople (Commentaire oral)
Publié le 04/03/2023
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1204 : Prise de Constantinople
I_ Un conflit souillant la sainteté de l’expédition
A- Origines du conflit
->Thèse du conflit familial/dynastique
lignes 1 à 12 (Récit du prince détrôné par son oncle)
lignes 21 à 23 (Latins rétablissent le père et son fils mais contrôlent la cité)
B- L’or au prix du sang des chrétiens
->Remboursement menant aux exactions et au pillage
lignes 24 à 27 (Pillage des habitants)
lignes 40 à 51 (Massacre + Pillage)
C- L’impiété des assaillants
->Se détournent de leur Foi par le meurtre de chrétiens et le pillage de symboles
lignes 27 à 30 (arrachent l’or des objets et images sacrées)
lignes 45 à 51 (Pillage des prêtres et de l’église)
II_ Une conquête à tout prix
A- La supériorité tactique des Latins
->Tactiques et avantages des Francs
lignes 12 à 18 (Des Francs entrent en ville en profitant de la fuite des Byzantins)
lignes 19 à 21 (Partisans Byzantins mettent le feu à la ville, permettant aux Latins d’entrer)
lignes 23 à 24 (autorité des Latins sur les empereurs Byzantins)
lignes 33 à 37 (Latins assiégeant la ville)
lignes 38 à 40 (Latins déjà présents dans la ville)
B- Résistance byzantine
->Population prête à défendre sa cité
lignes 13 à 14 (Oncle empereur défend la ville)
lignes 16 à 18 (Fuite de l’empereur et thèse de l’absence de combat)
lignes 31 à 33 (Chassent les Francs de la cité)
lignes 66 à 73 (Formation des autres états byzantins)
C- Partage entre les chefs de la croisade
->Partage de l’Empire/ Hégémonie vénitienne / États successeurs
lignes 23 à 24 (autorité des Latins sur les empereurs Byzantins)
lignes 24 à 25 (pillage de l’or, les Latins se comportent comme des occupants)
lignes 52 à 66 (Partage, dont création de l’Empire latin de Constantinople)
lignes 67 à 71 (Échec du partage selon l’auteur)
Introduction
L’issue de la Troisième Croisade (1189-1192), à la fin du XIIème siècle, alimente, dans les
États chrétiens d’Occident, une polémique qui s’était déjà fait jour : tandis que certains
s’interrogent sur le bien-fondé de ces expéditions que Dieu ne semble pas couronner de
succès, l’Église insiste sur le châtiment divin qui frappe, à travers elles, un peuple de
pécheurs.
En effet, en Terre Sainte, les États latins sont menacés de toutes parts.
En 1198, Innocent III, animé d’un désir dévorant de défendre la chrétienté contre tous les
dangers, devient pape.
À son appel, un grand nombre de seigneur de l’Occident latin fait vœu
de croisade et s’organise au printemps 1200 pour rejoindre officiellement Jérusalem, mais en
réalité pour prendre secrètement la route de l’Égypte.
Plutôt que de choisir l’itinéraire terrestre par Constantinople et l’Asie Mineure, les croisés
avaient choisi un passage par mer et traitaient avec le doge de Venise, Enrico Dandolo, au
printemps 1201.
La Sérénissime République de Venise s’engageait alors à armer une flotte
pour le transport de 4 500 chevaliers, 9 000 écuyers et 20 000 fantassins (33 500), pour un
prix de 85 000 marcs.
Les envoyés des nobles avaient largement surestimé l’effectif réel
qu’ils pourraient réunir.
Lorsque les croisés arrivent, un tiers seulement de l’effectif prévu est
au rendez-vous.
Les chefs ont beau donner tout ce qu’ils ont, en septembre, il manque encore
34 000 marcs (8,5 tonnes d’argent) sur les 85 000 promis aux armateurs.
C’est alors que le vieux doge Dandolo, propose aux croisés un moratoire de leurs dettes s’ils
acceptent de l’aider à reprendre Zara (Zadar aujourd’hui, en actuelle Croatie), placée sous
l’autorité du roi de Hongrie.
Malgré les hésitations et les scrupules, malgré aussi l’ordre du
pape Innocent III de ne pas attaquer une ville chrétienne, les chefs acceptent pour sauver la
croisade enlisée.
La ville est finalement prise le 24 novembre 1202.
Durant l’hivernage des
troupes dans la ville, les chefs croisés reçoivent une ambassade d’Alexis IV, fils de
l’empereur byzantin Isaac II Ange qui avait été détrôné et emprisonné quelques années plus
tôt.
Celui-ci propose alors un traité d’alliance avec les clauses suivantes : que les croisés
l’aident à chasser l’usurpateur Alexis III, son oncle, et il aidera en retour la croisade en lui
donnant argent et armée ; en outre, il ramènera l’Église grecque sous obédience romaine.
La suite des événements est décrite par un certain nombre de contemporains à la prise de
Constantinople, dont des chroniqueurs croisés comme Robert de Clari ou Geoffroi de
Villehardouin, mais aussi des historiens musulmans comme Ibn al-Athîr.
Ce dernier, de son
nom complet, Abu al-Hasan Ali 'izz al-Din, est né en 1160 et mort en 1233.
Son œuvre
principale est le Kâmil at-Tawârîkh (Histoire parfaite, ou encore Somme des histoires).
Il
s’agit d’une vaste histoire du monde islamique depuis les histoires arabo-hébraïques
antérieures à la prédication de Muhammad jusqu’à l’année 1231.
Pour les trois derniers
siècles et surtout pour l’époque contemporaine de l’auteur, elle constitue une source très
riche, en raison de la variété des matériaux historiques.
Pour l’histoire des premières
Croisades, Ibn al-Athîr fut un témoin oculaire de la plupart des évènements, s’étant
notamment battu contre les Croisés lors de la Troisième croisade.
À la lumière de ces évènements et du contexte d’écriture, on peut alors poser le problème
suivant : quelle perception de la guerre sainte et des conflits entre chrétiens peut-on tirer d’un
auteur musulman contemporain de la prise de Constantinople de 1204 ?
I_ Un conflit souillant la sainteté de l’expédition
A- Origines du conflit
Ibn al-Athîr, focalisé sur la thèse du conflit interne au sein de la dynastie des Anges pour
contextualiser les événements, débute son récit par une explication de ce dit conflit
dynastique.
Il fait cependant une erreur de la ligne 3 à 8 : “la cause … francs [...] Le fils …
oncle paternel”, en confondant la dynastie des Comnènes avec celle des Anges.
En mentionnant la sœur du roi de France en tant qu’épouse de l’empereur byzantin, il fait
sûrement ici référence à Agnès de France (Byzantine Augusta), sœur du roi Philippe II
Auguste, d’abord mariée à l’empereur Alexis II Comnène puis à Andronic Ier Comnène après
que ce dernier ait usurpé le trône du précédent, donc à des évènements s’étant déroulés 20 ans
auparavant et sans liens directs avec la prise de Constantinople.
En vérité, le prince mentionné ligne 7 en tant que “fils du souverain” n’est autre que Alexis
IV Ange, fils de Isaac II Ange et frère de Irène Ange.
Cette dernière a épousé Philippe de
Souabe, roi de Germanie.
Suite au renversement de Isaac II par son frère Alexis III et à
l’évasion de Alexis IV, Philippe de Souabe, beau-frère de ce dernier, écrit une lettre à
Boniface de Montferrat, son cousin et chef de l’expédition dite de la Quatrième Croisade
alors stationné à Zara, pour faire une étape à Constantinople et introduire Alexis IV sur le
trône.
Un pacte est conclu, prévoyant la prise de Constantinople au profit du jeune prince en
échange d’une somme de 200 000 marcs qui serait payée une fois celui-ci couronné et
prévoyant de financer la continuation de la croisade.
Loin de se donner au fils de l’empereur
détrôné et à ses protecteurs, la ville résiste et il faut la conquérir par la force.
L’usurpateur
Alexis III finit par s’enfuir et le vieil Isaac II est tiré de sa prison.
Lignes 22-23 : “Les Francs
désignèrent ce fils comme souverain [...].
Ils firent sortir de prison son père.” Néanmoins,
celui-ci ayant été aveuglé par ses geôliers, est tout naturellement non disposé à remonter sur
le trône seul en raison de la nécessité d’une intégrité physique pleine pour aspirer à la dignité
impériale.
B- L’or au prix du sang des chrétiens
Mais l’intronisation du prince endetté dans un contexte économique et politique
particulièrement difficile pour l’Empire byzantin, va très rapidement provoquer des troubles
internes puis mener au renversement d’Alexis IV par une révolution de palais.
Finalement couronné, il s’avère bien vite embarrassé de tenir ses engagements.
Alors que le
trésor impérial est épuisé, Alexis III ayant réussi à s’enfuir avec une somme conséquente, et
que l’insubordination des seigneurs provinciaux s’accélère, le nouvel empereur se voit dans
l’incapacité de rembourser ses protecteurs.
Les habitants de Constantinople qui connaissaient
déjà une dévaluation de leur monnaie (nomisma = monnaie d’or) se voient donc imposer de
lourdes exigences financières par les occupants.
Lignes 24-25 : “Ils imposaient de lourdes
exigences aux habitants, leur réclamant de l’argent plus qu’ils ne pouvaient en verser.” Les
Francs vont parfois jusqu’à détrousser les civils comme on peut le voir à la ligne 25 à 26 :
“Ils s’emparèrent … lingot”, avec le pillage des marchands ou même encore plus loin en
s’accaparant des métaux précieux sur des symboles chrétiens comme sur les croix ou les
icônes, lignes 27-28 : “Ils arrivèrent … Messie,”
Afin de se débarrasser des Latins, un certain Alexis V Murzuphle (“sourcils épais / sourcils
qui se rejoignent”) de la famille Doukas, gendre de l’usurpateur Alexis III est alors porté sur
le trône tandis que la dynastie Ange est exterminée le 8 février 1204.
Dès le 8 avril, les
Francs et....
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