Histoire du Yémen: Du royaume de Saba au Yémen unifié
Publié le 18/11/2018
Extrait du document

LA DYNASTIE ZAYDITE
• Yahya ben Hussein, descendant d'Ali, gendre de MahomeL ne s'est installé que depuis un an à Sanaa quand il fonde en 898 l'imamat zaydite, héréditaire.
• Le mouvement zaydite, lui-même fondé par l'imam chiite persan Zayd al-Abidin, petit-fils de Hussein, lui-même petit-fils de Mahomet, professe un chiisme modéré, ne reconnaissant que les quatre premiers imams alides. C’est sur lui que s'appuie la plus longue lignée du pays, la dynastie zaydite de Saada, qui règne dans le nord du pays jusqu'en 1962.
• Cette branche du chiisme est la confession majoritaire du Yémen, le sunnisme étant limité à la plaine côtière et au Ta'izz.
UNE PLACE STRATÉGIQUE DANS LE MONDE ARABE
Situé à l'extrême sud-ouest de la péninsule arabique, bordé par la mer Rouge et l'océan Indien, le Yémen appartient résolument au monde arabe et musulman. Toutefois, il a cultivé son identité spécifique, marquée par la proximité du continent africain, sur un mode autarcique qui a longtemps nimbé ce pays de mystères. Berceau de civilisations dont la prospérité, due notamment au commerce de l'encens, a entretenu la légende, comme celle de la reine de Saba, le Yémen a fait mentir, à travers sa longue histoire, son appellation d'« Arabie heureuse». Après une période de relative stabilité, sous la puissante dynastie zaydite, issue de Mahomet, le pays est déchiré au xixe siècle entre Ottomans et Britanniques. Cette division persistera tout au long du xxe siècle. Tribale, repliée sur elle-même, la société yéménite est parcourue de tensions entre les tenants de la tradition et les partisans d'une timide modernisation, ce qui a pu la rendre vulnérable aux prêches des fondamentalistes et au terrorisme islamiste.
AUX SOURCES DE L'ARABIE HEUREUSE
Une humanité très ancienne
• Des témoignages fossiles attestent la présence de l'homme dès 700000 av. J.-C. dans la région de l'Hadramaout, dans l'est du pays. La proximité de la corne de l'Afrique et du rift, berceau présumé de l'humanité, expliquerait cette présence humaine précoce.
• Vers 7000 av. J.-C., c'est encore l’Hadramaout qui porte le témoignage d'une culture mégalithique évoluée. Des traces d'arts rupestres à Saada et des outillages de pierre attestent par ailleurs l'existence de sociétés pastorales.
• De 3000 à 1200 av. J.-C., l'âge du bronze voit apparaître les premières idoles, tandis que l'irrigation permet le développement de l'agriculture. Les premières immigrations de peuples sémitiques coïncident avec le développement du littoral (Sabr), mais c'est à partir de 1500 av. J.-C. que les populations indigènes se constituent en royautés, dont la première était celle de Marib.
Les premiers royaumes
• Attestés par des inscriptions sud-arabiques, depuis que l'écriture est apparue en Arabie méridionale (xiie -xe siècle av. J.-C.), les royaumes (minéen au nord, sabéen au centre, Qataban au sud-ouest, et Hadramaout au sud-est) qui se succèdent dans la région de 1500 av. J.-C. â 300 apr. J.-C. se confondent avec la légende, plus particulièrement celui de Saba, dont la reine a exercé une fascination durable tant en Orient qu'en Occident après sa visite auprès du roi Salomon, relatée dans la Bible et dans le Coran.
• Le royaume de Saba fondait sa prospérité sur la maîtrise de l'irrigation et sur une intense activité commerciale ; l'Arabie du Sud (Dhofar et Hadramaout) avait en effet le monopole de la production de l’encens (culture du Boswellia), de la myrrhe, de la cannelle et des aromates, très prisés dans le bassin méditerranéen.

«
•
Censée mettre un terme aux
conflits tribaux qui déchirent le Yémen,
la promotion d'un imam à la tête
du pays ne parviendra pas à éradiquer
le ferment de la division : les siècles
qui suivent sont marqués par des luttes
incessantes pour le pouvoir entre
imams et tribus se revendiquant
de dynasties concurrentes.
LES DOMINATIONS hRANCÈRES
• Ces querelles intestines favorisent
la domination de puissances étrangères.
Du x• au Xli' siècle, ce sont les Fatimides
du Caire qui contrôlent la plus grande
partie du pays puis, au Xlii' siècle,
les Ayyoubides, venus aussi d'Égypte,
auxquels succèdent les Rasoulides.
• Les Européens ne sont pas en reste,
et tout d'abord les Portugais, qui
sillonnent l'océan Indien.
Ceux-ci,
grâce à Alonso de Albuquerque,
prennent pied dès 1507 au Yémen,
où ils installent un comptoir,
dans 111e de Socotra -qui abrite
toujours aujourd'hui une communauté
chrétienne -, mais ils ne parviendront
pas à se maintenir dans le pays.
• �Empire ottoman, qui est devenu
la première puissance du monde
musulman, a plus de succès.
En 1517, les Ottomans s'emparent
du littoral yéménite, peuplé de
musulmans sunnites comme eux,
puis d'Aden en 1538.
• Les Ottomans mettent brutalement
fin à la dynastie locale des Tahirides,
qui avaient pris la succession
quatre-vingts ans plus tôt des
Rasoulides, conquièrent Sanaa
en 1547, prenant ainsi le contrôle
de la majeure partie du Yémen,
organisé en vilayet (province)
ottoman où se développent la
culture et le commerce du café.
L'INDÉPENDANCE
RETROUVtf
• En 1598, Al Mansur ai-Qasim ben
Muhamad, fondateur de la dynastie
des imams zaydites qasimites,
organise la révolte contre les Ottomans,
qui doivent quitter le pays en 1635.
• Le Yémen retrouve son indépendance
sous l'égide des Zaydites, dont le
commerce du café fait la fortune.
Le pays, réunifié autour de la capitale
Sanaa, connaît une période de relative
stabilité durant deux siècles, jusqu'à
ce qu'il suscite la convoitise des
Britanniques, qui dominent déjà
un grand empire colonial.
LA PARTITION ENTRE
BRITANNIQUES ET OTTOMANS
INSTALLATION DES ANGLAIS AU SUD
• En 1839, les Anglais occupent le port
d'Aden, à partir duquel ils établissent
leur protectorat sur tout le sud du
Yémen.
Les Anglais assurent leur
domination en signant des traités
de "protection» avec les souverains
et chefs de tribus locaux, notamment
avec le sultan de Lahej, en 1857.
Les Français tentent eux aussi de
pénétrer le Yémen, en occupant de
1868 à 1870 le territoire de Cheikh-Saïd,
près de 111e anglaise de Périm, dans
le détroit de Bab ei-Mandeb.
IN STALLA TION DES OTTOMANS AU NORD
• En 1849, les Ottomans réapparaissent
au Yémen et imposent leur domination
au nord, au prix de guerres incessantes
avec les chefs de tribus, notamment
dans l'Hadramaout.
�ouverture du
canal de Suez va cependant permettre
aux Turcs de renforcer leur présence.
• En 1873, Anglais et Ottomans délimitent
leurs zones d'influence.
Celles-ci seront
fixées par une «Violet Li ne» tracée
à la faveur d'un accord entre les deux
parties en 1905, qui deviendra plus tard
la frontière entre les deux Yémen.
• En 1911, au terme de la deuxième
insurrection lancée par l'imam
Muhammad Ibn Yahia Hamid Ad-Din,
les Ottomans reconnaissent son fils,
l'imam Al Mutawakkil Yahia Al-Mansur,
comme souverain du Yémen sous
la suzeraineté de la Sublime Porte.
•
À partir de 1918, l'effondrement
de l'Empire ottoman ouvra la voie à
l'indépendance du Yémen, dont l'imam
Yahia devient roi, conformément au
traité de Lausanne de 1923, et exige
le départ des Anglais, qui contrôlent
toujours le sud du pays.
LE YÉMEN DU NORD,
DE LA MONARCHIE À LA RÉPUBLIQUE
• Depuis le Nord, l'imam Yahia tente
en vain de restaurer l'unité du pays.
En guerre avec les Saoudiens pour I'Assir,
il doit leur céder cette région en 1934
au terme du traité de Taïf.
Il a aussi
dû signer un traité avec l'Angleterre,
au terme duquel Sanaa renonce à
toute revendication sur le sud pendant
40 ans.
li tentera pourtant jusqu'en
1940 de tirer parti des rivalités entre
les puissances occidentales dans
la mer Rouge, et signe même un traité
d'amitié avec l'URSS et la France.
• En 1948, l'imam Yahia est assassiné,
mais son fils
Ahmad prend
le pouvoir.
Il tente une
politique
d'ouverture et de
modernisation
dans un pays
qui
passe pour obscurantiste et replié
sur lui-même.
Dans le même temps,
au Yémen du Sud, des grèves répétées
à Aden traduisent l'exaspération de
la population face à la domination
britannique qui tend à s'installer
dans la durée, avec la création d'une
Fédération d'Arabie du Sud (1962),
à laquelle Aden adhère en 1963.
• En 1962, à la mort de l'imam Ahmad,
1-------------""""------------_, un
groupe d'officiers soutenus par
AUX SOURCES DE LA RICHESSE.
DE L'ENCENS AU CAFÉ
• Depuis la plus haute Antiquité,
le Yémen a dû sa fortune à sa terre,
aride mais généreuse quand elle
est fertilisée par une irrigation
dans laquelle les Yéménites étaient
passés maîtres, comme l'atteste
le barrage de Marib.
• Mais plus que ses oasis, ce sont
l'encens, la myrrhe, la cannelle,
et autres aromates et parfums rares
qui ne se trouvaient que dans
ces contrées qui contribuèrent
à la grande prospérité du Yémen,
inscrite dans la somptueuse
architecture de Sanaa, dont les
hautes maisons, décorées de motifs
géométriques et d'arabesques,
rivalisent d'originalité.
• Les civilisations grecque et
égyptienne, puis romaine, étaient
très demandeuses de ces produits
utilisés dans les rites religieux et
la médecine qui ont alimenté un
commerce caravanier trés actif.
Sur la route de l'encens, tracée
en bordure du désert évitant les reliefs, transitaient
aussi les richesses
de l'Inde, désignant le Yémen
comme une plaque tournante
du commerce entre l'Orient
et l'Occident.
• Le Yémen retrouvera cette
vocation grâce au café, dont la culture
et le commerce furent développés
au XVI' siècle.
Le commerce du café,
via le port de Moka, sur la mer
Rouge, enrichit le Yémen, qui est
alors courtisé par les puissances
occidentales, dont la France.
• Deux frégates envoyées par
Louis XIV débarquent en 1708
au Yémen pour négocier le prix
du café.
En 1737, la marine française
bombarde Moka pour punir
les marchands yéménites de ne pas
avoir tenu leurs engagements
commerciaux sur le café.
Moka
commence à décliner, mais le littoral
yéménite ne tarde pas à susciter
la convoitise des Anglais, qui
en font au XIX' siècle une étape
majeure sur la route des Indes.
l'Égypte
renverse son successeur
pour proclamer la République arabe
du Yémen, contraignant les royalistes
à se réfugier plus au nord où ils
prennent les armes (guerre civile),
avec l'aide des Saoudiens, contre
les républicains.
LE YÉMEN DU SuD, UNE DÉCOLONISATION
AUX ACCENTS MARXISTES
• En 1963, le mouvement marxiste
se renforce au Yémen du Sud où un an
après la création du parti socialiste,
se constitue un Front de libération
national (FNL), qui déclenche la lutte
armée contre l'occupant britannique
et tient un congrès au Yémen du Nord
en 1966.
�ONU adopte une résolution en
vue de l'autodétermination
de l'Arabie du Sud.
• En 1967, alors que l'armée égyptienne
se désengage du Yémen du Nord
au terme du sommet de Khartoum,
les Britanniques quittent Aden,
où est proclamée la République
démocratique du Yémen (novembre).
INSTABILITÉ AU NORD ET AU SUD
• En 1967, au nord, le colonel Sallal
qui assumait la présidence doit céder
la place à un Conseil républicain
présidé par le cadi Al-lryani, et le conflit
avec les royalistes prend fin en 1969.
Une nouvelle Constitution est
promulguée l'année suivante, favorable
aux puissances occidentales et un traité
est signé avec Riyad.
Le Sud, désormais
indépendant, choisit une tout autre
voie : après les luttes d'influence entre
marxistes, nassériens et progressistes,
l'aile gauche du FNL l'emporte en 1968.
• Les désaccords entre les deux Yémens
dégénèrent en un conflit frontalier
en septembre-octobre 1972, qui
se termine par un accord de principe
en vue d'une réunification.
• En 1978, Ali Abdallah Saleh accède
f à
la présidence
du Nord, après
l'assassinat
de ses deux
prédécesseurs.
Ce climat
de violence
provoque la
-ii�!J;��� rupture des
relations
diplomatiques avec le Sud, où les
ultra-marxistes s'installent au pouvoir
après l'assassinat du président Salim
Ali Rou baya.
ENTRE L'EST ET L'O UEST
• En mars 1979, la guerre éclate
à nouveau entre le Nord et le Sud,
qui se conclut par un nouvel accord
d'unification.
Tandis qu'Aden signe
un traité d'amitié et de coopération
avec l'URSS, au Nord, le président
Saleh mène une habile politique
visant à maintenir l'équilibre entre
conservateurs et progressistes à
l'intérieur, et à l'extérieur dans ses
relations avec l'Ouest et l'Est, en faisant
même appel
à l'aide militaire
soviétique en
1980.
En 1983,
il réussi� grâce
à la médiation
d'Aden, à faire
déposer les
armes aux
maquisards
du Front national démocratique (FND).
• Si le Nord connaît la stabilité sous
la présidence de Saleh, réélu en 1983
et en 1988, le gouvernement d'Aden
est en butte en 1986 à une crise grave
qui dégénère en un conflit sanglant
(10 ooo morts en une semaine),
au terme duquel l'extrême-gauche
place à la présidence d'un pays ruiné
Abou Bakr AI-Attas, auquel succédera
Ali Salem AI-Bid.
• La politique de rapprochement
se poursuit néanmoins avec le Yémen
du Nord, sous la pression de Moscou,
aboutissant le 30 novembre 1989
à un accord en vue de l'unification.
Alors que l'URSS est en voie de
désintégration, le Sud demande
la réunification avec le Nord.
LE
YÉMEN RÉUNIFI É
UNE RÉUNIFICATION DOULOUREUSE
• Le 22 mai 1990, la réunification
des deux Yémens en une seule
république est proclamée par
les deux présidents.
• Mais la greffe prend difficilement,
malgré l'adoption par référendum
d'une Constitution libérale et
démocratique le 15 mai 1991,
même si le Parti socialiste yéménite
(PSY) et le Congrès général populaire
(CGP) qui dominent la vie politique
respectivement au Sud et au Nord,
se sont partagé le pouvoir jusqu'aux
législatives de 1993.
• Les idéologies étant incompatibles,
les administrations ne peuvent fusionner
et le gouvernement ne parvient
pas à imposer son administration
à la société tribale du Nord.
• Les législatives qui se déroulent
le 27 avril 1993 dans un climat de
violence confirment la prééminence
du CGP et du PSY, qui dominent le
Parlement, avec le Rassemblement
yéménite pour la réforme (islamiste).
Mais le Sud, moins peuplé, se sent
laissé pour compte, et son leader,
Ali Salem ai-Bid, vice-président du
Yémen, tente une politique séparatiste
qui aboutit à une déclaration
d'indépendance en mai 1994.
• La guerre civile ne dure qu'un mois.
En juillet 1994, les troupes nordistes
entrent à Aden dont elles chassent les
dirigeants sudistes.
Le 29 septembre
1994, Saleh est élu président
du Yémen unifié.
DE NOUVEAUX DÉFIS
• Après une grave crise politique,
le président Saleh est réélu au
suffrage universel en septembre 1999
et engage le pays sur la voie d'une
timide ouverture et modernisation,
compromise par la montée en
puissance de l'islamisme.
Si le pays
s'était tenu à l'écart de la guerre du
Golfe en 1991, il n'a pas été épargné
par la « guerre contre le terrorisme »,
comme en témoignent les attentats
contre le destroyer américain
USS Cole à Aden et l'ambassade
britannique de Sanaa en octobre 2000.
Un pétrolier français, le Limburg,
est aussi la cible d'un attentat terroriste
au large du Yémen en 2002.
• Sous la pression des Américains
et des Saoudiens, le président Saleh
apporte sa contribution à la «guerre
contre le terrorisme» en durcissant
la chasse aux islamistes tout en
poursuivant sa campagne en vue
de mettre au pas les chefs de tribus,
qui procèdent régulièrement à
des prises d'otages contre rançons.
• Dans un pays dépourvu de
richesses, Saleh a également engagé
une lutte contre la pauvreté tout
en proclamant avec fierté son
appartenance au monde arabe,
dont Sanaa a été désignée capitale
culturelle en 2004..
»
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