Histoire du Cameroun: Du rio dos Camarôes à la république du Cameroun
Publié le 20/11/2018
Extrait du document

UNE TRIPLE COLONISATION
Bordé par le golfe de Guinée, sur la côte atlantique, le Cameroun est un État d'Afrique centrale voisin du Nigeria, du Tchad, de la République centrafricaine, du Congo, du Gabon et de la Guinée équatoriale. L’histoire de ce pays de plus de 15 millions d'habitants répartis en environ 200 ethnies est celle d’une triple colonisation qui a forgé sa singularité : allemande d'abord, puis, à partir de 1916, conjointement française et anglaise. Depuis son indépendance, acquise en 1960, le Cameroun poursuit un double dessein : d'une part, créer les conditions d'une réelle unité nationale dans un pays où les clivages (ethniques, linguistiques, économiques, religieux) hérités du cadre colonial restent un facteur d'instabilité ; d'autre part, parvenir à installer un régime réellement démocratique, sachant que seuls deux hommes, Ahmadou Ahidjo puis Paul Biya, ont gouverné depuis plus de quatre décennies. Reste que, dans un continent africain déchiré par les guerres depuis la décolonisation, le Cameroun apparaît comme un État relativement développé et prospère.
Les Portugais découvrent le Cameroun Traite négrière et commerce de l'ivoire et des bois précieux Établissement du protectorat allemand Conquête du Cameroun par la France et l'Angleterre Mandat de la SON; partage du pays en deux zones Proclamation de l'indépendance Référendum au Cameroun britannique Fin du fédéralisme Exil du président Ahidjo Instauration du multipartisme
Réélection de Paul Biya
La situation évolue au cours du XIXe siècle. Des négociants britanniques créent les premiers comptoirs commerciaux permanents sur la côte du Cameroun, nouant des relations privilégiées avec les autochtones. Dans le sillage des marchands débarquent les premiers missionnaires de la Baptist Missionary Society, qui ouvrent des écoles et des dispensaires, se lancent dans une entreprise d'évangélisation des populations. Le révérend Alfred Saker se charge de traduire la Bible en langue douala et forme des pasteurs camerounais. Les missionnaires militent ardemment pour l'abolition de la traite négrière, qui devient effective en 1852. Parallèlement, des explorateurs soutenus par l'African Society s'enfoncent dans l'intérieur des terres.
De fait, au milieu du XIXe siècle, la Grande-Bretagne considère le Cameroun comme partie intégrante de sa zone d'influence.
Cependant, bien que pressée par les négociants britanniques installés dans le pays, la reine Victoria ne se résout pas immédiatement à conclure un traité d'alliance avec les chefs indigènes. Ces atermoiements coûteront le Cameroun aux Anglais.
LE PROTECTORAT ALLEMAND
Les Allemands devancent les Britanniques
Les sujets de Sa Gracieuse Majesté ne restent pas longtemps les seuls Européens présents sur les côtes camerounaises. À cette époque, qui marque les débuts de l'exploration du continent africain, des Allemands se lancent eux aussi dans l’aventure : Heinrich Barth visite le nord du Cameroun entre 1849 et 1855 ; venu du nord, Gustav Nachtigal atteint le lac Tchad en 1861. Mais des explorateurs français et anglais parcourent également la région. Dans le même temps, la firme Woermann de Hambourg installe une maison de commerce à Douala en 1868, ouvrant le pays au négoce allemand. Bientôt, les représentants de Woermann, décidés à éliminer leurs

«
s'est
cependant appuyée sur des
méthodes brutales: la soumission au
travail forcé, le recours à l'expropriation
massive de populations, l'autoritarisme
du gouvernement colonial sont autant
de facteurs qui entraînent la défiance
des autochtones, à des degrés divers
selon les ethnies.
La conquête de l'ensemble du territoire
ne s'effectue pas sans résistances.
À partir de Dou tllll, des expéditions
militaires s'enfoncent progressivement
dans l'intérieur du continent; dès 1887,
les Allemands s'établissent en pays
ewondo et fondent la ville de Yaoundé,
future capitale.
Mais la pénétration
en direction du Tchad sera plus
laborieuse.
Le lac Tchad n'est atteint
qu'en 1902, et la mise en valeur
de cette région se heurte à bien des
difficultés.
À la veille de la Première
Guerre mondiale, le Cameroun n'est
pas totalement pacifié.
L'ACCORD FIANCG-GUMANIQUE DE 1911
En 1911, des tensions opposent Français
et Allemands au sujet du Maroc.
Le dénouement de la crise profite par
ricochet au Cameroun: en échange
de sa liberté d'action dans le royaume
chérifien, la France cède à l'Allemagne
un vaste territoire pris sur le Congo, qui
étend les frontières de la colonie à l'est
Par ailleurs, deux ans plus tard,
un accord germano-britannique fixe
les lrolttUns entre le Cameroun
et le Nigeria voisin.
LE DOUBLE MANDAT
DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
FIANÇAIS ET ANGLAIS
CONQUIÈRENT LE CAMEROUN
La Première Guerre mondiale aura des
répercussions directes sur le Cameroun.
Décidés à neutraliser les troupes
allemandes qui y stationnent les Alliés
se lancent à l'assaut du pays dès
août 1914.
Mais les Allemands résistent
opiniâtrement.
Yaoundé n'est prise
qu'au début de 1916.
Deux mois plus
tard, la garnison retranchée dans la ville
de Mora se rend avec les honneurs
après avoir résisté à un siège de plus
de dix-huit mois.
Dès lors, la colonie est
aux mains des Français et des Anglais.
En 1919, le Y!..!r'll!l!:!l!�qjl!ll tr11ité de
Ve i'SII illes
entérine
la conquête
de l'ancienne
colonie
allemande.
Le Cameroun est
placé sous mandat international
de la Société des Nations nouvellement
créée.
Celle-ci partage le pays en deux
zones, confiées respectivement
à la France et à l'Angleterre.
Dans les faits, la France obtient
la majorité du territoire (les quatre
cinquièmes, avec 2 millions
d'habitants), qui recouvre ses frontières
d'avant 1911; la partie annexée alors
est rétrocédée au Congo, possession
de l'Afrique-Équatoriale française.
L'Angleterre, elle, se réserve
simplement deux étroites bandes
de terre à la frontière avec le Nigeria
(colonie britannique), l'une au sud,
mordant sur le pays bamiléké, l'autre
au nord, essentiellement peuplée
de Peuls.
Le Cameroun britannique sera
administré de manière indirecte, par
l'intermédiaire des chefs locaux, avant
d'être rattaché au Nigeria en 1922.
LA COLONISATION
FRANÇAISE
LA POURSUITf
DU DMLOPPEMENT DU PAYS
Les Frllllfllis poursuivent l'œuvre
économique et sociale entamée par
les Allemands, en mettant en place
un système d'administration directe.
Dès 1923, un grand programme
d'équipement est initié: le réseau
ferré est étendu, de nouvelles routes
sont construites, des aérodromes
sont aménagés.
Ce maillage du territoire favorise l'essor
de nouvelles plantations.
La culture
du cacao, du calé, des bananes est
encouragée.
Pour mener à bien ces
grands travaux, le colonisateur, faute
de main-d'œuvre volontaire en nombre
suffisant, rétablit le recrutement
obligatoire (avatar du travail forcé mis
en place par les Allemands).
Celui-ci
est néanmoins compensé par une
importante œuvre sociale.
Rdèle à ses principes en matière
coloniale, la France développe
une politiq ue d'assimilation des
populations: création d'écoles
publiques, promotion de la langue
et de l'enseignement français aux
dépens des langues locales ...
Sur
le plan sanitaire, des progrès
se font sentir grâce
en particulier
au médecin militaire
Eugéne l11mot,
qui parvient
à éradiquer
la maladie
du sommeil au Cameroun.
Par ailleurs,
l'administration favorise l'émergence
d'une classe de planteurs indigènes.
lE CAMEROUN SE RALLIE
A LA fiANCE UBU
En août 1940, le génér11/ Lederc, à
la tête d'un petit corps expéditionnaire,
débarque à Douala et parvient
à convaincre les autorités de la colonie
de rejoindre le général de Gaulle.
Le Cameroun est ainsi un des premiers
territoires d'outre-mer à se rallier
à la France libre.
En 1945, l'ONU, qui a pris le relais de
la SDN, place le Cameroun sous régime
de tutelle, un statut qui remplace
les anciens mandats et impose aux
autorités administrantes de préparer
l'indépendance des territoires
concernés.
La partie française intègre
l'Union française, créée en 1946, tandis
que la partie sous administration
britannique reste rattachée au Nigeria.
L'APIIÈS-GUUU: ENTIE INTtGIATION
ET REVENDICATIONS INDÉPENDANTISTES
A la fin de la Seconde Guerre mondiale,
la métropole développe une politique
d'intégration de ses colonies au sein
de la République.
Deux députés
camerounais siègent à l'Assemblée
nationale française et le pays
se dote dlnstitutions représentatives.
Cette ouverture n'empêche
pas l'émergence de revendications
indépendantistes.
Ce nationalisme
s'incarne dans l'Union des populations
camerounaises (UPC), qui réclame à la
fois l'indépendance et la réunification
du pays.
D'abord toléré, ce parti est
interdit en 1955 après les violentes
émeutes antifrançaises de Douala, au
cours desquelles Um Nyobé, son
fondateur, trouve la mort.
l'UPC s'engage alors dans l'action
clandestine, faisant régner un climat
de tensions.
Créée en 1957 par Ahmadou
Ahidjo, l'Union camerounaise devient
le principal parti indépendantiste.
L1NitPENDMCE
0 L'UNnt NA1IOfWE
LA PROCLAMATION DE L'INDÉPENDANCE
En 1958, le Cameroun, comme tous les
pays de l'Afrique francophone, obtient
l'autonomie interne dans le cadre
de l'Union française.
Puis il décide
de rompre tout lien avec la métropole
en proclamant son lntNpendt�nce,
le 1" janvier 1960, date à laquelle il est
mis fin au
régime de
tutelle française.
Ahm11dou
Ahidjo devient
le premier
président
de la République.
Afin d'asseoir
son autorité, le nouveau chef de l'État,
Peul musulman du Nord, engage la
lutte contre les maquis de I'UPC,
opposés au centralisme de Yaoundé
et installés principalement dans le sud
ouest du pays, où domine l'ethnie
chrétienne bamiléké.
L'ÉVOLUTION DU CAMEROUN ANGLOPHONE
En 1960, le Nigeria accède lui aussi
à l'indépendance.
Se pose dès lors le
problème de la place des anciens
territoires camerounais que
le colonisateur britannique avait
incorporés à la fédération nigériane.
En 1961, un référendum
d'autodétermination est organisé dans
les deux régions concernées: le Nord,
majoritairement musulman, choisit
de rester au sein du Nigeria, tandis que
le Sud, aux populations chrétiennes
et animistes, se prononce en faveur
du rattachement au Cameroun.
Augmenté de cette province
(1" octobre 1961), le nouvel État
se constitue en république fédérale afin
de respecter les particularismes entre
les deux entités.
Mais la quête d'une
unité nationale demeure difficile,
tant le pays est traversé de multiples
clivages: entre francophones
et anglophones bien sûr, mais
également entre le Nord musulman
et conservateur et le Sud et l'Ouest
chrétiens et dynamiques, sans compter
les oppositions ancestrales entre
ethnies et la contestation des partisans
de I'UPC.
Du FÎDÉRALISME A LA RÉPUBLIQUE UNIE
Au cours des années 1960, la présidence
d'Ahidjo dérive progressivement vers
l'autoritarisme.
Après avoir réprimé
par les armes la rébellion de I'UPC,
il impose en 1966 le parti unique:
les principaux partis politiques sont
contraints de fusionner au sein de la
seule Union nationale camerounaise
(UNC).
Cette étape prélude à la fin du
fédéralisme: en 1972, un référendum
établit la République unie du Cameroun,
dont le caractère biculturel est
néanmoins reconnu.
Sur le plan
extérieur, le Cameroun se radicalise
et se rapproche de la Chine dans
les années 1970.
LA DIFFICILE
DÉ MOCRATISATION
DU RÉCIME
PAUL BIYA SUCCÉDE A AHMADOU AHIDJO
En 1982, Ahmadou Ahidjo, malade,
démissionne de la présidence.
Il choisit
pour successeur
son Premier
ministre, l'liu/
Biy11, un chrétien
du Sud, et décide
de conserver la
direction de I'UNC.
amis de quinze ans ne dure guère: très
vite, Biya se débarrasse des proches de
l'ex-président et le contraint à l'exil.
Le
nouveau maitre du pays entreprend
une politique de «renouveau», mais
promulgue une nouvelle Constitution
qui établit un régime présidentiel fort
en supprimant la fonction de Premier
ministre.
À cette occasion, le pays
est rebaptisé république du Cameroun.
En 1984, une tentative de putsch
perpétrée par des anciens fidèles
d'Ahidjo échoue de justesse.
La répression est sanglante.
TROUBLES POLITIQUES
ET TINSIONS INTIRCOMMUNAUTAIIES
L'ouverture voulue par la présidence
demeure théorique.
En 1990, le refus
de légaliser un parti anglophone
déclenche des émeutes dans le nord
du pays.
À cela s'ajoute une grave
crise économique qui mécontente
toute la population.
Une grève générale
à Douala est violemment réprimée
par l'armée.
Des affrontements
interethniques se font jour.
Sous la pression populaire, le pouvoir
consent à instaurer le multipartisme,
mais refuse de convoquer une
conférence nationale sur l'avenir des
institutions.
Aussi l'opposition boycotte
t-elle les élections de 1992, consacrant
la victoire du Rassemblement
démocratique du peuple camerounais
(RDPC, ex-UNC).
Paul Biya est réélu
à la présidence au cours d'un scrutin
entaché d'irrégularités.
L'état d'urgence
est déclaré pour éviter tout
débordement.
Depuis, les élections
multipartites ont toutes confirmé
l'hégémonie du RDPC.
UNE DÉMOCRATISATION ENCORE FIACILE
Indéniables avancées démocratiques,
la lin du parti unique et l'introduction
du multipartisme ne doivent pas
masquer le long chemin à parcourir
vers un véritable État de droit.
La réélection de Paul Biya en 2004
a encore été marquée par des fraudes
massives.
La corruption gangrène
l'appareil étatique.
Les anglophones
se considèrent à bien des égards
comme des citoyens de seconde zone,
ce qui alimente les risques de
séparatisme des anciens districts
sous tutelle britannique.
La persistance de ces tensions
obère l'avenir du Cameroun, qui,
par sa position géographique
au centre du continent, sa double
culture anglaise et française,
son niveau de développemen�
la richesse de son sol et de son
sous-sol (mines, mais aussi pétrole
et gaz naturel), dispose pourtant
d'atouts non négligeables comparé
à bien d'autres États africains.
AHMADOU AHIDJO, LE PliSIDENT DiCHU
Le paradoxe veut que, dans un pays
où les ethnies chrétiennes du Sud
et de l'Ouest ont été le vivier des élites
nationales, le premier président
de la République ait été un musulman
issu d'une tribu du Nord, les Peuls.
Né à Garoua en 1924, �
AMfo est
télégraphiste avant
de s'engager dans
l'action politique.
Élu à l'Assemblée
représentative
du Cameroun,
il doit faire face
à la défiance de
l'administration coloniale en raison
de ses convictions nationalistes, ce qui
l'empêche d'être élu au Parlement
français.
Il est élu président de la
République en mai 1960.
Fondateur
de l'Union nationale camerounaise
en 1966, il reste au pouvoir sans
discontinuité jusqu'en 1982.
Il désigne
alors son successeur, Paul Biya, mais
ce dernier se détourne de lui et le
contraint à l'exil.
Prétextant un complot
(1984), ille fait juger par contumace
et condamner à mort.
Ahidjo
ne reverra jamais son pays: d'abord
réfugié en France, il slnstalle ensu�e
au Sénégal, où il décède en 1989..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Du rio dos Camarôes à la république du Cameroun (Travaux Personnels Encadrés – HISTOIRE & CIVILISATION)
- DM histoire 1ère République: dans quelle mesure n’y a-t-il pas une volonté de celui qui se proclamera prince-président de rétablir un régime autoritaire ?
- MÉMOIRES SECRETS POUR SERVIR A L’HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES de Louis Petit de Bachaumont
- Ancienne colonie espagnole d'Amérique du Sud ayant acquis son indépendance en 1830, de peuplement indien et européen largement métissé, le Venezuela est un pays dont l'histoire fut ponctuée de dictatures militaires et qui est devenu une république parlementaire en 1961.
- Histoire de la Revolution française, IX Lafond-Ladebat, à cause, non de leur culpabilité, car ils étaient sincèrement attachés à la république, mais de leur influence dans le conseil des anciens; enfin Brottier et Laville-Heurnois, à cause de leur conspiration.