Histoire de La Turquie: Une république autoritaire et laïque à l'épreuve de l'islamisme
Publié le 18/11/2018
Extrait du document
ENTRE EMPIRE OTTOMAN ET UNION EUROPEENNE
La Turquie contemporaine est née de la Première Guerre mondiale. Le traité de Sèvres (10 août 1920) entérine le partage de l'Empire ottoman. Le conflit avec la Grèce qui s'ensuit voit l'émergence d'un mouvement nationaliste dirigé par Mustapha Kemal. Le sultanat est aboli le 5 novembre 1922. Le traité de Lausanne (24 juillet 1923) annule les dispositions du traité de Sèvres et consacre la naissance d'une république turque dirigée par Mustapha Kemal, qui fait figure d'homme providentiel. Celui-ci peut désormais mettre en œuvre les réformes qui vont transformer la Turquie en un État républicain et laïque. Cet héritage est encore très présent aujourd'hui, à l'heure où la Turquie souhaite intégrer l'Union européenne.
L'ÈRE KÉMALISTE (1923-1938)
• La République de Turquie est proclamée le 29 octobre 1923. Mustapha Kemal, son fondateur, remplit les fonctions de président de la République, de l'Assemblée nationale et du Parti républicain du peuple (PRP) et de chef de l'armée.
• La capitale est fixée à Ankara, afin de rompre avec le passé ottoman et le rôle prépondérant d'Istanbul.
Un programme «évolutionnaire
• Mustapha Kemal entreprend de réformer la Turquie sous l'influence de la philosophie des Lumières.
Il affirme sa volonté d'occidentaliser et de moderniser la société turque par le biais d'une révolution nationale.
• La nouvelle Constitution est adoptée le 30 avril 1924. Le pouvoir est confié à la Grande Assemblée nationale qui est élue au suffrage universel pour quatre ans. Elle élit le président pour un mandat de quatre ans.
• Le programme du PRP est symbolisé par les six flèches de son emblème : républicanisme, populisme, étatisme, révolutionnarisme, nationalisme et laïcité.
La laïcisation
• Le califat, autorité suprême de l'islam en Turquie, est aboli le 3 mars 1924. Le cheikh ul-lslam devient le président des Affaires religieuses.
• Les premières lois visant à la laïcisation de l’État et de la société suivent en 1925 : le port du fez
- qui permet aux hommes de frapper le sol du front pendant la prière -est interdit, de même que le port du voile pour les femmes ; les confréries religieuses et les ordres de derviches
sont dissous ; les écoles religieuses et les lieux de pèlerinage sont fermés ; les titres d’uléma, d'imam, de mollah et de mufti sont supprimés ; le port du turban est prohibé. Une école gratuite, laïque et obligatoire est mise en place.
• Dès 1926, la loi coranique est remplacée par une législation civile inspirée par divers codes européens comme le code civil suisse, le code criminel français, le code pénal italien et le code commercial allemand.
• En avril 1928, l'islam n'est plus considéré comme une religion d'État.
Proclamation de la république Victoire électorale du Parti démocrate Adhésion à l'OTAN Coup d'État militaire Süleyman Demirel Premier ministre Coup d'État militaire Bülent Ecevit Premier ministre Coup d'État militaire Turgut Ozal Premier ministre Recep Tayyip Erdogan Premier ministre Ouverture des négociations d'adhésion à l'UE
LA QUESTION DES MINORITÉS
• L'État turc a fortement réprimé, au cours du xx' siècle, les importantes minorités kurde, grecque et arménienne vivant sur son territoire. Les peuples kurdes et arméniens sont présents dans plusieurs pays de la région. Le premier n'a pas d'État propre. Ankara a toujours craint que les revendications indépendantistes de certaines organisations kurdes ou arméniennes ne portent atteinte à l'intégrité nationale. En retour, l'intransigeance de l’État turc
a scellé contre lui nombre de Kurdes et Arméniens victimes de discriminations manifestes.
• Le « génocide arménien » provoqué par la déportation massive de populations vers les provinces méridionales par les autorités ottomanes en 1915 constitue aujourd'hui encore une question sensible. Ankara en nie l’étendue - qui s'évalue en centaines de milliers de morts.
• L'Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie (ASALA), créée en 1975, lutte pour la reconnaissance du génocide et l'unification de la nation arménienne
«
•
Au cours de ces années, l'économie
connaît un essor rapide.
La mise en
œuvre des théories libérales et l'aide
financière massive des États-Unis
contribuent à ce développement.
l'agriculture se modernise et les
investissements étrangers affluent.
• Toutefois, la dérive du régime vers
un pouvoir personnel et les menaces
que celui-ci fait peser sur la laïcité
créent les conditions d'un renforcement
de l'opposition.
'ALTEIUWKE AU POUVOIR
ES MIUTAIIES ET
ESCMLS(Itii-IMI) émaillent
l'année 1970 et les premiers
mois de 1971.
La dévaluation de la livre
turque provoque une forte augmentation
du coût de la vie.
Ces circonstances
accélèrent l'émigration massives
de Turcs vers l'Allemagne.
lE COUP D'ÉTAT MILITAIRE DE 1971 d'austérité
accroît la pénurie et la
pauvreté de la population.
C'est dans ce
contexte de crise que l'armée intervient
une nouvelle fois dans le jeu politique.
LA TURQUIE D'AUJOURD 'HUI
(DEPUIS 1980)
• Face aux désordres, les militaires •
En septembre 1980, une junte
imposent de nouveau leur loi.
En militaire
mars 1971, l'armée prend le pouvoir dirigée
par
et remplace Süleyman Demirel à la tête le
général
du gouvernement par le populiste Kenan
Evren
Nihat Erim.
Très autoritaire, le nouveau s'empare
régime adopte des mesures visant à du
pouvoir
encadrer strictement l'activité des partis par
la force.
politiques et des syndicats et réprime l'armée
LE PUTSCH KÉMALISTE DE 1960 sévèrement
les agissements de restaure
l'ordre
• les menées de plus en plus actives l'opposition
de gauche.
l'état de siège aux
dépens
de l'opposition associées aux effets est imposé sur une partie du territoire.
de
la démocratie.
Le Parlement est
d'une grave crise financière entraînent Des
centaines de militants et dissous
et la Constitution suspendue ;
l'intervention de l'armée qui prend d'intellectuels
sont emprisonnés.
de
nombreuses personnalités politiques
le pouvoir par la force en mai 1960.
•
Les élections dont
Bülent Ecevit et Süleyman Demirel
À la tête d'un Comité d'union nationale législatives
sont inquiétées ; les activités politiques
de tendance kémaliste, le général d'octobre
et
syndicales sont interdites ; la presse
Cemal Gürsel renverse le 1973
sont est
censurée ; les mouvements de
gouvernement et fait emprisonner remportées
gauche
sont réprimés.
Le général Evren
à vie le président Celai Bayar et par
le PRP de devient
chef de l'État et l'amiral Bülent
réprimer les anciens dirigeants.
Le Bülent
Ecevit, Usulu est nommé Premier ministre.
Premier ministre Adnan Menderes et qui devient
•
En 1982, le régime du général Evren
deux de ses ministres, Hasan Polatkan Premier
fait
approuver par référendum une
et Fatin Rütü Zorlu, seront condamnés ministre.
nouvelle
Constitution qui renforce
à mort et exécutés en septembre 1961.
•
En juillet 1974, les forces turques le
pouvoir exécutif.
Celui-ci demeure
• Le coup d'État est soutenu à la fois interviennent
à Chypre à la suite du sous
le contrôle du Conseil national
par l'opposition de gauche et renversement
du régime de Mgr Makarios de sécurité, qui représente l'armée.
la bourgeoisie d'affaires.
sur
une initiative grecque.
le
président de la République est élu
• Les élections législatives de janvier
• Durant les années 1970, Süleyman par
les députés pour un mandat de
1961 sont remportées par le PRP
Demirel et Bülent Ecevit se succèdent
sept ans.
Il nomme le Premier ministre.
kémaliste.
lsmet lnônü est nommé à à
la tête de gouvernements bâtis sur des Une Assemblée nationale unique
la tête d'un gouvernement de coalition.
coalitions instables, sur fond de crise
de 450 membres dispose du pouvoir
• En juillet est adoptée par référendum
politique et économique, d'agitations législatif.
Cette Constitution sera
une nouvelle Constitution qui
sociales et de violences terroristes.
amendée en 1987 et 1995 dans le but
reconnaît le droit de grève et garantit La
crise financière s'accentue.
La livre de
la rendre plus démocratique.
les libertés d'expression, de réunion turque
est dévaluée douze fois entre • l'alliance des militaires et des
et d'association.
mai 1974 et janvier 1981.
la politique islamistes
contre la gauche est à
• Deux coups d'État militaire sont
l'origine d'un tournant décisif dans
déjoués, en février 1962 et en mai 1963.
�-----------�
la société turque.
La Constitution
• En septembre 1963, la Turquie
LA TURQUIE ET CHYPRE
de 1982 rend ainsi l'enseignement
signe un accord d'association coranique
obligatoire dans les écoles
avec la Communauté économique et
les collèges publics.
Les écoles
européenne (CEE).
religieuses
se multiplient
LE PARTI DE LA JUSTICE AU POUVOIR
• le Parti de la justice, héritier du Parti
démocrate, remporte les élections
--�----, législatives
d'octobre 1965
Premier ministre.
En mars 1966,
le général
Cevdet Sunay devient chef de l'État.
• La politique économique du régime
de Süleyman Demirel favorise le
développement de l'activité grâce
notamment à l'encouragement
des investissements étrangers.
Les pratiques religieuses sont
réhabilitées.
En politique étrangère,
le pouvoir renforce son alliance avec
les États-Unis et l'Europe occidentale
tout en maintenant des relations
cordiales avec l'URSS et les pays arabes.
• l'opposition de gauche et les
mouvements syndicaux se renforcent.
1968 est une année d'intense agitation
ouvrière et étudiante.
Toutefois,
le Parti de la justice remporte les
élections législatives d'octobre 1969.
• De violentes émeutes, alimentées par
une crise économique et financière, •
l.'a l'lltH turque occupe le tiers
septentrional de l'île de Chypre
en juillet 1974.
Ankara riposte ainsi
à un coup d'État inspiré par Athènes,
survenu quelques jours plus tô� qui
a mis fin au régime de Mgr Makarios.
Les opérations militaires durent
un mois.
Des troupes de l'ONU
s'interposent entre les belligérants.
L' île est séparée en deux par
la ligne verte.
• En février 1975, Ankara instaure
une République turque de Chypre
du Nord que la Turquie est
le seul État à reconnaître.
• En avril 2004, un plan de réunification
de l'île est soumis à référendum.
Le processus est accepté par les
électeurs de la partie turque, mais
rejeté par les Chypriotes grecs.
• La République de Chypre (partie
grecque) est membre de l'Union
européenne depuis mai 2004.
les négociations en vue de l'adhésion
de la Turquie à l'Union doivent
faciliter la réunification de 111e.
•
Les élections législatives de novembre
1983 sont remportées par le Parti de
la mère patrie (Anap) de Turgut Ozal
qui forme un gouvernement civil.
Celui-ci met en place une politique
économique libérale, lançant
notamment un vaste programme
de privatisations.
Il accroît également
les relations économiques avec les
pays du Moyen-Orient.
La vie politique
se normalise et le pays fait son retour
au sein de la communauté internationale.
• l'Anap remporte les élections
législatives en novembre 1987.
Turgut
Ozal est élu prèsident de la république
en novembre 1989 : il est le premier
civil à exercer cette fonction depuis
Celai Bayar en 1960.
Toutefois,
son parti perd les élections législatives
d'octobre 1991 au profit d'une coalition
formée du Parti de la juste voie (DYP)
de Süleyman Demirel et du Parti
social-démocrate d'Erdallnônü.
• Süleyman Demirel est élu président de
la République en mai 1993.
Le Premier ministre est une femme,
Tansu Çiller.
les problèmes
économiques, les attentats du Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK)
et la montée de l'Islamisme sont
les principales difficultés rencontrées
par son gouvernement.
• Les élections municipales de mars
1994 marquent un tournant dans
la vie politique du pays.
les islamistes
fondamentalistes du Parti de la
prospérité -ou Refah -remportent
le scrutin à Istanbul et dans vingt-huit
chefs-lieux.
• Dans la seconde partie des années
1990, la succession au pouvoir de
Tans.u Çiller, du DYP, et Mes.ut
Yilmaz, de I'Anap, est interrompue
par l'accession à ce poste de
Necmettin Erbakan, le chef du Refah,
entre juillet 1996 et juin 1997.
Celui-ci
forme une coalition avec le DYP.
C'est la première fois, dans l'histoire
moderne de la Turquie, que les
religieux participent à un
gouvernement.
Il démissionne
sous la pression de l'armée.
• Le parti Refah est dissous en
février 1998 pour atteinte à la laïcité
de l'État à la suite de propos incitant
à la haine religieuse tenus par un
de ses dirigeants, le maire d'Istanbul
Recep Tayyip Erdogan.
Le Refah
est aussitôt remplacé par le Parti
de la vertu ou Fazilet.
• En janvier 1999, Bülent Ecevi� chef
du Parti de la gauche démocratique,
remplace Mesut Yilmaz à la tête
du gouvernement.
• Trois mois plus tard, le Fazilet
talonne le Parti de la gauche
démocratique lors des élections
législatives.
le DYP et I'Anap
enregistrent de très mauvais scores.
• Le tournant des années 1990-2000
est marqué par une crise économique
et financière de grande ampleur qui
oblige le gouvernement a appliquer
un programme d'austérité draconien
sous le contrôle des instances
financières internationales.
• En mai 2000, Ahmet Necdet Sezer
est élu président de la République.
Il s'affirme partisan de profondes
réformes de société.
En janvier 2002
entre en vigueur un nouveau code civil
qui reconnaît de nombreux droits
aux femmes ; en août de la même
année, la peine de mort est abolie
et les Kurdes se voient reconnus
certains droits culturels qu'Ils
réclamaient depuis des décennies.
Parallèlement, le Conseil national
de sécurité perd de son influence
dans la marche des affaires
publiques.
• Le Parti de la justice et du
développement (AKP), formation
islamique modérée qui a succédé
au Fazilet- interdit en juin 2001 -,
obtient un succès massif lors des
élections législatives de novembre
2002.
C'est à l'un de ses dirigeants,
Abdallah Gül, nommé Premier aujourd'hui
l!fi!5�5!!!!!1 tiraillée
entre l'héritage kémalis.te laïque
et l'influence religieuse.
UNE SOCitrt EN MUTATION
• Dès 2003, le retour de la croissance et
le recul de l'inflation se sont confirmés.
La réforme monétaire de janvier 2005
instaure une nouvelle livre turque.
• Le dynamisme des réformes rassure
les investisseurs étrangers et gagne la
confiance des Européens.
• Carrefour géographique entre l'Orient
et l'Occident, la Turquie souhaite unir
son destin à celui de l'Union enropéenne.
Au terme d'un long examen ponctué de
demandes de réformes pour la plupart
satisfaites, les Vingt-Cinq ouvrent en
octobre 2005 des négociations avec
Ankara en vue de son adhésion.
LA TURQUIE ET L'EUROPE
• Sur un strict plan géographique,
seule une petite partie du territoire turc
appartient au continent européen, les
détroits des Dardanelles et du Bosphore
marquant la frontière avec l'Asie.
• Toutefois, sur le plan des relations
internationales, la Turquie apparaît
ancrée en Europe.
Le pays est membre
du Conseil de l'Europe depuis 1950.
En septembre 1963, la Communauté
économique européenne et la Turquie
signent un accord d'association.
Ankara dépose en avril 1987 une
demande officielle d'adhésion à
l'Union.
Un accord d'union douanière
est signé en janvier 1996.
En 2002,
de nombreuses réformes sont votées en
vue de mettre la législation turque en
conformité avec les extgences
européennes.
Les négociations
officielles se sont ouvertes en
octobre 2005.
Toutefois, une clause
de suspension permet d'interrompre
celles-ci à tout moment..
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