Histoire de La Serbie: Au cœur de la poudrière balkanique
Publié le 11/11/2018
Extrait du document

SOUS LE JOUG OTTOMAN
• Cavaliers nomades originaires de l’Asie, les Ottomans se sont établis quelques décennies plus tôt en Anatolie. Ils débarquent en Europe, à Gallipoli, en 1354. L'année suivante, les Serbes font alliance avec les Bulgares pour contenir cette invasion. Mais les Turcs battent une première fois leur coalition en 1387. Dès lors, le sort de la Serbie est réglé. Conscients que leur indépendance est condamnée, les Serbes livrent, le 15 juin 1389, à Kosovo Polié (le «Champ des Merles») un combat qu'ils savent perdu d'avance.
• D'un côté, une majorité de Serbes mais aussi des Bulgares, des Albanais et des Valaques, sous le commandement de Lazare, prince de la Raska ; face à eux, l'armée du sultan ottoman Mourad Ier, composée de Turcs, de mercenaires de toutes origines, plus souvent chrétiens que musulmans, ainsi que de redoutables janissaires (troupes d'élite formées d’enfants enlevés à des familles chrétiennes et élevés dans le métier des armes, l'adhésion à l'islam et la fidélité absolue au sultan). Au cours de la bataille, le prince Lazare est tué, de même que le sultan Mourad. Mais les Turcs restent maîtres du terrain.
• Côté serbe, malgré la défaite, Kosovo Polié restera célébrée pendant des siècles par des chansons de geste et constitue encore aujourd’hui une date majeure de l'histoire de la Serbie. Cette bataille marque cependant le début de la soumission des Serbes à l'Empire ottoman pendant quelque cinq cents ans.
UNE TERRE SLAVE
Issus du nord des Carpates, entre l'Oder et le Dniepr, les Serbes participent au mouvement des grandes invasions des Slaves qui déferlent sur l'Empire byzantin, sous l'empereur Héraclius (610641). Appelés, comme leurs cousins les Croates, à lutter contre les Avars (qui ont alors constitué un vaste empire), ils franchissent les Carpates et s'établissent sur des territoires appartenant à Byzance, autour de la vallée de la Morava.
LES ORIGINES
• Les Serbes peuplent non seulement la Serbie, mais également la Bosnie, l'Herzégovine et le Monténégro. Les Croates se répartissent entre la Croatie, la Slavonie et la Dalmatie. Serbes et Croates ne forment alors qu'un seul et même peuple, ils parlent la même langue, issue du slavon. Leur différence va essentiellement tenir à la façon dont ils seront christianisés : les Croates deviendront catholiques romains; les Serbes, orthodoxes grecs.
• Les premières tentatives de christianisation sont d'abord effectuées par les villes dalmates ralliées à l'Église de Rome. Mais, après la crise du refus des images (l'iconoclasme), Byzance réorganise la région et y envoie des disciples des «apôtres des Slaves», Cyrille et Méthode, pour évangéliser les païens de la région. On a pu ainsi fixer entre 867 et 874 l'entrée des Serbes dans le giron de l'Église byzantine.
• Au xiie siècle, le gouverneur nommé par Byzance dans la région de la Raska (province de l'actuelle Serbie entre Drina et Morava) tente de s'affranchir de la suzeraineté de l’empereur : avec l'appui du roi de Hongrie, Étienne Nemanjic (qui donne son nom à la dynastie des Némanides) se proclame indépendant en 1166. Il réunit sous son autorité les régions de la Raska et de la Zeta et constitue le premier grand État serbe (dans l'actuel Kosovo) autour de sa capitale Pec, siège d’un évêché. Son fils Étienne, luttant contre le patriarche de Byzance, reçoit du pape, selon la coutume, une couronne royale - devenant ainsi celui que les chansons de geste appellent «Étienne le premier couronné».
• Son frère Sava, moine en Grèce, s'adresse au patriarche de Byzance et obtient de lui la consécration comme «métropolite autocéphale» (archevêque indépendant) du royaume. Les Serbes ont désormais leur Église indépendante (1219), qui célèbre sa liturgie en slavon, la langue de Cyrille et Méthode, tout en restant byzantine par sa spiritualité comme par sa discipline.
• La dynastie des Némanides fournit par la suite un certain nombre de souverains qui vont étendre leur territoire. Parmi eux, celui qui est considéré comme le plus grand des souverains serbes, Étienne Dusan (ou Douchan, 1331-1355) : il conquiert toute la Macédoine et se fait proclamer le jour de Pâques 1346, à Skopje, «empereur des Serbes et des Grecs », tandis qu'il élève le métropolite de Pec à la dignité de patriarche, en dépit des protestations du titulaire de Byzance. Après sa mort, l'Empire serbe se morcelle en principautés rivales sous l'œil attentif des Ottomans, désormais présents dans les Balkans.

«
ennemis.
Son fils Michel lui succède
en 1860.
En 1867, ce dernier obtient
le départ définitif des garnisons
ottomanes.
Mais il est assassiné le
10 juin 1868.
• Son cousin et fils adoptif, MiiDn
Obrenovi(, prend alors les rênes du
pouvoir.
Durant
son règne, sous
la pression
des grandes
puissances
occidentales
réunies en
congrès à
Berlin, l'Empire
ottoman octroie enfin une complète
indépendance à la Serbie en 1878.
Milan troque son titre de prince contre
celui de roi en mars 1882.
Le royaume
de Serbie est proclamé.
• Mais la rivalité entre les deux familles
ennemies serbes n'est pas close pour
autant.
Elle va renaître, plus violente
que jamais, après l'abdication du roi
en 1889 (en raison notamment de son
autoritarisme et du scandale causé
par son divorce).
Milan Obrenovié est
remplacé sur le trône par son fils
Alexandre.
De caractère faible, le
nouveau souverain est finalement
DSSDssiné (ainsi que son épouse)
le 10 juin 1903, dans son palais de
Belgrade, au terme d'un complot
organisé pour le compte de la famille
rivale des Karadjordjevit Les corps des
souverains sont défenestrés et hachés
menu au sabre par les officiers
insurgés.
• Cet événement marque la fin des
Obrenovi( Les puissances étrangères
n'acceptent dans un
premier temps
qu'avec
réserve de
reconnaître le
nouveau roi,
Pitrre l"
dt Strbie.
Sous son
règne, le pays
va toutefois connaître un spectaculaire
agrandissement territorial notamment
à l'issue des guerres balkaniques
(1912- 1913) : les victoires serbes lors
de ces guerres permettent en effet
à la Serbie de conquérir le nord de la
Macédoine et de partager le sandjak
de Novi Pazar avec le Monténégro.
·Ce début du XX" siècle est aussi
marqué par les ambitions
contradictoires des puissances
européennes qui influent sur l'avenir
du pays.
Après avoir été quasi vassale
de Vienne sous les Obrenovié, la
Serbie de Pierre 1", ancien officier
de Saint-Cyr, penche vers la Russie et
la France.
Elle soutient les aspirations
des Serbes de la Bosnie-Herzégovine,
autrichienne depuis 1878, ce qui conduit
notamment à l't1ttentt1t de
St1rt1jevo (perpétré avec la complicité
d'une société secrète serbe) :le 28 juin
1914, l'archiduc François-Ferdinand,
prince héritier de l'Empire austro
hongrois et son épouse Sophie sont
abattus à coups de revolver.
• Ainsi débute la Première Guerre
mondiale.
L'armée autrichienne
attaque aussitôt la Serbie, d'abord
sans succès.
Puis, aidée par
l'intervention de la Bulgarie et par
l'armée allemande, elle parvient à
occuper le pays.
Le roi, les dirigeants
et une partie de l'armée font alors
retraite à travers les montagnes
d'Albanie pour atteindre Corfou.
C'est là, le 20 juillet 1917, qu'est conclu
un accord, le« pacte de Corfou»,
qui envisage de façon imprécise la
formation d'un «royaume des Serbes,
Croates, Slovènes ».
DANS LE ROYAUME
DE YOUGOSLAVIE
• Ce processus aboutit, le 1 � décembre
1918, à la proclamation par le prince
héritier de Serbie, Alexandre
Karadjordjevit.
dans le palais royal
de Belgrade, de l'union des trois
peuples en un royaume uni.
Ce
dernier comprend, outre la Serbie :
-La Slovénie et la Croatie, peuplées
de Slaves de confession catholique,
qui ont vécu depuis la fin du Moyen
Âge sous la tutelle des Habsbourg
d'Autriche; ils utilisent l'alphabet
romain et bénéficient d'un niveau
de vie relativement élevé.
-La Bosnie-Herzégovine, ancienne
province frontalière de l'Empire
ottoman, passée sous la tutelle austro
hongroise, et peuplée de Slaves
catholiques, orthodoxes ou
musulmans.
-Le royaume du Monténégro, qui a
préservé son autonomie pendant
plusieurs siècles face aux Turcs; ses
habitants parlent la même langue que
les Serbes; comme eux, ils utilisent
l'alphabet cyrillique et pratiquent le
christianisme orthodoxe.
• Slovènes et Croates consentent à
se fondre dans le nouveau royaume,
de même que le Monténégro, pour
échapper aux visées impérialistes de
l'Italie sur les rives de l'Adriatique.
Les uns et les autres acceptent sans
enthousiasme le leadership serbe.
• Avec trois religions, deux alphabets,
quatre langues et davantage encore de
nationalités, le "royaume des Serbes,
Croates et Slovène s» paraît cependant
aussi fragile que les empires austro
hongrois et ottoman dont il est issu.
· Jamais ses peuples n'ont vécu
ensemble auparavant.
Qui plus est,
la limite entre la Croatie et la Bosnie
sépare l'Orient de l'Occident depuis la
mort de l'empereur romain Théodose,
en 395.
Une frontière qui marque
également depuis des siècles la limite LE
PAYS AUJOURD'HUI
Sans le Kosovo et la Vojvodine, la Serbie
«intér ieure» occupe un terr�oire de
55 968 km'- un dixième de la France -
dont la population dépasse à peine
6 millions d'habitants.
À plus de 90%,
elle est serbe et ne compte d'éléments
allogènes qu'en Vojvodine, où les
Hongrois forment une minorité
puissante et bien organisée.
Sa capitale,
Belgrade, compte 1 580000 habitants.
entre les mondes orthodoxe et
catholique.
• La fédération prend en 1929 le nom
de Yougoslavie (ce qui signifie en
serbo-croate «Pays des Slaves du Sud»)
pour souligner sa vocation à rassembler
tous les Slaves de la région.
Le roi
Alexandre 1� (fils de Pierre 1�) y
instaure un régime dictatorial sévère.
Cependant, le changement
d'appellation ne supprime pas les
clivages entre les peuples.
• On accuse les Serbes de mener dans
le royaume une politique d'hégémonie
par le biais d'un centralisme rigoureux.
D'où des tensions, notamment entre
Croates et Serbes qui sont révélées
au grand jour par l'assassinat du roi,
le 9 octobre 1934, à Marseille.
Elles
redoubleront de violence pendant la
Seconde Guerre mondiale.
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• La Yougoslavie est envahie par
l'Allemagne nazie en 1941.
Le pays est
démantelé et partagé entre les forces
de l'Axe (Allemagne, Italie, Bulgarie
et Hongrie) : la Serbie est occupée
par les Allemands.
Quelques mois
plus tard, la résistance s'organise avec
le début de l'insurrection royaliste des
tchétniks et de celle des partisans de
Tito (communistes).
·En 1943, à la conférence de Téhéran,
les Alliés décident de ne plus aider les
tchétniks, mais les partisans.
En octobre
1944, ceux-ci libèrent Belgrade.
• En 1945, la royauté est abolie.
Le 29 novembre est proclamée la
République populaire fédérative de
Yougoslavie, majoritairement
communiste.
Elle reçoit Fiume et l'Istrie.
• Début 1946, une nouvelle
Constitution est proclamée.
Tito,
d'origine croate, accède au poste de
chef de l'État yougoslave.
La Nouvelle
Fédération yougoslave (dont la Serbie
est l'une des six composantes) va
s'efforcer de contenir les tensions
nationalistes.
Tito détache du sud
de la Serbie la Macédoine, ancienne
province ottomane pauvre et à la
population très hétérogène (Grecs,
Albanais, Serbes, Macédoniens, etc.),
et en fait une république fédérée à
part entière, aux côtés de la Serbie, de
la Croatie, de la Slovénie, de la Bosnie
Herzégovine et du Monténégro.
• La Yougoslavie devient en 1963 la
République socialiste fédérative de
Yougoslavie.
Les revendications
nationalistes y sont toujours contenues
par la dureté du régime.
•
Après la mort de Tito, le 4 mai 1980,
les ferments de dislocation vont
reprendre le dessus.
Tito est remplacé
par une présidence collégiale, mais
le système se révèle peu fiable et
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engendre une instabilité politique et
notamment des troubles au Kosovo,
où les représentants
réclament le statut
de république.
En
réponse, la Serbie
limite l'autonomie
du Kosovo en 1989.
La même année,
Slobodtln
Milo1evi( est élu
président de la Serbie.
• Dans le contexte de libéralisation qui
touche l'Europe centrale et orientale,
les représentants de la Yougoslavie ne
parviennent pas à trouver un accord
sur l'avenir de la Fédération.
• En 1991, la Slovénie, la Croatie, la
Macédoine et le Kosovo proclament
leur indépendance.
L'armée fédérale
intervient en Slovénie, mais se retire
quelques semaines plus tard.
Parallèlement, le conflit serbo-croate
éclate en Croatie et va s'étendre sur
un tiers du territoire.
En novembre
1991, l'armée fédérale et les milices
serbes prennent la ville de Vukovar
après un long siège.
En décembre,
l'Allemagne et le Vatican reconnaissent
l'indépendance croate et slovène.
Il .,
• En 1992, c'est au tour de la Bosnie
Herzégovine (capitale : Sarajevo) de
proclamer son indépendance.
L'ancienne République populaire
fédérative de Yougoslavie, fondée par
Tito, est définitivement démantelée.
La République fédérale de Yougoslavie
est proclamée le 27 avril 1992.
Elle
réunit la Serbie et le Monténégro.
• Trois semaines plus tôt, le 6 avril
1992, a commencé le siège de
St1rt1jevo par les milices serbes
équipées par l'armée fédérale.
En trois ans, il va faire 12 000 victimes
parmi les habitants de la ville.
Durant ce conflit, les Serbes ouvrent
des camps de concentration et
systématisent la terreur.
Musulmans
et Croates ne sont pas en reste.
On
évalue à 200 000 le nombre de morts,
sur une population de 4 millions
d'habitants.
La moitié de cette
population est déplacée ou exilée.
• Les accords conclus à DDyton (Ohio, États-Unis)
en novembre 1995, sous
l'égide du président américain Bill
Clinton, débouchent sur un fragile
partage de la république entre Serbes
d'un côté et Croato-musulmans de
l'autre.
• Après avoir perdu les guerres de
Croatie et de Bosnie, les Serbes sont
expulsés de terres où ils vivaient depuis
plusieurs siècles (ainsi de la Krajina
croate).
En Serbie même, pour oublier
la faillite de ces guerres ainsi que
l'implication massive des milices et de
l'armée dans le" nettoyage ethnique»,
la majorité des habitants resserrent les
rangs autour de Milo�evit
• En 1997, ce dernier est élu président
de la République fédérale de
Yougoslavie.
Il tourne alors son regard
vers le Kosovo, une province
montagneuse à peine plus grande que
la Corse mais dix fois plus peuplée
(2 millions d'habitants sur 10 887 km2).
MiloSevié frappe le Kosovo en mars
1998 : 40 000 policiers serbes ratissent
la province et font plus d'une centaine
de victimes.
• Le 15 janvier 1999,1e massacre de
45 musulmans dans le village de
Raçak, dans des conditions troubles,
scandalise l'opinion occidentale et
entraîne l'ouverture de négociations
à Rambouillet.
Leur échec conduit
l'OTAN à intervenir contre la
Yougoslavie, le 23 mars 1999.
Le
24 mai, Slobodan Milo�evié est Dccusé
de crimes contre /'humDnité par
le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie.
La province du
Kosovo est dès lors placée sous
administration internationale, tout
en restant nominalement sous la
souveraineté serbe.
• En Serbie, les élections
présidentielles du 24 septembre 2000
portent au pouvoir un austère
professeur de droit constitutionnel de
cinquante-six ans, nationaliste autant
qu'anticommuniste, Ko1tunictl.
Le régime de Milo�evié s'écroule en
douceur, tandis que son chef doit
reconnaître sa défaite électorale.
Le
1" avril 2001, MiloSevié est incarcéré
sous l'inculpation de corruption.
• En mars 2002, un accord est signé
entre le président fédéral et les
présidents de la Serbie et du
Monténégro afin de remplacer la
République fédérale de Yougoslavie
(RFY) par un État de Serbie-et
Monténégro, lequel est proclamé le
4 février 2003..
»
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