Histoire de La Corse: De la présence phocéenne à la collectivité territoriale française
Publié le 18/11/2018
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PASCAL PAOLI, LE PÈRE DE LA PATRIE
Pascal Paoli, né à Morsaglia en 1725, est issu d’une famille de notables. Son père, Hyacinthe, a été l'un des meneurs de la révolte de 1730. Contraint à l’exil à Naples, Paoli revient en Corse en 1755 pour être élu «général de la nation». Il dote la Corse d’une Constitution, la première au monde, dont s’inspireront les Américains. Elle est rédigée par Jean-Jacques Rousseau et donne un grand nombre de pouvoirs à une assemblée élue, la Cuncolta. Paoli fonde une université à Corte, sa capitale, et tente de créer une armée moderne. L’intervention française le contraint à nouveau à l’exil. Il revient brièvement en Corse entre 1794 et 1795. Il s'exile ensuite définitivement à Londres où il meurt en 1807.
L'ÎLE REBELLE
Cette île méditerranéenne a été souvent conquise, bénéficiant sans cesse de nouveaux apports culturels et ethniques. Très marquée par la culture grecque puis romaine, la Corse s'est d'abord tournée vers la mer avant de se replier partiellement sur elle-même à la suite de nombreuses invasions. Placée pendant 700 ans sous le contrôle très relatif de cités italiennes (Pise puis Gênes), la Corse n'a eu affaire à un État fort qu'à partir de 1769. Après plus de deux siècles, l'intégration de l'île à l'ensemble français est réalisée même si les nationalistes ont repris la lutte depuis près de trente ans.
KALLISTÉ, «LA PLUS BELLE» (8000 AV. J.-C. -V'SIÈCLE AV. J.-C.)
Les premiers habitants
Il est difficile de déterminer à quelle période la Corse a été peuplée. L'hypothèse la plus probable, selon les fouilles archéologiques, indique que les premiers Corses seraient issus de la péninsule italienne. Traversant l'archipel qui sépare la Toscane de l'île, ils se seraient installés à partir des VIIIe et VIIe millénaires av. J.-C. Ils vivent dans des abris côtiers et se nourrissent de cueillette et de chasse.
Au néolithique, d'autres populations issues du continent débarquent sur l'île. Aux VIe et Ve millénaires, ces premiers Corses se sédentarisent et commencent à cultiver la terre.
Ils enterrent leurs morts, élèvent bientôt des sites fortifiés (torre ou castelli) et dressent des dolmens et des mégalithes sculptés, notamment à Filitosa un site regroupant plusieurs centaines de menhirs.
Un rattachement accepté
La Restauration, la monarchie de Juillet, la IIe République, le Second Empire, la IIP République, aucun de ces régimes ne remet en cause l'appartenance de nie à la France. Chacun d'entre eux s'appuie en Corse sur une ou plusieurs familles influentes (Pozzo di Borgo, Sebastiani, Abbatucci, Arène) qui développent à leur profit un système de clientèle. La situation économique et sociale n’est pourtant pas très bonne. Un grand nombre de Corse sont contraints de quitter l'île pour des motifs économiques. Sous la IIIe République, beaucoup de Corses participent à l'expansion coloniale en s'engageant dans l'armée ou l'administration. Ils représentent ainsi 20 % des cadres de l'administration et 22 % des soldats en Algérie dans les années 1930. L'apprentissage du français, indispensable pour faire carrière, fait des progrès considérables. Enfin, l'intégration à la République est encore cimentée par la participation des Corses à la Grande Guerre qui fait entre 15 000 et 20 000 morts.
«
PASCAL
PAOLI, LE PÈRE DE LA PATRIE
Pascal Paoli,
né à Morsaglia
en 1725, est issu
d'une famille
de notables.
Son
père, Hyacinthe,
a été l'un des
meneurs de la
révolte de 1730.
Contraint à l'exil à
Naples, Paoli revient en Corse en 1755
pour être élu • général de la nation».
Il dote la Corse d'une Constitution, la
première au monde, dont
s'inspireront les Américains.
Elle est
rédigée par Jean-Jacques Rousseau et
donne un grand nombre de pouvoirs à
une assemblée élue, la Cuncolta.
Paoli
fonde une université à Corte, sa
capitale, et tente de créer une armée
moderne.
t:intervention française
le contraint à nouveau à l'exil.
Il revient
brièvement en Corse entre 1794
et 1795.
Il s'exile ensuite défin�ivement
à Londres où il meurt en 1807.
Le
général Morand est quant à lui
désigné pour réprimer les
manifestations hostiles de la
population.
Le règne de l'Empereur
corse a ancré 111e du côté français
et pendant de nombreuses années,
une forte tradition politique
bonapartiste va persister en Corse.
Ainsi 95 % des électeurs votent en
faveur de Louis-Napoléon Bonaparte
en décembre 1848.
UN RATTACHEMENT ACCEPTÉ
La Restauration, la monarchie de Juille�
la Il' République, le Second Empire,
1---------------------------l la
Ill' République, aucun de ces régimes
LES DIVISIONS INTERNES
Le système des clans se développe
à cette époque.
Un seigneur local
dispose de «clients», d'hommes qui lui
sont entièrement dévoués.
Le clan est
issu des familles.
Celles qui disposaient
du plus grand nombre de fils ont pris
l'ascendant sur les autres dès la fin
de l'époque byzantine.
Elles sont
à l'origine d'une multitude de petites
dynasties régionales, à la noblesse
douteuse.
Ce phénomène se retrouve
autant au nord de 111e, placée sous
l'influence gênoise, «l'en-deçà
des monts», qu'au sud, «l'au-delà
des monts».
Au nord, ces petits
seigneurs sont des caporaux (caporali).
Seul le cap Corse échappe à cette règle.
Unifié par la famille Da Mare, très liée
aux Génois, le cap Corse devient
la seigneurie de San Colombano.
LA VENTE A LA fRANCE
La principale difficulté pour Gênes est
de percevoir l'impôt sur 111e.
En 1730,
une révoHe importante éclate parce
que les Corses refusent d'acquitter une
nouvelle contribution.
La République
ne tient plus que les villes côtières.
Aux abois, Gênes fait appel aux
troupes françaises qui par deux fois
interviennent pour rétablir l'ordre
(1738-1741, 1748-1753).
En 1755, l'agitation reprend dirigée par
Pascal Paoli.
Fils de Hyacinthe Paoli,
le meneur de la révolte de 1730, il est
élu «général de la nation».
Peu à peu,
toute la Corse tombe sous son emprise
en 1764.
Il en profite pour doter 111e
d'une Constitution et de tous les
attributs d'un État moderne.
Il fonde
l'lie-Rousse et crée une université à
courte période d'indépendance.
Cependant.
par le traité de Versailles
de 1768, Choiseul, ministre des affaires
étrangères de Louis YN, fait reconnaître
le droit de la France d'intervenir
en Corse au nom de la République
de Gênes.
Les Génois, qui ont reçu en
outre une somme de 2 millions
de livres, ont toutefois la possibilité
de récupérer l'autorité sur 111e
à condition de rembourser les sommes
engagées par la France.
Cette clause
est illusoire, la Corse a été cédée.
UNE CONQU(TE DIFFICILE
Un premier corps expéditionnaire
français est battu en octobre 1768
à Borgo.
Mais l'année suivante, les
Français, commandés par le marquis
de Marbeuf, débarquent de nouveau.
Ils achètent les notables en leur
accordant des charges, des terres et des
pensions et parviennent à vaincre les
derniers insurgés paolistes à Ponte
Nova le 8 mai 1769.
Paoli est contraint à
l'exil et la Corse devient une province
du royaume de France.
DE NAPOLÉON
À LA RÉPUBLIQUE
(XIX• SIÈCLE -1945)
LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE
Lorsque la Révolution française éclate,
la Corse prend le parti des
révolutionnaires.
La crainte d'être
de nouveau cédée à Gênes unit les
parties de la noblesse et du tiers état
corse.
Par un décret du 30 novembre
1789, l'Assemblée nationale reconnaît
111e comme partie intégrante
de «l'Empire français».
La confiance est
rétablie et Paoli rentre d'exil.
En 1793, ce dernier rompt avec le
r�gime r�volutionnaire.
La Convention
dominée par les Montagnards applique
une politique jacobine et anticléricale
qui a peu de partisans en Corse.
Paoli
se lie avec les Anglais en guerre avec
la France.
De juin 1794 à octobre 1796,
la Corse reconnaît le roi d'Angleterre,
George Ill, pour souverain.
Les deux
royaumes ont toutefois des institutions
séparées.
En octobre 1796, le général Bonaparte,
vainqueur de la campagne d'Italie
et né à Ajaccio le 15 août 1769,
organise une expédition de reconquête
qui chasse les Anglais de 111e.
UN CORSE, EMPEREUR DES FRANÇAIS
Porté à la tête de la République
en 1799, Napoléon Bonaporte,
revenu dans son ile au retour
de l'expédition d'Égypte en 1798,
devient empereur le 2 décembre 1804.
Il forme deux
départements
en Corse
(Golo au nord,
Lia m one
au sud),
charge André
François
Miot de
l'administration.
ne
remet en cause l'appartenance de
111e à la France.
Chacun d'entre eux
s'appuie en Corse sur une ou plusieurs
familles influentes (Pouo di Borgo,
Sebastiani, Abbatucci, Arène) qui
développent à leur profit un système
de clientèle.
La situation économique
et sociale n'est pourtant pas très bonne.
Un grand nombre de Corse sont
contraints de quitter 111e pour des
motifs économiques.
Sous la
Ill' République, beaucoup de Corses
participent à l'expansion coloniale
en s'engageant dans l'armée
ou l'administration.
Ils représentent
ainsi 20 % des cadres
de l'administration et 22 % des soldats
en Algérie dans les années 1930.
t:apprentissage du français,
indispensable pour faire carrière,
fait des progrès considérables.
Enfin,
l'intégration à la République est encore
cimentée par la participation des Corses
à la Grande Guerre qui fait entre
15 000 et 20 000 morts.
rocCUPATION ITALO·ALLEMANDE
1942, elle esl
occupée par un
fort contingent
de soldats italiens
(80 000 hommes).
Au moment de la
capitulation italienne en septembre
1943, 111e se soulève contre les
quelques forces allemandes remontant
de Sardaigne avec l'appui ou la
neutralité des troupes italiennes.
Des
bataillons envoyés d'Alger viennent
également au secours des insurgés.
Le 4 octobre, la Corse est le premier
territoire métropolitain libéré.
LE MALAISE CORSE
(DEPUIS 1945)
lEs CONSÉQUENCES
DE LA DÉCOLONISATION
Au lendemain de la guerre, la Corse est
partiellement dépeuplée.
Seuls 160 000
insulaires demeurent sur le sol natal
en 1957.
La guerre d'Algérie est d'autant
plus mal vécue que lors du putsch
d'Alger le 13 mai 1958, des
parachutistes putschistes s'emparent
de la préfecture d'Ajaccio le 24 mai,
alors que les CRS se rallient
au mouvement le 26.
Virtuellement,
111e est séparée du continent.
t:accession du général de Gaulle à
la présidence du Conseil, le 29 mai,
dénoue la crise.
t:arrivée de 15 000
rapatriés d'Algérie après la signature
des accords d'Évian en 1962 provoque
des tensions communautaires.
t:État
engage des grands travaux et fonde la
SOMIVAC, une société d'économie
mixte pour la mise en valeur de la
Corse.
De nombreux clubs de vacances
voient le jour sur les
côtes de 111e
provoquant la colère
du mouvement
autonomiste,
structuré autour
de l'ARC (Action
régionaliste Corse) fondée par Edmond
et Max Simeoni.
LES PREMIERS ATTENTATS
Les 21 et 22 août 1975, un groupe mené
par Edmond Simeoni occupe
l'exploitation viticole d'un rapatrié
à Aleria.
La police et la gendarmerie
interviennent, provoquant une fusillade,
qui fait deux morts chez les forces
de l'ordre.
C'est le début d'un
mouvement d'envergure des
autonomistes corses.
Tandis que les
patrouilles de la gendarmerie circulent
en Corse, 2 967 attentats sont perpétrés
entre 1975 et 1982.
Ce sont les
fameuses «nuits bleues», ainsi
dénommée parce que les attentats ont
lieu souvent la nuit à l'aide de plastic
(un explosif).
LE MOUVEMENT INDÉPENDANTim
En 1976, le FLNC (Front de libération
national de la Corse) voit le jour.
Ce
groupe est créé à l'imitation du FLN
algérien.
Il naît de deux mouvements
clandestins: le Front paysan et Giustizia
Paolina.
Selon le FLNC.
le bilan de la tutelle
française sur 111e est globalement
négatif et s'apparente à une politique
de type colonial qui défavorise les
Corses de souche.
Le FLNC se divise bientôt
en indépendantistes radicaux
et partisans de l'autonomie, plus
modérés.
Ces derniers créent le MPA
en 1991, Mouvement pour
l'autodétermination.
De 1990 à 2000,
les querelles entre les deux courants
sont meurtrières.
Ce sont les années
de plomb, qui font une quarantaine
de vidimes par an.
En 1991, deux FLNC
coexistent : le canal-historique est
constitué des radicaux et le canal
habituel des autonomistes.
D'autres
verront le jour à la fin des années 1990
dont le FLN C-Union des combattants
ou le FLNC des Anonymes.
Tous
perçoivent «l'impôt révolutionnaire»,
un système financier comprenant
notamment le racket des entreprises
et des métropolitains propriétaires r�jjiïNiiil
en Corse.
Le mouvement
indépendantiste connaît alors une
sérieuse dérive
mafieuse.
A la fin
des années 1990,
les anciens du IISi;;•'!JIPl 'il mouvement Paul
Carlotti, lean·
Michel Rossi ou
François Santoni
sont assassinés alors que Charles Pieri
est en prison.
DE TR(VES EN ATTEN TATS
Face au mouvement indépendantiste
corse, la réponse des autorités
françaises se veut sans faiblesse mais
dans le même temps, les différents
gouvernements commencent à
reconnaître le caractère spécifique de la
Corse.
Ainsi, sous la présidence de
Valéry Giscard d'Estaing, l'université de
Corte ouvre de nouveau ses portes en
1981, deux cents ans après celle de
Paoli.
Sous la présidence de Mitterrand,
la Corse devient une région aux
compétences étendues dans le cadre
des lois sur la décentralisation de
Gaston Defferre.
Une assemblée
territoriale de Corse voit le jour.
Pierre
Joxe, ministre de l'Intérieur, fait voter
en 1991 une loi transformant 111e en
collectivité territoriale dotée d'un
conseil exécutif, mais le Conseil d'État
rejette la disposition sur la
reconnaissance du peuple corse.
De ruptures des trêves en reprises
du dialogue, l'État peine à définir une
politique à long terme.
Entre 1995 et
1997, les gouvernements Juppé et
Jospin tentent de discuter avec les
indépendantistes qui se sont dotés
depuis d'une vitrine politique officielle:
A Cuncolta nazionalista (1987) et
Corsica Nazione (1998}.
Cette ouverture
est remise en question par l'assassinat
en pleine ville d'Ajaccio, le 6 février
1998, du préfet Claude Érignac.
La politique de
restauration de
l'autorité de l'État
du préfet Bernard
Bonnf!t sombre dans
le ridicule avec
«l'affaire des paillotes» qui voit des
gendarmes incendier illégalement un
restaurant en 1999.
VERS L'AUTONOMIE ?
La négociation entre nationalistes,
forces politiques corses et
gouvernemen� baptisée «processus
de Matignon», reprend et débouche
sur un projet d'autonomie.
Le nouveau
ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy,
soumet le texte à un référendum local
le 6 juillet 2003.
Avec 51 % de non, la
population corse rejette l'autonomie
proposée.
Le bilan de la lutte des
nationalistes est à nuancer sur le plan
politique.
Même si l'échec au
référendum de 2003 prouve que le
combat pour l'autonomie ne dispose
pas d'un soutien populaire majoritaire,
la Corse a fini par disposer d'un statut
différent des autres régions françaises.
C'est sur le plan culturel que cette lutte
nationale a porté le plus de fruits.
La
langue corse est désormais largement
enseignée sur 111e, et la culture dans
son ensemble, des chants aux produits
locaux, a assurément profité du combat
identitaire corse..
»
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