Histoire de Chypre: De la préhistoire à l'Union européenne
Publié le 11/11/2018
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ENTRE GRÈCE ET TURQUIE
La position stratégique de Chypre, ancrée dans le sud-est du Bassin méditerranéen, fait de cette île un carrefour occupé tour à tour par les plus grandes civilisations : les Grecs, les Assyriens, les Égyptiens, les Perses, les Romains, les Byzantins, les croisés, les Vénitiens, les Ottomans et les Britanniques y ont pris pied. Homère et d'autres poètes et philosophes grecs de l'Antiquité se référaient souvent à Chypre en exprimant leur admiration pour sa civilisation.
Outre sa position, Chypre doit une partie de son glorieux passé à la renommée de ses forêts luxuriantes et à ses riches mines de cuivre qui, dès le IIIe millénaire avant notre ère, attirèrent les convoitises de ses puissants voisins. Si les Chypriotes recouvrèrent leur indépendance en 1960, llle subit très tôt une partition de fait entre communautés grecque et turque. Depuis 2004, le sud de l'île a intégré la Communauté européenne, alors que la république du Nord à majorité turque n'est toujours pas reconnue sur la scène internationale.
LA PÉRIODE ANTIQUE
Les premières traces de civilisation remontent à 9000 ans av. J.-C, sur des sites tels que Kalavassos et Parekklissia, puis, deux millénaires plus tard, à Khirokitia. Ces peuples n'utilisent pas encore la céramique, qui n'apparaîtra qu'au IVe millénaire. Les sites néolithiques sont abandonnés vers -3000, période qui coïncide avec la découverte des mines de cuivre sur llle. Cette découverte est déterminante pour l’avenir de l'île, car elle contribue fortement au développement du commerce et de l'artisanat durant l'âge de bronze.
Vers 1300 av. J.-C., l'arrivée des Mycéniens et des Achéens, en provenance du Péloponnèse et de Grèce, est l'élément déterminant qui marque l’âge de fer. Ils diffusent la culture hellénique et fondent les premières cités-royaumes sur le modèle de Mycènes. Ces royaumes survivent jusqu'à l'époque romaine, malgré les vicissitudes que leur infligent les dominations étrangères successives.
Au cours du Ve siècle av. J.-C., Athènes joue un rôle considérable sur l'île, par le biais de sa coopération avec ces cités-royaumes. À cette époque, Évagoras, roi de Salamine, fait de Chypre un des principaux centres politiques et culturels du monde grec. Occupées successivement par les Phéniciens, les Assyriens, les Égyptiens et les Perses, les cités-royaumes accueillent Alexandre le Grand en libérateur, et nombre de Chypriotes le suivent dans ses expéditions.
Au moment du partage de l'empire d'Alexandre, qui l'a libérée du joug perse, Chypre devient l'une des provinces les plus importantes de l'empire des Ptolémées d'Égypte, jusqu'à la conquête romaine, qui survient en 58 av. J.-C.
DE ROME À BYZANCE
Transformée en province romaine, l’île est durablement annexée après la victoire d'Octave sur Antoine et Cléopâtre à Actium, en 31 av. J.-C. Si l'occupant a maille à partir avec la communauté juive, il s'accommode fort bien du fonctionnement des cités-royaumes. Elles frappent leur monnaie, mais célèbrent le culte impérial. La principale d'entre elles, Paphos, fait bientôt figure de capitale. Aphrodite, la déesse de la Beauté et de l'Amour, serait sortie de l'écume de la mer sur son rivage. Ce haut lieu du culte d'Aphrodite devient le centre de la vie politique, religieuse et culturelle. Autres cités d'importance : Salamine, Amathus, Citium et Curium.
«
LA
PÉRIODE BRITANNIQUE
Ainsi, dès 1878, la Grande-Bretagne se
voit attribuer l'administration de Chypre
par l'Empire ottoman, jusqu'à
l'annexion pure et simple, en 1914, suite
à l'entrée en guerre des Turcs aux côtés
de l'Allemagne.
En 1923, la Turquie renonce à tous ses
droits par le traité de Lausanne, et
Chypre devient colonie de la Couronne
britannique en 1925, un gouverneur
remplaçant le haut-commissaire.
Malgré les progrès économiques et
l'éradication de la malaria, la présence
anglaise commence à exaspérer une
population grecque qui souhaite
l'En6sis, ou union avec la Grèce, depuis
que cette dernière a obtenu le statut
d'État indépendant en 1830.
Le
mouvement est dirigé par l'Église
orthodoxe.
Un an plus tard, les partisans de
I'Enôsis déclenchent de graves émeutes
à Nicosir.
Le siège du gouvernement
est incendié.
Les Anglais réagissent
immédiatement en instaurant un
régime d'exception.
Évêques, notables
et députés sont exilés, et les élections
suspendues.
Tous les pouvoirs se
concentrent entre les mains du
gouverneur.
Malgré cette répression,
20 000 volontaires chypriotes
s'engagent aux côtés des Anglais en
1940.
Après la guerre, le mouvement,
d'abord pacifique, bascule dans la
violence, en réponse à l'intransigeance
anglaise.
Londres considère en effet
que le maintien de sa souveraineté sur
11le est nécessaire pour la sécurité et
l'efficacité des bases militaires qui y
sont établies.
En outre, en cette période
de guerre froide, Londres voit d'un
mauvais œil l'existence d'un fort parti
communiste et ne désire pas froisser la
Turquie, l'un des piliers de l'OTAN, qui
est hostile à I'Enôsis.
Cependant, les
Anglais lâchent du lest, afin de calmer
les nationalistes.
Ils offrent, en 1948 et
à nouveau en 1954, une nouvelle
Constitution aux Chypriotes, leur
accordant une large autonomie -qu'ils
refusent.
Mgr Makarios Ill, le nouvel archevêque,
cherche l'appui de la Grèce qui,
finalement, en 1954, demande aux
Nations unies que Chypre puisse
exercer son droit d'autodétermination;
mais l'Assemblée générale refuse de
discuter du problème.
De son côté, les
Chypriotes turcs soutiennent le Taksin,
c'est-à-dire le rattachement du nord
de l'ile à la Turquie.
Tous les espoirs de règlement pacifique
étant épuisés, les JHirtisons de
I'Enôsis s'engagent dans la lutte
armée.
Le 1" avril 1955, une série dirigé
par le colonel Georges Grlvos et
soutenu par Mgr Makarios.
Malgré une
politique de répression très sévère et
l'instauration de l'état d'urgence, les
Anglais engagent des négociations avec
Mgr Makarios.
Elles échouent, et le
prélat est arrêté et exilé aux Seychelles
le 9 mars 1956.
Dans le même temps,
Ankara soutient l'organisation
clandestine chypriote turque TMT,
nouvellement créée, et déclare que
l'acceptation de la partition serait la
dernière concession que ferait la
Turquie à l'égard de Chypre.
En 1958 éclatent de graves émeutes
intercommunautaires qui vont faire
bouger les positions respectives.
Le Premier ministre britannique Harold
Macmillan propose un système de
condominium, qui est rejeté.
Quant à
Mgr Makarios, il prend la mesure de la
communauté turque de l'ile et déclare
ne plus réclamer I'Enôsis, mais un
simple statut d'indépendance pour
Chypre.
De retour sur 11le, il peut
participer aux accords de Londres et
de Zurich, qui prévoient l'indépendance
de 11le.
La république de Chypre est proclamée
le 16 août 1960, et l'archevêque en
devient le président.
hMWM.\wll Très vite, la République se révèle
ingérable, du fait même de sa
Constitution, qui exacerbe les conflits
entre communautés : la minorité
turque, qui ne représente que 18% de
la population, se voit accorder des
droits de participation de 30% au
gouvernement et dans la fonction
MONSEIGNEUR MAKARIOS
Né le 13 août 1913 dans le village de
Panayia (district de Paphos), Mikhail
Khristodhoulos Mouskos devient
évêque de Kilian
J en 1948, puis
archevêque et
ethnarque (chef
de l'ile
à la colonisation britannique et ne cesse
de réclamer pour Chypre le droit à
l'autodétermination.
Exilé aux Seychelles par les Anglais en
1956 pour collusion avec un groupe
terroriste, il revient dans son ne au
moment de l'indépendance et en est le
président en 1960.
Il est renversé à la
suite d'un coup d'État fomenté en 1974
par les colonels grecs, mais revient au
pouvoir quelques mois plus tard.
Il
reste à la tête de la partie grecque de
Chypre jusqu'à sa mort, le 3 août 1977,
n'ayant pas réussi à empêcher la
partition de l'ile.
publique,
et de 40% dans l'armée et
la police.
En 1963, Mgr Makarios tente de
remettre en cause le statu qua en
proposant quelques amendements,
ce qui déclenche de graves troubles.
Le vice-président, les ministres, les
parlementaires et les fonctionnaires
turcs se retirent du gouvernement.
En 1964, une force de maintien de 111
JHIÏX de l'O N U doit s'interposer.
Ces heurts se poursuivent les années
suivantes et redoublent en 1967,
lorsque les nationalistes grecs les plus
résolus, soutenus par le «régime
des colonels» qui vient de s'imposer
par la force à Athènes, s'opposent
farouchement à Mgr Makarios.
Pourtant, celui-ci remporte les élections
présidentielles de 1968 avec 97% des
voix.
En 19n, le colonel Grivas revient
sur 111e et reprend son combat pour
I'Enôsis.
L'OCCUPATION TURQUE
Après la mort du colonel Grivas, au
début de 1974, Mgr Makarios prépare
une purge de la garde nationale,
de la police et de l'administration.
Le 15 juillet, les membres de la garde
nationale, appuyés par les colonels
grecs, fomentent un coup d'État.
Mgr Makarios est renversé, et Nikos
Sampson se proclame président le
lendemain.
Le 20 juillet, la Turquie riposte et
déclenche l'opé ration Attila.
10000 hommes de troupe sont
débarqués; l'aéroport de Nicosie
est bombardé.
Cette attaque entraîne
la chute du pouvoir des colonels à
Athènes.
Sampson démissionne le
23 juillet, remplacé par le président
du Parlement, Glafcos Cléridès.
Une commission
des puissances garantes
de Chypre se met en place à Genève,
sans résultat Le 14 août, la Turquie
déclenche une seconde offensive et
occupe désormais 38% du territoire
chypriote.
Le bilan est de 6 000 morts,
et de 200 000 Chypriotes grecs chassés
par la force de leurs foyers.
Désormais,
la ligne Attila, contrôlée par les Nations
unies, sépare les Turcs (au nord) des
Grecs (au sud) et passe en plein cœur
de la capitale, Nicosie.
Le 1 � novembre 1974, le Conseil de
sécurité de l'ONU exige à l'unanimité
le départ des troupes étrangères, sans
résultat En décembre, Mgr Makarios
rentre à Chypre.
En 1975, les Chypriotes turcs
proclament un État autonome, laïque
et fédéré, aussitôt condamné par les
instances internationales.
Dans les années qui suivent se
déroulent d'interminables négociations
entre les deux parties, sans parvenir à
une solution.
lui succède au
poste de
président, et
l'évêque de Paphos, Chrysostomos,
devient archevêque.
Dans le Nord, outre l'important
contingent militaire qui y stationne,
Ankara envoie plusieurs dizaines de
milliers de colons venus d'Anatolie.
Le
patrimoine culturel et religieux grec y
subit le vandalisme et la profanation.
Des 12 300 Chypriotes grecs restés au
Nord en 1974, seules quelques
centaines y vivent encore aujourd'hui.
L'ADHÉSION À
L'UNION EUROPÉENNE
Malgré les multiples négociations entre
les deux entités qui se partagent Chypre
ou entre les gouvernements grec et
turc, toutes les tentatives ont échoué
jusqu'à ce jour.
En 1983, la partie Nord proclame
la «République turque de Chypre du
Nord>> (RTCN), qui n'est reconnue par
aucun État, sauf la Turquie.
Malgré les
accrochages sporadiques qui éclatent
entre les deux communautés, voire
entre Turcs et soldats de l'ONU, le
destin de la partie Sud se dessine
lentement.
Le 17 octobre 1987, elle
signe un accord d'union douanière
avec la Communauté économique
européenne qui s'étale sur 15 ans.
Le
nouveau président de la zone grecque,
Georges Vassiliou, soumet en 1989
à l'ONU un cadre de propositions
pour l'établissement d'une République
fédérale et la solution du problème
de Chypre.
!:année suivante, Chypre
dépose sa candidature d'adhésion à turc,
fait
preuve d'intransigeance quant au statut
de réunification de 11le, exigeant la
reconnaissance de la souveraineté
séparée de la communauté turque, y
compris le droit à la sécession.
Sa
politique est fortement condamnée par
un rapport du Conseil de l'Europe qui
pointe les violations massives des droits
de l'homme dans la partie Nord de l'ile
et la colonisation massive qui y est
entreprise.
En 1993, le président Gltdcos Oéridts
propose la démilitarisation complète de
Chypre.
Le destin de Chypre se précise en 1994,
lorsque le sommet européen décide
d'englober 11le dans la prochaine étape
d'élargissement de l'Union.
Malgré les
condamnations réitérées des instances
internationales, la RTCN menace de
s'acheminer vers une intégration
politique et économique avec la
Turquie.
Une dernière rencontre infructueuse
a lieu entre les deux parties en 2002.
Cependant, la perspective d'adhérer
à l'Union européenne séduit de plus
en plus de Chypriotes turcs, dont la
communauté reste très pauvre en
comparaison de son voisin du Sud, qui
connaît une croissance économique
rapide depuis un quart de siècle, grâce
à l'essor du tourisme et à l'importance
de sa place financière, notamment
depuis la guerre civile libanaise.
Après un nouvel échec des
négociations, le secrétaire général de
l'ONU propose un plan de réunification
de 111e en 2004.
Ce plan est approuvé
par les Chypriotes turcs, mais rejeté par
les Grecs, qui le trouvent trop favorable
à la partie adverse.
C'est donc une
République de Chypre non réunifiée
qui devient membre de l'Union
européenne le l" mai 2004.
Bien que le« problème de Chypre>>
ne soit pas résolu, les tensions se sont
apaisées sur 111e, et le pays demeure
l'un des plus stables de la région.
Par
ailleurs, la République de Chypre est
membre des Nations unies, du Conseil
de l'Europe, du Commonwealth et du
Mouvement des pays non alignés..
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