Guillaume le Taciturne
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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tradition.
Dieu a laissé à l'homme la liberté de se perdre ou de se racheter.
Voir brûler un homme qui croit bien faire “fait mal aux gens ”.
Les tortures renforcent le courage et la persévérance des hérétiques.
Il faut convaincre par laparole et l'exemple.
En outre, quel service ferait-on au roi si l'on aggravait l'hémorragie de la population active, et sila poursuite de cette politique impopulaire déterminait des troubles, comme déjà l'on pouvait en prévoir ? Bref, l'ordregît dans la sage tradition libérale que le roi a fait serment de respecter !
A l'heure où l'État moderne s'instaurait en Europe, Philippe II après François Ier, entendait faire du sien un puissantroyaume, catholique et centralisé, sous son exclusive responsabilité.
Cette conception non sans grandeur sacrifiait àl'État la liberté de la personne.
Le débat dès lors avait pris ses vraies proportions.
Car pour Guillaume d'Orange la tradition était sujette à mutationsprofondes, l'ordre pouvait déboucher sur une révolution.
Il avait lui aussi le sens de ses responsabilités devant lepeuple et devant l'Histoire.
Il n'était pas un philosophe, car il n'avait pas seulement la vocation de penser.
Il n'étaitpas un écrivain, car il n'avait pas seulement la vocation d'écrire.
Il était pleinement un homme politique, mais quisavait méditer et s'exprimer.
Si, comme son roi, il avait le sens de l'État et de la primauté nécessaire de l'intérêtgénéral, il cherchait à concilier les exigences de l'homme et celles de la collectivité.
Cet affrontement fut celui de deux philosophies.
Par personnes interposées, Érasme de Rotterdam s'opposait àMachiavel le Florentin.
D'une part : ce qui est bon pour l'État incarné par le Prince est juste.
De l'autre : l'intérêtgénéral concerne le peuple, apte également à ménager la personne.
Oui, ce fut bien à ce dilemme que fut ramené ledébat.
A son souverain qui s'entêtait à ne pas céder, comme si la matière religieuse avait présenté d'insolublesdifficultés, le Taciturne commençait à répondre que les États généraux sauraient proposer des solutions decompromis.
Il n'ignorait pas que dans les milieux catholiques et humanistes, animés par le patriotisme, se développaitun fort courant en faveur de la modération.
Des sociétés catholiques hétérodoxes, comme la “ Famille de la Charité ”d'Henri Niclaes, à laquelle appartenait Christophe Plantin, y participaient.
Des libelles, le “ Brief Discours ”, de petitsouvrages, le “ Conseil à la France désolée ” de Castellion, des humanistes comme Thierry Coornhert dans la penséeduquel mûrissaient déjà “ Les Considérations variées ”, préparaient l'opinion publique à la cohabitation des deuxreligions.
Aux États, ce mouvement avait des chances de s'imposer.
A ce moment, entre 1563 et 1565, une sorte d'unanimité nationale s'était faite.
La noblesse, ruinée et nationaliste,où se mêlaient catholiques et réformés, appuyait et parfois débordait les efforts du prince d'Orange en remettant àMarguerite de Parme le célèbre “ Compromis ” qui, entre autres choses, ne réclamait rien moins que le pouvoirlégislatif en faveur des États généraux.
Elle accordait son appui aux grands bourgeois calvinistes.
Le peuple suivait.Hélas, la duplicité de Philippe II maintenait aux Pays-Bas un dangereux climat pré-insurrectionnel.
Alors éclatèrentdans les grandes villes des violences contre les édifices catholiques, le mouvement des “ Brise Images ”.
Ce fut larupture du front patriotique.
Le retrait du comte d'Egmont et du comte de Hornes interdit d'opposer à l'armée du ducd'Albe en marche vers les Pays-Bas les forces unies de tout un peuple.
Au printemps de 1567 Orange se retirait à Dillenbourg.
La première partie de sa carrière était close.
La répression sanglante du duc d'Albe, les arrestations d'Egmont, de Hornes, le martyr de toutes personnessoupçonnées de pratiquer ou de favoriser la Réforme, conduisirent les Nassau, Guillaume, ses frères et ce qu'il leurrestait d'amis, à tenter de secouer le joug espagnol.
Ambition, sentiment, sens des responsabilités ? Les mobilesfurent sans doute complexes.
Comme l'aventure comportait plus de risques que d'espoirs, pourquoi se refuser àcroire à leur noblesse ?
Guillaume, s'étant souvenu qu'il était prince souverain, forma à ses frais une armée et bientôt une flotte.
Il lui donnales couleurs du roi d'Espagne, parce qu'il ne s'en prenait qu'au mauvais ministre de son roi, le duc d'Albe.
Mais quand il pénétra aux Pays-Bas, l'heure du soulèvement n'était pas encore venue.
Il dut se retirer et dissoudreses troupes impayées.
Il était ruiné, poursuivi par ses créanciers.
Heures atroces où, chaque jour, gîte et nourriturelui venaient au hasard de sa course.
Pourtant, grâce à son frère Louis demeuré en France, il reformait la flotte ; lavente des prises à La Rochelle produisit de nouvelles ressources.
Il refit surface.
De Dillenbourg, avec Jacques deWesembeke, il organisa la résistance intérieure clandestine, notamment dans le delta.
Tant et si bien qu'il suffit unsoir d'un coup de main sur le petit port de La Brielle pour que s'affranchissent en quelques jours les principales villesde ces régions.
Avec une nouvelle armée, payée pour quelques semaines, sans trésor de guerre, Guillaume d'Orangepénétra à nouveau dans les Pays-Bas.
Pour ne les plus quitter.
Ce jour-là naquit le “ Wilhelmus ” chant d'espoir decette armée, demeuré l'hymne national néerlandais, le seul au monde actuellement qui soit consacré à la gloire d'unhomme.
Le duc d'Albe était pris au dépourvu.
En France, Charles IX, convaincu par Coligny, donnait son appui à la causeorangienne.
Henri de Navarre allait épouser Marguerite de Valois.
Le comte Louis de Nassau occupait Mons.
Albeétait perdu.
Non ! la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, renversait la situation.
Orange se retirait en Hollande,bastion de son extraordinaire résistance.
L'ancien gouverneur y retrouvait son autorité.
Il n'en fallut pas moins organiser les pouvoirs avec les États deHollande et de Zélande.
On a dit parfois que le prince d'Orange avait à cette phase de la révolution exercé unedictature de fait.
S'il en avait été ainsi, d'incessants problèmes par incapacité de statuer se seraient-ils posés à lui ?Aurait-il pris soin de faire désigner à ses côtés une commission permanente de liaison avec les États ? Se serait-il.
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