Grand oral du bac : Le Front populaire - Une expérience socialiste dans la France de l'entre-deux-guerres
Publié le 18/11/2018
Extrait du document
Le ralliement des radicaux Afin de réunir toutes les forces de gauche, le PCF propose d'élargir l'union aux non-marxistes, c'est-à-dire aux radicaux. Pivot de la politique française, le parti radical rassemble des électeurs des classes moyennes. Ses dirigeants sont divisés sur l'attitude à adopter. L’aile gauche du parti, menée par Édouard Daladier et soutenue par les « Jeunes Turcs » (Jean Zay, Pierre Mendès-France, Pierre Cot) emporte l'adhésion. Ce ralliement permet la création du Comité d'organisation du rassemblement populaire, chargé de préparer la manifestation unitaire du 14 juillet 1935 et d'élaborer un programme commun de gouvernement en vue des élections législatives d'avril 1936.
ANTIFASCISTE AUX CONQUETES SOCIALES Le Front populaire est le nom donné à la coalition des partis de gauche réunissant communistes, socialistes et radicaux, au pouvoir de 1936 à 1938. À l'exception du bref passage au pouvoir du Cartel des gauches (1924-1926), mené par les radicaux, cette expérience gouvernementale est sans précédent en France. Divisés depuis le congrès de Tours de 1920, le Parti communiste français (PCF) et la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) acceptent de s'unir au nom de la lutte contre le péril fasciste.
La victoire aux élections de 1936 amène pour la première fois un socialiste, dirigeant de la SFIO, Léon Blum, à la tête du gouvernement. Malgré sa relative brièveté et sa dislocation finale, le Front populaire occupe une place particulière dans la mémoire collective. Il est à l'origine d'un certain nombre d'avancées sociales importantes, comme les congés payés, qui ont durablement amélioré la condition des travailleurs.
ORIGINES ET FORMATION
La crise économique et sociale Fin 1931, la France, jusque-là épargnée, est rattrapée par la crise mondiale née du krach de Wall Street en 1929. La chute des exportations, la hausse des prix entraînent de nombreuses faillites. Les gouvernements radicaux qui se succèdent au pouvoir multiplient les mesures (déflation, protectionnisme) pour enrayer la crise. Mais ces remèdes restent sans effet. En 1935, la production industrielle n'a pas retrouvé son niveau de 1929. La crise économique aggrave la situation sociale. Le chômage double en l'espace de cinq ans. Le monde ouvrier est touché, mais aussi les agriculteurs et les classes moyennes, commerçants, petits entrepreneurs et fonctionnaires. Seules les classes privilégiées sont épargnées. L’incapacité de la classe dirigeante à résoudre la crise économique, jointe à l'instabilité gouvernementale, alimente le mécontentement général.
La contestation antiparlementaire
Dans ce contexte troublé, les campagnes contre le régime parlementaire, orchestrées par les partis et ligues d’extrême droite (Action française royaliste, Croix-de-Feu, Jeunesses patriotes, francistes, Solidarité française...), trouvent un écho croissant au sein de la population. Ces ligues sont des mouvements factieux à l'organisation paramilitaire, nationalistes, xénophobes et partisans d'un pouvoir fort. Fin 1933 éclate l’affaire Stavisky, un énorme scandale financier impliquant plusieurs membres du Parlement.
Éclaboussé, le cabinet du radical Camille Chautemps doit démissionner.
La question provoque de profondes dissensions entre les différents partenaires du Front populaire. Les communistes et une partie de la SFIO sont favorables à une intervention, les radicaux y sont totalement hostiles. Léon Blum hésite. Finalement, il se résout au principe de non-intervention. Sa décision est motivée par le souci de ne pas s'aliéner le parti radical, mais aussi de maintenir l’alliance avec l'Angleterre, qui prône la neutralité. En août à l'instigation de la France, un pacte de non-intervention est signé par les principales puissances européennes. Mais l'Allemagne et l'Italie l'enfreignent ouvertement, envoyant hommes et matériels aux franquistes. En réaction, les communistes s'abstiennent lors du vote de confiance sur la politique étrangère du gouvernement (4 décembre) et réclament « des avions et des canons pour l'Espagne ».
De la dévaluation du franc à la pause des réformes Malgré les espérances, les mesures de l'été 1936 ne parviennent pas à redresser la situation économique. La production stagne, le déficit commercial s'accroît, la dette publique explose. La hausse des prix limite la portée de la revalorisation des salaires. Seul le nombre de chômeurs décroît quelque peu. L'hostilité du patronat et de la bourgeoisie, mais également l'application trop brutale de la semaine de 40 heures compromettent le rétablissement. Fin septembre, contrairement à ses promesses, le gouvernement est contraint de procéder à une dévaluation du franc, qui provoque une baisse du pouvoir d'achat. À l’enthousiasme des premiers temps succède le mécontentement. La fuite des capitaux se poursuivant, Léon Blum cherche à rassurer les milieux financiers : le 13 février 1937, il décrète une pause dans les réformes sociales.
«
Les
socialistes au pouvoir
Un mois plus tard, le 4 juin, léon Blum
forme son cabinet.
Pour la première
fois, la France est
dirigée par un
gouvernement à
majorité socialiste.
Celui-ci ne compte
que des ministres
socialistes et radicaux.
les communistes
refusent en effet d'entrer dans un
gouvernement« bourgeois » mais ils
promettent leur soutien.
C'est la stratégie
dite du «soutien sans participation ».
le nouveau cabinet se distingue par
deux points :
• trois femmes sont nommées sous
secrétaires d'Éta� alors même que les
femmes n'ont pas le droit de vote et ne
sont pas éligibles :
Cécile Brunschvicg
à l'Éducation nationale,
Suzanne lacore à la
protection de l'enfance
et Irène Joliot-Curie
à la recherche scientifique;
• un sous-secrétariat aux loisirs
et aux Sports est créé ; il est confié
à léo lagrange.
LES GRANDES GRÈVES (MAI·IUIN )
Trois millions de grévistes
la victoire du Front populaire suscite
un immense espoir chez les travailleurs.
Déjà entre les deux tours de scrutin, des
grèves sporadiques et des débrayages
avaient éclaté un peu partout en France.
Mais après le second tour,
le mouvement s'amplifie de façon
spectaculaire.
Au cours du mois
qui s'écoule avant la formation
du gouvernemen� le pays est peu
à peu
paralysé
par trois
.
millions
de
grèvistes.
Seuls les
services publics fonctionnent encore.
Fait
nouveau, les usines et les lieux de travail
sont occupés.
Tous les domaines
d'activité du secteur privé sont touchés.
En elfe� les grèves ne concernent pas
seulement les ouvriers mais aussi des
catégories plus proches des classes
moyennes, tels que les employés des
grands magasins à Paris ou les garçons
de café.
Ces grèves ne sont pas révolutionnaires
mais elles manifestent la volonté
de changement social des travailleurs,
depuis toujours brimés et soumis
à l'autorité patronale.
Un mouvement spontané,
inattendu et joyeux
les grèves de mai-juin présentent
des caractères originaux.
Elles ont
commencé spontanément, sans
qu'aucun mot d'ordre soit lancé par les
organisations syndicales, d'ailleurs vite
débordées.
Elles se déroulent dans
une atmosphère joyeuse et fraternelle.
L'immense partie de la population
soutient les grévistes, n'hésitant pas
à veiller à leur ravitaillement.
les
occupations d'usines se font sans
heurt.
Nulle part les outils de travail ne
sont détériorés.
Dans les grands
magasins, les employés dorment même
entre les lits exposés !
Mais ce mouvement inattendu surprend
par son ampleur.
Inquiet et impuissant,
le patronat y voit les prémisses d'une
révolution communiste.
léon Blum
craint, lui, qu'il n'entraîne la rupture avec
ses alliés radicaux.
UNE IMPORTANTE ŒUVRE LtGISLATIVE
Les accords de Matignon
Pour débloquer la situation, léon Blum
réunit les délégués du patronat et de la
CGT à l'hôtel Matignon, le 7 juin.
les
discussions aboutissent à la signature
des accords de Matignon.
les mesures
annoncées vont plus loin que le
programme initial du Front populaire,
mais elles satisfont les revendications
des grévistes :
• augmentation des salaires de plus
de 7 à 15%;
• élection de délégués du personnel
dans les entreprises de plus de
10 salariés.
• généralisation des conventions
collectives.
• respect du droit syndical dans les
entreprises.
Le 11 juin, Maurice Thorez appelle
les grévistes à reprendre le travail.
le mouvement reflue progressivement.
Les réformes économiques
et sociales
Dans la foulée des accords de Matignon,
le Parlement vote une série de textes
importants qui modifient en profondeur
les re/litions sociales dans le monde
du travail.
Il s'agit de lutter contre la crise
par l'augmentation du pouvoir d'achat
et de favoriser la création d'emploi grâce
à la diminution de la durée du temps de
travail.
Des réformes de structure sont
également adoptées.
• La durée légale du temps de travail
passe de 48 à 40 heures par semaine,
sans réduction de salaire.
• les premiers congés payés sont
instaurés (15 jours annuels).
• la scolarité est rendue obligatoire
jusqu'à 14 ans.
• L'Office interprofessionnel du blé est
créé afin de garantir le pouvoir d'achat
des agriculteurs.
Par ailleurs, la Banque de France passe
sous le contrôle de l'État et les
industries d'armement sont
nationalisées.
Un vaste programme
de modernisation des armées est
enclenché.
De fait, le Front populaire
entreprend un effort important pour
le réarmement du pays.
La culture et les loisirs favorisés
le Front populaire, que soutiennent
de nombreux artistes et écrivains, se
distingue également par ses mesures
visant à démocratiser l'accès à la
culture et aux loisirs : •
développement des auberges de
jeunesse;
• instauration des billets de chemin
de fer à prix réduits ;
• création d'organisations d'éducation
populaire et de centres de vacances ;
• encouragement à la pratique du sport
et de l'éducation physique;
• aide à la culture par le biais de fortes
subventions accordées aux musées et
aux théâtres.
(À Paris, inauguration du
Palais de la Découverte.)
LES ÉPREUVES ET
LES DÉSILLUSIONS
L'euphorie qui accompagne les premiers
pas du gouvernement s'effiloche bientôt.
Dès l'automne, l'oppos�ion se réveille et
les difficultès s'amoncellent.
Des divisions
apparaissent aussi au sein de la majorité.
LE RtVEIL DE 1.' OPPOSITION
L'hostilité du patronat
D'abord dépassée par la tournure des
événements, l'opposition ne tarde pas
à se ressaisir.
le patronat dénonce
l'augmentation des nouvelles charges
sociales pesant sur les entreprises et
multiplie les manœuvres pour freiner
l'application des accords de Matignon.
la droite stigmatise la politique en
faveur des loisirs, ironisant sur « le
ministère de la paresse » de léo
lagrange.
Une partie des dirigeants
d'entreprise refuse d'embaucher.
Parallèlement, les milieux financiers
organisent la fuite des capitaux à
l'étranger et se livrent à une spéculation
active contre le franc, ce qui contribue à
déstabiliser une économie déjà fragile.
L'extrême droite se déchaîne
En application de son programme
électoral, le gouvernement ordonne,
par décre� la dissolution des ligues,
en juin 1936.
Mais celles-ci renaissent
bientôt sous la forme de partis
politiques : parti social
français du colonel
de la Rocque, parti
populaire français de
Jacques Doriot, ex
communiste.
La presse
d'extrême droite (Gringoire,
Je suis pol1out, L'Action française ...
)
mène des campagnes d'une violence
inouïe contre les personnalités du Front
populaire.
Léon Blum fait l'objet
d'attaques antisémites haineuses, ;:::..=�-::;""-� jusqu'au sein
de la Chambre
des députés.
les journaux se
déchaînent contre
Roger Salengro,
.
ministre
de l'Intérieur,
injustement accusé d'avoir déserté
pendant la Première Guerre mondiale.
Il ne supporte pas la calomnie et se
suicide, le 17 novembre 1936.
Un million
de personnes se pressent à ses
funérailles.
DIFFICULTtS EXTERIEURES ET INTtRIEURES
La non-intervention en Espagne
le 18 juillet 1936, le pronunciamiento
(coup d'État) du général Franco contre
le gouvernement républicain du Frente
Popular, au pouvoir depuis février,
marque le début de la guerre civile
espagnole.
Madrid demande l'aide
de la France face aux insurgés
nationalistes, que soutiennent
militairement l'Allemagne hitlérienne et
l'Italie mussolinienne.
la question provoque de profondes
dissensions entre les différents
partenaires du Front populaire.
les
communistes et une partie de la SFIO
sont favorables à une intervention, les
radicaux y sont totalement hostiles.
léon Blum hésite.
Finalemen� il se
résout au principe de non-intervention.
Sa décision est motivée par le souci de
ne pas s'aliéner le parti radical, mais
aussi de maintenir l'alliance avec
l'Angleterre, qui prône la neutralité.
En aoû� à llnstigation de la France, un
pacte de non-intervention est signé par
les principales puissances européennes.
Mais l'Allemagne et l'Italie l'enfreignent
ouvertemen� envoyant hommes et
matériels aux franquistes.
En réaction,
les communistes s'abstiennent lors du
vote de confiance sur la politique
étrangère du gouvernement
(4 décembre) et réclament « des avions
et des canons pour l'Espagne >>.
De la dévaluation du franc
à la pause des réformes
Malgré les espérances, les mesures
de l'été 1936 ne parviennent pas
à redresser la situation économique.
la production stagne, le déficit
commercial s'accroît, la dette publique
explose.
La hausse des prix limite la
portée de la revalorisation des salaires.
Seul le nombre de chômeurs décroît
quelque peu.
L'hostilité du patronat
et de la bourgeoisie, mais également
l'application trop brutale de la semaine
de 40 heures compromettent le
rétablissement.
Fin septembre,
contrairement à ses promesses,
le gouvernement est contraint de
procéder à une dévaluation du franc,
qui provoque une baisse du pouvoir
d'achat.
À l'enthousiasme des premiers
temps succède le mécontentement.
la fuite des capMux se poursuivant,
léon Blum cherche à rassurer les milieux
financiers : le 13 février 1937, il décrète
une pause dans les réformes sociales.
La chute du gouvernement
Pour tenter de rétablir la situation, Blum
demande les pleins pouvoirs financiers,
qui lui permettraient de gouverner par
décret.
la Chambre les lui accorde.
Mais
devant le refus du Sénat, il démissionne
le 21 juin 1937.
JEAN RENOIR.
UN CINÉASTE
ENGAGÉ
le metteur en scène Jean Renoir (1894-
1979) demeure la figure emblématique
de l'engagement miiMnt des artistes au
service du Front populaire.
Antifasciste et
pacifiste, le fils du peintre Auguste Renoir
se rapproche du parti communiste au
lendemain du 6 février 1934.
les films
qu'il réalise durant ces années marquent
l'apogée du «réalisme poétique».
Ils
mettent en scène, avec un humanisme
parfois na·�.
des personnages issus du
peuple, dans un contexte social marqué
par la crise (Les Bas-Fonds, 1937, La Bête
humaine, 1938).
Le Crime de M.
Lange
(1936), dont le scénario et les dialogues
sont signès par Jacques Préve� exahe la
fratern�é du monde ouvrier, par
oppos�ion à la vénal�é du patronat
Dans La Règle du jeu (1939), il brosse un
portra� acide des mœurs de la
bourgeoisie.
Financée grâce à une
souscription levée par la CGT, La
Marseillaise {1938) évoque, sous couvert
de recon�on historique, l'attente et LA
DISLOCATION
la chute du cabinet Blum amorce
le mouvement qui conduit
à la dislocation du Front populaire,
en avril 1938.
le radical Camille Chautemps est
nommé à Matignon.
léon Blum
devient vice-président du Conseil.
les socialistes acceptent de participer
au nouveau cabinet, mais celui-ci
se contente de gérer les affaires
courantes.
Seule mesure d'impm1ance :
la nationalisation et le regroupement
des nombreuses sociétés de chemins
de fer, qui donne naissance à la SNCF.
Un second ministère Chautemps,
sans la SFIO cette fois, est formé
en janvier 1938.
le 13 mars 1938, léon Blum est rappelé
à la présidence du Conseil.
Mais
ce retour est éphémère : début avril,
le Sénat lui refuse à nouveau les pleins
pouvoirs financiers.
le radical Édouard Daladier lui succède
le 10 avril.
li s'appuie sur la droite pour
former son ministère, qui ne compte
aucun socialiste.
la coalition des partis
de gauche a vécu.
Par décrets-lois (12 novembre), le
gouvernement décide d'aménager la loi
des 40 heures pour, selon l'expression
du président du Conseil, « remettre
la France au travail >>.
la CGT riposte
en appelant à la grève générale
{30 nov.).
C'est un échec retentissant.
la mobilisation est faible, signe du
découragement des ouvriers, et le
mouvement durement réprimé par
les forces de l'ordre.
Les espoirs dé�us
la formation du cabinet Daladier
marque la fin de l'exercice du pouvoir
par le Front populaire, dont le bilan
est mitigé.
S'il n'a pas réussi à sortir
la France du marasme économique,
son œuvre législative a profondément
modifié les structures économiques,
sociales mais aussi culturelles du pays.
Ces deux années de gouvernement ont
exacerbé les passions politiques.
le
régime républicain en sort affaibli.
De profondes fractures idéologiques
traversent l'opinion française, alors
que les ambitions hitlériennes
menacent plus que jamais la paix
en Europe.
l'espoir qui animent les masses
populaires en 1936.
Tournée alors que grand� la menace
de guerre en Europe, Llr GtwJide
Illusion (1937) incarne les valeurs
de paix défendues par le Front populaire.
Ce film pacifiste, mettant en scène des
soldats français et allemands pendant
la bataille de Verdun,
est un appel
au rapprochement
et à l'amitié entre les
peuples, par-.
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