France de 1980 à 1989 : Histoire
Publié le 01/12/2018
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Le 10 mai 1981. une partie de la France danse sur les places publiques pour fêter lelection de François Mitterrand à la présidence de la République. Celui-ci disposera peu après de la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Une surprise qui ne rencontre pas un écho unanime:
d'autres envisagent avec crainte, voire avec effroi, le «changement», selon l'expression consacrée du moment. En vingt-trois ans, la Ve République n'a jamais connu l'alternance. La décennie s'ouvre sur une figure de politique intérieure inédite. Puis les semi-alternances vont se succéder. En 1986.
avec le changement de majorité à l’Assemblée nationale, la nomination d’un Premier ministre qui n'appartient pas à la majorité présidentielle et la mise en pratique inédite de la cohabitation. En 1988, avec de nouveau une majorité univoque à l'Élysée et au Palais-Bourbon. Cette tourmente dans le paysage politique a-t-elle modifié les comportements des partis, le poids relatif des institutions, les us et coutumes de la vie publique française?
L’échiquier politique, en vérité, a accueilli quelques nouveaux venus. La montée du Front national, en 1984, puis l’affirmation des Verts, en 1989 ont contribué à modifier le débat et le jeu des acteurs politiques, ont contraint les partis à se repositionner en fonction de ces nouvelles forces, même si leur poids dans le fonctionnement institutionnel est demeuré quelque peu marginal. Mais ce que les alternances ont provoqué, de manière plutôt inattendue, ce sont de nouvelles solidarités, pour le meilleur et pour le pire, entre les partis qui, depuis 1984 et le départ des communistes du gouvernement, ont participé à la gestion des affaires du pays.
Nouvelles convergences
Nouvelles convergences sur le plan économique, tout d’abord. Après le premier tournant de 1982, deux positions se sont affrontées au sein même du parti socialiste au pouvoir, jusqu’en 1984: fallait-il tenir compte de la contrainte extérieure, adopter une rigueur budgétaire et monétaire telle que la France puisse se maintenir dans le Système monétaire européen (SME), que le franc puisse faire face au deutsche Mark sans encourir des dévaluations à répétition? Fallait-il s’isoler de nos partenaires, sortir du SME et favoriser une relance du marché intérieur qui serait assortie de mesures protectionnistes? Le débat a été définitivement tranché en 1984, avec la formation du gouvernement Fabius. Depuis, le consensus global qui règne sur la gestion de la chose publique jusqu’au fameux «ni-ni» prononcé par le président de la République après sa réélection (ni nationalisations ni privatisations) montre l’importance du chemin parcouru en moins de dix ans. Nouvelles convergences également sur les rapports des partis politiques à l’argent. Jusqu’en 1981, c’est principalement la droite qui avait eu accès aux facilités de trésorerie qu’octroie le pouvoir: fonds secrets, «gratifications» des entreprises liées en particulier aux commandes publiques... La gauche, dès lors, va elle-même découvrir et utiliser ce fonctionnement. Tout le monde, de ce fait, a les «mains sales» et se trouve, d’une certaine façon, contraint de les avoir puisque aucune disposition législative ne réglemente le financement des partis et des campagnes politiques. Il faudra attendre la fin de l’année 1987 et l’onde de choc provoquée par l’affaire des ventes d’armes illicites à l’Iran pour qu’une initiative dans ce sens voie le jour. «Il faut en finir avec cette boue», déclare François Mitterrand dans une interview, avant d’inviter tous les chefs de partis à se réunir pour trouver un terrain d’entente législatif. En mars 1988, un projet de loi flou est voté au Parlement après des heures de discussions, de marchandages et d’affrontements. Quelques mois plus tard, les députés doivent voter la loi d’amnistie consécutive à l’élection présidentielle. Ils y ajoutent un amendement. En même temps que la grâce faite aux automobilistes délivrés de leurs contraventions et que la prescription des délits patronaux et syndicaux, est passée discrètement l’éponge sur les fausses factures. Sont ainsi amnistiés les délits commis «en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques». En octobre 1989, deux nouveaux projets de loi concernant le financement des campagnes et des partis sont adoptés en première lecture. Si les alternances ont contribué au partage des responsabilités, elles n’ont toujours pas réussi à moraliser la vie politique.
Nouveaux équilibres institutionnels 1981,1986,1988: ces trois dates déterminantes ont-elles amorcé des changements dans le poids relatif des institutions? «Une Constitution qui vient d'assurer au pays trente ans de paix civile est, sans aucun doute, et quels que soient ses défauts par ailleurs, une bonne Constitution», écrivait Jacques Julliard dans la revue le Débat à propos de la «monarchie présidentielle». Le dernier doute qui planait sur elle, à savoir sa capacité à résoudre l'imbroglio qui naîtrait, pensait-on, d’une discordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire a été levé pendant la période dite de cohabitation (1986-1988). La cohabitation, en effet, a démontré la robustesse de la Constitution face à une figure politique inédite. Qu’en est-il, maintenant, du poids relatif des institutions? L’un des faits marquants des années quatre-vingt est sans doute l’intervention de plus en plus fréquente du Conseil constitutionnel sur la scène politique. Jusqu’à l’alternance de 1981, le Conseil constitutionnel, dont les membres sont pourtant désignés par la majorité en place, est considéré comme une arme de guerre juridique et procédurière de l'opposition, qui peut ainsi gagner du temps, relancer des polémiques trop rapidement escamotées au Palais-Bourbon et éventuellement marquer quelques points dans la bataille idéologique qui l’oppose au pouvoir. Avec l’alternance, le poids du Conseil constitutionnel se renforce du fait même du changement de majorité. En 1982, la droite s’est servie de cette institution pour dénoncer le bien-fondé des nationalisations. En 1986, la gauche a fait de même pour freiner le raz-de-marée des privatisations. En 1986, toujours, l’institution du Palais-Royal a refusé le projet du RPR et de l'UDF sur le pluralisme de la presse. Ce rôle accru du Conseil constitutionnel dans les débats partisans, affirmé dans les années quatre-vingt, n’a pas manqué de lancer la polémique sur «le pouvoir des juges». «Qui gardera désormais les gardiens?», s'interrogeait Edgar Faure.
Si le Conseil constitutionnel a manifesté quelques signes qualitatifs d’évolution, il n’en va pas de même des autorités administratives indépendantes et autres commissions. De la Haute Autorité de l’audiovisuel au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), en passant par la CNCL (Commission nationale de la communication et des libertés) ou la CNIL (Commission nationale Informatique et Liberté), il semble que l’Etat jacobin ait eu le plus grand mal à accomplir les métamorphoses de sa démocratie. Les années quatre-vingt ont affiché, incontestablement, une volonté de déléguer certains pouvoirs à des arbitres indépendants et compétents. Ce goût nouveau pour les «sages», s’il est apparu nettement durant cette décennie, a pourtant du mal à trouver son aboutissement. Seul le degré d'indépendance manifesté par les plus visibles de ces nouvelles institutions permettra de savoir si elles comptent, ou non. parmi les principales créations institutionnelles de la décennie.
La prééminence de l’exécutif sur le législatif
Les alternances et la cohabitation ne semblent pas, en revanche, avoir eu de répercussion significative sur le poids relatif de l'exécutif et du législatif. Le poids écrasant, permanent du second sur le premier fait souvent l’objet de discussions et de disputes. Il est, pour les uns. la garantie de la stabilité institutionnelle. Il représente, pour d’autres, le signe tangible d'une démocratie bancale. Qu'en est-il exactement? Plutôt que de se livrer à une analyse exhaustive des rapports entre les deux pouvoirs, on peut citer quelques chiffres qui donnent la mesure du phénomène. Malgré de légères variations annuelles, pas plus de 10 % en moyenne des textes votés à l'Assemblée nationale proviennent de l’initiative parlementaire. L’article 49 alinéa 3, qui permet de faire adopter un texte sans vote de l'Assemblée nationale, moyennant l’engagement de la responsabilité du gouvernement, n’est plus «l’ultime sauvegarde pour les cas exceptionnels» qu’y voyait Michel Debré en 1958. Entre 1958 et 1974, l'article 49-3 ne sera utilisé que quatre fois. Autant que durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. En cinq ans, de 1981 à 1986. l'article 49-3 sera utilisé onze fois. Jacques Chirac.
«
François
Mitterrand,
au lendemain de sa victoire
à l'élection présidemielle
dtt JO mai 1981.
© D.
Goldberg · Sygma
Dessin de Plamu concemant
le paysage audiovisuel françai s.
© Planlll · Le Monde tourmente
dans le paysage poli t ique
a-t -elle modifié les comportements des
partis, le poid s relatif des institutions,
les us et coutumes de la vie publique
fr anç aise?
L'échiquier polit iq u e, en vérité, a
accueilli quelques nouveaux venus.
La
montée du Front national, en 1984,
p u is l'affirmation des Verts, en 1989
ont contribué à modifier le débat et le
jeu des acteurs politiq ues , ont
contraint les part is à se repositionner
en fonction de ces nouvelles forces,
même si leur poids dans le
fonctionnement institutionnel est
demeuré quelque peu margina l.
Mais
ce que les alternances ont provoqué ,
de manière plutôt inatte ndu e, ce sont
d e nouvelles solidarités, pour le
meilleur et pour le pire, entre le s partis
qui, depuis 1984 et le départ des
communistes du gouvernement, ont
participé à la gest ion des affaire s du
pays.
NouveUes convergences
Nouvelles convergences sur le plan
économique, tout d'abord.
Après le
p re m ier tournant de 1982, deux
po sitio ns se sont affrontées au sein
même du parti socia li s te au po uvoir,
jusqu'en 1984: fallait-il tenir compte de
l a contrainte extérieure, adopter une
rigueur budgétaire et monétaire telle
que la France puisse se mainte nir dans
le Systè me monétaire européen
(SME), que le franc puis se faire face
au deutsche Mark sans encourir des
dévaluations à rép étition? Fallait-il
s'isoler de nos partenaires, sortir du
SME et favo ris e r une relance du
marché intérieur qu i serait assortie de
mesures protectionnistes? Le débat a
été définitivement tranché en 1984,
avec la formation du gouvernement
Fabius.
Depuis, le consensus global qui
règne sur la gestion de la chose
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p ro non cé par le président de la
République après sa réélection (ni
nationalisations ni privatisations)
montre l' im po rtan ce du chemin
parcouru en moins de dix ans.
Nouvelles convergences également sur
les rapports des partis politiques à
l'argent.
J usq u'en 1981, c'est
p rinc ip alem ent la droite qui avait eu
accès aux facilités de trés ore rie qu'
octroie le pouvoir: fonds secrets,
> des entreprises liées en
particulier aux commandes
p ub liqu es ...
La gauche, dès lors, va
elle-même déco uv rir et utiliser ce
fonctionnement.
Tout le monde, de ce
fait, a les «mains saleS>> et se trouve,
d'une certaine façon, contraint de les
avoir puisque aucune dis posit ion
législative ne réglemente le
financement des partis et des
campagnes politiqu es.
Il faudra
attendre la fin de l'année 1987 et l'onde
de cho c pro vo quée par l'affaire des
ventes d'armes illi cites à l'Iran pour
qu'une initiative dans ce sens voie le
jour.
«Il faut en finir avec cette boue»,
déclare François Mitterrand dans une
interview, avant d'inviter tous les chefs
de partis à se réunir pour tr ouve r un
terrain d'entente lég is latif.
En mars
1988, un proj et de loi flou est voté au
Parlement après des heures de
discussions, de marc han dages et
d'affrontements.
Quelques mois plus
tard, les députés doivent voter la loi
d'amnistie consécutiv e à l'élection
présidentielle.
Ils y aj ou tent un
amendement.
En même temps que la
grâce faite aux automobilistes délivrés
de leurs contraventions et que la
prescription des délits patronaux et
syndicaux, est passée discrètement
l ' é ponge sur les fausses fact ure s.
Sont
ainsi amnistiés les délits commis ,
écrivait Jacques Julliard dans la revu e
le Débat à propos de la «monarchie
pr ésiden tie lle>> .
Le dernier doute qui
pl anait sur elle, à savoir sa capacité à
résoudre l'imbroglio qui naîtrait,
pensait-on, d'u ne discordance entre la
ma jorit é prési den tiell e et la majorit é
parl emen taire a été levé pendant la
pér iod e dite de cohabitation {1986-
1988).
La coha bi ta tion , en effet, a
démontré la robustesse de la
Constitution face à une figure politique
inédite.
Qu'en est-il, maintenant, du
poids relatif des institutions? L'un des
faits marquants des années quatre
vingt est sans doute l'intervention de
plus en plus fréquente du Conseil
constitutionnel sur la scène politique.
Jusqu'à l'alternance de 1981, le Conseil
con stit u ti onne l, dont les memb res so nt
p o urta n t dés ig n és par la majo rité en
pl ace , est considéré comme une arme
de guerre juricliq ue et pro cé dur ière de
l' oppo sition , qui peut ainsi gagner du
temps, relancer des polémiques trop
ra pid em ent escamotées au Palais
Bourbon et évent uellem ent marquer
quelques points dans la batai lle
i dé olo giq ue qu i l'o ppose au pouvoir.
Avec l'a lter nance , le poids du Conseil
constitutionnel se renforce du fait
même du changement de majorité.
En
1982, la droite s'est servie de cette
institution pour dénoncer le bien-fondé
des nationalisations.
En 1986, la
g au ch e a fait de même pour freiner le
raz-de-marée cles privat isat ions.
En
1986, toujo urs , l'institution du Palais
Royal a re fu sé le proj et du RPR et de
l'UDF sur le plura lism e de la pre sse.
Ce rôle acc ru du Conseil
constitutionnel dans les débats
pa rtisan s, affirmé dans les années
q u atre -ving t, n'a pas manqué de lancer
la polémique sur «le pouvo ir des
ju ge s» .
, s'in te rrog eai t Edgar
Faure.
Si le Conseil constitutionnel a
manifesté quelques signes qual ita tifs
d'évolution, il n'en va pas de même des
autorités administratives
indépendantes et autres commissions.
De la Haut e Autorité de l'audiovisuel
au CSA (Co nse il s up érie ur de
l'audi ovis uel), en passant par la CNCL
(Commission nationale de la
communication et des lib ertés) ou la
CNIL (Commission nationale
InJormatique et Liberté), il semb le que
l ' E ta t jacobin ait eu le plu s grand mal à
acco mplir le s m étam orphoses de sa
démocratie.
Les années quatre-vi ng t
ont affiché, incontestablement, une
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compétents.
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