Extraits d'un discours de U'Thant, secrétaire général de l'O.N.U., prononcé au dîner de l'Association américaine pour les Nations unies, le 11 novembre 1963 (document et analyse)
Publié le 26/02/2011
Extrait du document
« On s'accordera à reconnaître que ces dernières années la principale source de conflits est d'ordre idéologique. Dans le domaine économique, on peut dire que c'est l'opposition entre le capitalisme et le communisme ; on a dit aussi, ce qui d'ailleurs prête à discussion, que c'était l'opposition entre la démocratie et le totalitarisme. C'est ce conflit idéologique, que l'on a appelé la guerre froide, qui a empoisonné les relations internationales dans l'après-guerre (...). Maintenant, nous devons nous occuper d'une autre source de conflit qui découle elle aussi directement de la deuxième guerre mondiale (...). Les dix premières années de l'après-guerre ont vu la plupart des pays d'Asie, libérés de la domination coloniale, acquérir leur indépendance de sorte qu'aujourd'hui il ne reste plus dans cette partie du monde que quelques vestiges du colonialisme. En Afrique, c'est seulement au cours des cinq dernières années que des progrès remarquables ont été faits dans le même sens. Actuellement, les points de tension sur le continent africain sont principalement localisés dans les territoires coloniaux qui progressent trop lentement vers l'autonomie. Combien de temps faudra-t-il pour achever le processus de décolonisation en Afrique? (...) Le monde d'après-guerre a vu une autre révolte encore, celle des pays qui ne sont pas nantis (...). Si le partage du monde entre l'Est et l'Ouest est né d'un conflit idéologique, l'écart entre les pays riches et les pays pauvres a creusé une sorte de fossé entre le Nord et le Sud. L'accroissement rapide de la population et l'absence du progrès économique et technique dans les pays en voie de développement ont provoqué une situation telle que cet écart inévitable entre pays riches et pays pauvres n'a cessé de s'élargir, et c'est là, à mon avis, une situation pleine de périls. « Questions Le candidat pourra présenter un commentaire composé de ce texte ou répondre aux questions suivantes : 1. Quels sont, pour l'auteur, les trois sources de tensions internationales au début des années 1960 ? 2. Quelle est la situation des relations Est-Ouest au lendemain de la crise de 1962 ? Comment U'Thant analyse-t-il cette situation ? 3. Quel est le bilan du processus de décolonisation en Afrique et en Asie à la date du discours ? 4. Que faut-il entendre, à cette date, par « le fossé entre le Nord et le Sud « ? Quels sont les arguments avancés par l'auteur sur ce point ? Pouvez-vous les développer ?
«
I.
La fin de la guerre froide
1.
La guerre froide, un conflit d'ordre idéologique
• Une opposition entre le capitalisme et le communisme.
Effectivement, chaque camp de la guerre froide secaractérise par une organisation économique diamétralement opposée : le capitalisme vante la supériorité del'initiative privée, individuelle, non sans admettre, d'ailleurs, une intervention croissante de l'Etat; le socialisme(davantage que le communisme qui n'en est que l'objectif final) préconise l'appropriation collective des moyens deproduction dont il attend non seulement une plus grande efficacité économique mais aussi une plus grande justicesociale.
Les deux « régimes » mesurent, à distance, leurs résultats, concernant les taux de croissance et le niveaude vie des populations et critiquent à l'envi ou contestent les réussites de leur adversaire (avant tout le bas niveaude la consommation à l'Est, la misère des « laissés-pour-compte » de la société de consommation et l'insuffisancedes services collectifs à l'Ouest).• Une opposition entre démocratie et totalitarisme.
Prudent (un secrétaire général ne doit pas prendre parti),U'Thant présente comme « discutable » cette façon de poser le problème.
Cependant l'Ouest fait valoir la pratiqueeffective des libertés collectives et individuelles dans les pays du « monde libre » et dénonce, à l'Est, letotalitarisme, la toute-puissance de l'État-parti, l'absence de respect des libertés fondamentales ; la récentedéstalinisation a donné l'apparence de la preuve à ces affirmations.
L'Est rétorque que la démocratie occidentalen'est que « formelle », que les classes dirigeantes capitalistes manipulent l'opinion par le biais des médias qu'ilscontrôlent, etc.
Le camp socialiste se présente comme le défenseur de la démocratie sociale, « éclairée » par leparti qui représente le prolétariat ; les théoriciens affirment que les libertés populaires sont parfaitement respectéesmais que ces libertés ne sauraient s'étendre aux « ennemis » du peuple ; quant au stalinisme, il est présenté commeune déviation regrettable mais provisoire que les partis socialistes ont su redresser.
• U'Thant n'analyse pourtant pas les vraies raisons de la guerre froide.
Les oppositions qu'il présente commefondamentales, pour réelles qu'elles soient, ne sont en partie que le camouflage soigneusement entretenu d'uneréalité plus profonde, la rivalité des deux blocs au niveau de la puissance.
La confrontation Est-Ouest qui a dominéla vie internationale est peut être due à l'agressivité de l'un des deux camps, impérialisme américain ouexpansionnisme soviétique ; elle est peut-être due aussi, sinon principalement, à la peur que chaque camp inspire àl'autre.
2.
La fin de la guerre froide
Quoi qu'il en soit, U'Thant semble considérer que la guerre froide est finie.
En effet, à la fin de 1963, on peutobserver que :
• La crise des fusées en 1962 a mené le monde au bord de la guerre nucléaire.
Mais « l'équilibre de la terreur » et lesperspectives de destructions terribles et réciproques a imposé la solution de sagesse aux dirigeants : retrait desfusées soviétiques en échange de la promesse américaine de ne pas intervenir militairement à Cuba.
• La détente ou la « coexistence pacifique » amorcée à la fin des
années cinquante (discours de Khrouchtchev, entretien de Camp David), mais interrompue par la crise de Berlin,l'affaire de l'U2 et la crise du Congo, peut alors reprendre.
• Les progrès enregistrés semblent confirmer l'optimisme de U'Thant : Mac Namara élabore la stratégie de la «risposte graduée » pour remplacer la stratégie, fort dangereuse, dite des « représailles massives » de Dulles ; le «télétype rouge » est installé après la crise des fusées et les deux grandes puissances décident de suspendre leursexpériences nucléaires.
II.
L'achèvement du processus de décolonisation
Les problèmes de la décolonisation sont les sources principales des conflits en 1963.
1.
Une conséquence directe de la Seconde Guerre mondiale
• L'affaiblissement des puissances sévèrement battues militairement et qui, après la guerre, ne disposent plus deforces suffisantes pour maintenir leurs Empires par la force, du moins dans leur totalité.
• Le renforcement des volontés d'indépendance, déjà manifestées avant la guerre par certaines élites (cf.
Gandhi,Bourguiba, etc.) mais qui ne disposaient pas d'une audience populaire suffisante.
• L'action et la propagande des puissances de l'Axe ont été, localement déterminantes.
Les Allemands ne sont pasparvenus à susciter un soulèvement en Égypte qui leur aurait ouvert la route de Suez en 1941-1942, mais ils ontfomenté en Irak la révolte arabe de Rachid Ali.
Les Japonais ont soutenu le « gouvernement » nationaliste indien deVinobha Bhave en exil, porté au pouvoir Soekarno aux Indes néerlandaises, favorisé Hô Chi Minh au Viêt-nam endésarmant les troupes françaises..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Extraits d'un discours de U'Tbant, secrétaire général de l'O.N.U., prononcé au dîner de l'Association américaine pour les Nations unies, le 11 novembre 1963 (l'émergence du tiers monde)
- Analyse du discours de Charles De Gaulle à l’hôtel de ville de Paris le 25 août 1944 Ce document est un discours prononcé par le général De Gaulle, à l’hôtel de ville de Paris le 25 août 1944.
- Hammarskjöld Dag, 1905-1961, né à Jönköping, fonctionnaire, légiste et spécialiste d'économie politique suédois, secrétaire général des Nations unies de 1953 à 1961.
- Extraits du discours du général George Marshall prononcé à l'université de Harvard le 5 juin 1947 (histoire)
- Analyse de document : Discours des 5 libertés d'Adolphe Thiers