Etats-unis d’amérique de 1910 à 1919 : Histoire
Publié le 12/01/2019
Extrait du document
Les années dix apparaissent pour les observateurs extérieurs comme celles de l'intervention militaire américaine dans le conflit européen. Mais elles sont aussi celles d'un profond changement dans l’administration, avec l'arrivée au pouvoir des démocrates et de leur dirigeant. Woodrow Wilson. L'événement est important à plus d'un titre. D'abord, parce que depuis la guerre de Sécession les démocrates ont été pratiquement exclus du pouvoir suprême (à l'exception des deux présidences de Grover Cleveland). Ensuite, parce qu'ils se lancent délibérément dans une entreprise réformiste qui vise avant tout à moraliser la vie politique et les pratiques économiques. Le progressisme de Roosevelt avait frayé la voie. Wilson entend bien le dépasser.
Le retour des démocrates: Thomas Woodrow Wilson
Le vainqueur de l'élection présidentielle de 1912 est peu connu de ses contemporains: son horizon politique s'est limité jusqu'alors au New Jersey dont il est gouverneur depuis deux ans et où il s'est attaché, avec un certain succès, à réformer l'administration locale. Originaire de Virginie, il est le premier président sudiste depuis plus d'un demi-siècle. Ce n'est pas le barreau qui l'a mené à la politique, mais l'université: il est le seul universitaire, formé il est vrai au droit et à la science politique, qui ait jamais accédé à la présidence des États-Unis. Sa brillante carrière l’a conduit à Princeton, dont il est le président de 1902 à 1910 et où il se distingue déjà par son ardeur réformatrice. Én 1912, il remporte la victoire sur les deux précédents dirigeants de l’État fédéral : Théodore Roosevelt, qui se présentait sous la nouvelle étiquette progressiste, et
William Howard Taft, sous la traditionnelle étiquette républicaine. Désormais. Wilson entend poursuivre son action réformatrice au niveau le plus élevé. Rompant avec une pratique qui remontait aux origines de la République, il se considère comme chef d'État et chef de parti et, à ce titre, présente en 1913 un programme cohérent, le Newr Freedom, qui s'inspire des écrits de réformateurs comme Herbert Croly, Jane Addams ou Walter Lippmann et surtout du juriste Louis Brandeis. L'ennemi n° 1. ce sont les trusts, auxquels s’étaient déjà attaqués ses deux prédécesseurs, avec un succès inégal. Mais auparavant, d'autres réformes s'imposent.
Les réformes
D'abord, celle des banques et de l’émission de monnaie. Les États-Unis
sont alors le seul pays industriel à ne pas posséder de banque centrale, chacun des quarante-huit États obéissant à des règles différentes. Il en résulte une certaine anarchie et une instabilité économique, dont la dernière manifestation a été la crise de 1907. Les tentatives de réorganisation précédentes se sont toutes heurtées à la méfiance des États, des fermiers et même des banquiers qui redoutent la mainmise du pouvoir fédéral dans leurs affaires. Entre l’excès de liberté et l'excès de réglementation, la voie est étroite.
Aussi le projet adopté en 1913, le Fédéral Reserve System, a-t-il toutes les allures d’un compromis. Le territoire américain est divisé en douze districts, pourvus chacun d'une banque fédérale chargée de réguler l’émission de papier monnaie et de contrôler le crédit. L'ensemble est coordonné par un bureau de la Fédéral Reserve Board
«
Discours
de Tlromas Woodrow
Wilson peu de temps après son
invesliture à la présidence
en 1912.
© The Betmumn Archive
Ctttilltllt du coton aux
lUJts·Unis.
© The Bettmann Archive siégeant
à Washington.
Ainsi se trouve
écarté l'obstacle d'une banque
centrale, unique et unificatrice,
incompatible avec le régime fédéral.
Le retour des démocrates au pouvoir
se signale aussi par un renversement de
la politique douanière.
Depuis la
guerre de Sécession, les
administrations républicaines
successives avaient maintenu et
renforcé un régime protectionniste qui
favorisait les intérêts des producteurs,
leurs électeurs, aux dépens des
consommateurs.
Représentants du Sud
exportateur de coton et des masses
urbaines, les démocrates donnent la
priorité à un nouveau tarif, dit
Underwood, qui abaisse les droits
d'importation de 30 % et libère
complètement un certain nombre de
matières premières et de produits
semi-finis.
La contrepartie fiscale est
l'instauration d'un impôt sur le revenu,
rendu possible par l'adoption du
16' amendement en 1913.
Dans le domaine social,
l'administration démocrate est moins
heureuse.
Un projet de réglementation
du travail des enfants est rejeté comme
anticonstitutionnel.
L'extension du
suffrage aux femmes, soutenue par les
manifestations pittoresques des
suffragettes, se heurte à l'opposition
farouche des sectes puritaines et devra
attendre le 19' amendement en 1920
pour devenir réalité.
Quant aux
tentatives pour contrôler
l'immigration, elles se heurtent au
refus du président lui-même.
Cependant, les pratiques politiques se
démocratisent et se moralisent.
En
vertu du 17• amendement (1913).
l'élection
des sénateurs se fait
désormais au suffrage up.iversel.
À
l'exemple de plusieurs Etats de
l'Ouest, dont le Wisconsin, le choix des
candidats aux fonctions électives est
enlevé aux machines des partis pour
être confié à des primaires, où tous les
adhérents d'un parti choisissent leur
candidat aux élections.
C'est surtout au
niveau des gouvernements municipaux
que les mœurs politiques se
transforment : les féodalités locales
sont peu à peu remplacées par des
équipes nouvelles, qui s'inspirent de
l'expérience tentée par Robert La
Follette dans le Wisconsin depuis les
dernières années du xtx' siècle
(contrôle des chemins de fer,
municipalisation des services publics,
lutte contre la corruption).
Mais la lutte contre les trusts demeure
essentielle.
Les poursuites engagées
dans la première décennie du siècle
avaient mis en lumière les insuffisances
de la loi Sherman.
Certains trusts,
comme la Standard Oit, avaient été
démembrés, d'autres, comme la
United States Steel, avaient été jugés
«raisonnables• en dépit de leurs
dimensions.
Au nom de quoi? D'une
distinction subtile et subjective entre les
bons et les mauvais trusts.
Les
démocrates, poussés par Brandeis,
désiraient affermir la législation: en 1914
est créée une Commission fédérale du
commerce.
chargée de la régulation des
corporations (sociétés par actions), une
nouvelle loi antitrust {Clayton) dressant
la liste des pratiques interdites.
La fin de la neutralité
Les démocrates n'ont transformé ni
l'économie ni la société américaines,
mais ont au moins moralisé l'État et
ouvert la voie à un libéralisme qui ne
favorise plus exclusivement les milieux
d'affaires: la New Freedom de Wilson est
l'antichambre du New Deal de
Franklin D.
Roosevelt.
Cependant,
dès la fin de 1914, l'ardeur réformiste
s'essouffle, même si la nomination de
Louis Brandeis à la Cour suprême en
1916 est un succès pour les
progressistes.
À ce moment, la guerre
en Europe rappelle aux Américains
leurs responsabilités mondiales.
Certes les Américains, et Wilson le
premier, sont profondément attachés à
la paix, mais les circonstances sont
contraires.
Les nuages s'accumulent
aux portes mêmes des États-Unis, dans
ce Mexique en proie à l'instabilité
depuis l'élimination de Porfirio Dîaz en
1911.
Des factions rivales sc disputent
le pouvoir, mettant en danger, selon la
version officielle, les intérêts
américains.
En 1916, Wilson décide de
confier au général Pershing une
expédition punitive, qui se révèle
inefficace.
L'année suivante, les
troupes doivent se retirer.
L'opération aura pourtant permis de
désigner le chef militaire appelé à
diriger plus tard le corps
expéditionnaire en Europe.
Depuis 1914, les États-Unis
maintiennent une neutralité aussi
prudente que malaisée.
Les prêts
consentis aux Amés par les banques
américaines ne peuvent-ils pas être
considérés comme une violation de
cette neutralité à laquelle le pays veut
se tenir? Victimes des excès de la
guerre sous-marine menée par
l'Allemagne avec le torpillage du
paquebot britannique Lusitania en
1915 où périssent cent dix-huit
passagers américains, les États-Unis
sont directement affectés par le conflit.
Entre les besoins des AUiés et les
provocations allemandes, la voie est
étroite pour un gouvernement novice
en politique extérieure.
Après une
suite d'atermoiements, les relations
diplomatiques sont rompues.
le.
»
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