Discours de Nasser du 26 juillet 1956 La nationalisation du canal de Suez
Publié le 26/02/2011
Extrait du document
« ... La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est. Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l'Egypte. La compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120 000 Égyptiens qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. Nous irons de l'avant pour détruire une fois pour toutes les traces de l'occupation et de l'exploitation. Après cent ans, chacun a retrouvé ses droits, et aujourd'hui nous construisons notre édifice en démolissant un État qui vivait à l'intérieur de notre État ; le canal de Suez pour l'intérêt de l'Égypte et non pour l'exploitation. Nous veillerons aux droits de chacun. La nationalisation du canal de Suez est devenue un fait accompli : nos fonds nous reviennent, et nous avons' 35 millions de livres en actions. En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet, le même jour nous nationalisons la Compagnie du canal de Suez. Nous réalisons ainsi une part de nos aspirations et nous commençons la construction d'un pays sain et fort. Aucune souveraineté n'existera en Égypte à part celle du peuple de l'Égypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l'industrialisation, et un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. Nous réaliserons, en outre, une grande partie de nos aspirations et construirons effectivement ce pays car il n'existe plus pour nous quelqu'un qui se mêle de nos affaires. Nous sommes aujourd'hui libres et indépendants.
Aujourd'hui, ce seront les Égyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du canal, qui prendront consignation de ses différentes installations et dirigeront la navigation dans le canal c'est-à-dire dans la terre d'Égypte. « Gamal Abdel NASSER, Discours d'Alexandrie dans « Journal d'Egypte «, 27 juillet 1956. Questions Le candidat rédigera un commentaire composé de ce document en s'aidant, s'il le souhaite, des questions suivantes : 1. Présentez le colonel Nasser, auteur du discours, en vous référant au texte. 2. La nationalisation trouve-t-elle son origine dans les relations de l'Égypte avec d'autres États ? 3. En quoi la nationalisation apparaît-elle comme une décision économique et politique importante ? 4. La nationalisation implique-t-elle des risques de « complots impérialistes « comme il en existe selon Nasser? Si oui, de quoi s'agit-il ?
«
défaite de 1948 face à Israël, il fait partie du groupe des « officiers libres », nationalistes, qui, en juillet 1952, sousla direction du général Neguib, renversent le roi Farouk.
Nasser est la cheville ouvrière du complot.
Jugeant Neguibtrop conservateur et modéré, il l'évincé, dès 1954, pour promouvoir le « socialisme arabe ».
C'est à l'occasion de lacommémoration de la chute de la dynastie qu'il prononce son discours devant les foules massées à Alexandrie.
• La décision de nationaliser le canal de Suez provoque une totale surprise.
Le coup de force enthousiasme unpeuple écrasé de misère, trop longtemps humilié par l'occupation étrangère puis par sa haine impuissante d'Israël.
Lastructure, passablement embrouillée de l'allocution, contraste avec la composition généralement bien ordonnée destextes des hommes d'État occidentaux.
Mais ce désordre traduit sans doute le caractère partiellement improvisé dudiscours d'un orateur porté par la foule : l'exaltation est souvent plus mobilisatrice que le strict raisonnement.
• Deux thèmes majeurs ressortent cependant du discours de Nasser.
Il s'efforce d'abord de justifier la nationalisationdu canal en présentant l'indépendance économique comme le corollaire inévitable de l'indépendance politique.
Il faitaussi allusion au « complot impérialiste » qui rappelle le contexte international particulier dans lequel s'effectue lanationalisation.
I.
L'achèvement de l'indépendance
Théoriquement indépendante depuis 1922, l'Égypte avait dû cependant, jusqu'en 1951, accepter la présence detroupes britanniques dans la zone du canal.
Mais, par la suite, l'indépendance effective de l'Égypte est limitée par lesous-développement qui la soumet aux pressions des puissances occidentales et, plus encore, au poids déterminantde la Compagnie du canal dont la puissance financière en fait un véritable État dans l'État.
1.
L'affirmation d'un droit
• Un droit moral.
La construction du canal est le fruit du labeur du peuple égyptien qui, pendant dix ans, de 1859 à1869, a assuré le percement de la voie d'eau, au prix d'innombrables victimes.
De plus, comme semble le suggérer laformule « après 100 ans chacun a retrouvé ses droits », Nasser estime que les actionnaires de la Compagnie ont vuleurs « droits » de financiers et d'investisseurs suffisamment rémunérés par les bénéfices et dividendesconsidérables procurés pendant un siècle par l'exploitation du canal.
• Un argument juridique.
La Compagnie du canal est une société anonyme égyptienne ; quelle que soit la nationalitédes actionnaires, la Compagnie relève donc de la juridiction égyptienne.
Par conséquent, Nasser estime que l'Étatégyptien a le droit de modifier à sa guise le statut des entreprises exerçant sur son territoire.
Les Etatsoccidentaux, France et Angleterre notamment, n'ont-ils pas eux-mêmes nationalisé, après la Seconde Guerre, desentreprises privées ?
• Un droit fondamental.
Tout pays, affirme Nasser, a le droit de refuser l'exploitation coloniale, néo-coloniale ouimpérialiste qui le prive des fruits de son travail ou de ses richesses nationales.
Nasser, du reste, n'innove pas : leMexique et l'Iran de Mossadegh, par exemple, avaient déjà nationalisé des compagnies, principalement pétrolières,contrôlées par des capitaux étrangers.
Mais le coup d'éclat de Suez ne pouvait qu'inciter d'autres pays fraîchementindépendants à suivre cette voie.
Dans ce sens, la nationalisation du canal s'intègre dans le vaste mouvement dedécolonisation qui bouleverse le monde depuis la fin de la guerre.
2.
Une nécessité
« La construction d'un pays sain et fort » passe par son développement, le progrès de son agriculture et sonindustrialisation.
Or, il n'est pas de développement possible sans apport massif de capitaux.
C'est ici qu'apparaît lelien entre la nationalisation du canal et la construction du barrage d'Assouan.
• Le barrage d'Assouan, immense projet, vise » r^ ;iir les eaux du Nil en amont d'un gigantesque barrage.
L'Egyptecompte en tirer une énergie hydro-électrique, fondement de l'industrialisation du pays et surtout une réserve d'eaulimoneuse permettant d'augmenter d'environ 450 000 hectares la superficie irriguée d'un pays qui ne vit que grâceaux eaux du Nil.
• Une aide technique et financière étrangère considérable était indispensable pour assurer la réalisation d'un telprojet.
Nasser s'était adressé aux États-Unis.
Mais le secrétaire d'État, Foster Dulles, inquiet de la politique «neutraliste » suivie par l'Égypte, voire de la dérive vers le camp socialiste qu'il croit déceler dans la livraison àl'Égypte d'armes tchécoslovaques, entend faire pression sur Nasser en n'accordant pas l'aide américaine.
Refusantde céder au « chantage », Nasser n'a plus d'autre issue que de s'approprier les revenus du canal et de faire appelaux Soviétiques pour obtenir leur assistance technique et financière.
II.
Le « complot impérialiste »
Le « complot impérialiste », pressenti et dénoncé par Nasser dans son discours, se développe effectivement troismois plus tard.
1.
Les motifs de l'intervention.
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