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Des chantiers de jeunesse à la Résistance - Seconde guerre mondiale (Histoire)

Publié le 23/01/2019

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histoire

LES CHANTIERS DE JEUNESSE

Paradoxalement, c’est donc l’Armée elle-même qui parviendra à réaliser une sorte de mouvement de jeunesse vichyssois par le biais des Chantiers de Jeunesse, destinés à accueillir, en substitution de l’appel sous les drapeaux provisoirement suspendu, les jeunes gens incorporables. Cet appel « civil » fut rendu obligatoire dès janvier 1941 dans la zone libre.

 

Ses neuf mois ne comportaient aucune préparation militaire. Ils étaient, théoriquement, consacrés pour partie à des travaux ruraux d’utilité publique, principalement forestiers, et à des exercices physiques rudes censés retremper l’âme des jeunes anémiée par l’ambiance délétère de l’avant-guerre et des villes corruptrices (comme l’écrivait France-Montjoie, journal d’un Chantier de Jeunesse : « Avant 1940 : le jeune cherche à se défiler, le jeune brutalise les animaux, le jeune n’obéit qu’à ses instincts (...). Après 1940 : le jeune n’a qu’une parole, le jeune aime tous les Français, le jeune a confiance dans ses chefs, le jeune est propre dans ses pensées, ses paroles, ses actions »), pour une autre à des cours sur l’ordre social et moral et l’Histoire de France, suivis des traditionnelles festivités scoutes : feux de camp et chants.

 

Leur réalité fut souvent réjouissante. Comme s’en souvient Yves Montand :

 

« Nous étions enfermés dans un camp de baraques édifié sur des marais à demi asséchés, près de Hyères. Nous luttions contre la faim, les puces, les punaises, les moustiques, l’ennui. Nous regardions battre la mer. Marcher au pas, faire des exercices apparemment inutiles, évoluer en formations, couper du bois, pelleter, construire des baraquements, courir... triste camp ! »

 

Comme le disait le général de La Porte du Theil, artisan de la première heure des Chantiers : « A la caserne, on vit dans la promiscuité ; au camp, on vit en communauté. La différence est immense. »

 

Pour autant, celui-ci ne négligea pas la mission proprement militaire des Chantiers, même si elle était tenue à la discrétion : en effet, l’aspiration diffuse de nombre de cadres de l’Armée, et, en tout cas, celle de La Porte du Theil, était de préserver en zone libre un semblant de conscription, dans l’éventualité d’une reprise des hostilités contre les Allemands. De fait, les premiers temps de Vichy, nombreux furent ceux, même parmi les premiers résistants, qui crurent à un double jeu du maréchal Pétain, voire à une manœuvre à deux têtes : De Gaulle à Londres et Pétain à Vichy, destinée à tromper Hitler en attendant le moment propice pour la contre-attaque.

 

Aussi les Chantiers servirent-ils par exemple à cacher armes et matériels divers dans cette perspective et conservèrent-ils tous les signes extérieurs d’une armée : défilés, garde-à-vous, salut aux couleurs, etc. Il manquait un uniforme, qui ne pouvait bien sûr être celui ordinaire de l’Armée française : on en créa un, vert forestier, composé d’une tunique, d’un béret, d’une culotte de golf plus foncée et de chaussettes blanches ; les insignes ne furent pas oubliés : J.F. entrelacés, barrettes et étoiles brodées or pour les grades...

UNE JOURNÉE AUX CHANTIERS

06 h 30 : Réveil et petit-déjeuner

 

07 h 30 : Levée des couleurs

 

07 h 45 : Sports

 

09 h 00 : Activités diverses

 

10 h 00 : Jeux libres

12 h 00 : Déjeuner

 

13 h 30 : Travail

 

17 h 30 : Temps libre

 

18 h 00 : Dîner

 

19 h 00 : Veillée

 

21 h 30 : Couvre-feu

a jeunes du Service Civique Rural au Centre du Plessis-Paté (Seine-et-Oise) en juin 43.

Lapi-Viollet

AU NEZ ET A LA BARBET]

Réduite dans un premier temps à 100 000 hommes par les conventions d’armistice de juin 40, l’Armée française s’efforcera avant même le 25 juin de préserver l’avenir et de préparer son retour dans la guerre.

 

Les drames de Mers-El Kébir (3 juillet 40) et de Dakar (23 septembre 40) assouplirent les dispositions de désarmement imposées par les Allemands et les Italiens. Ainsi, le désarmement de la Flotte fut-il suspendu et les forces stationnées outre-mer portées de 30 000 à 175 000 hommes disposant d’armement lourd.

 

Toutefois, les Allemands, méfiants, ne permirent pas que les forces métropolitaines dépassent les 100 000 h avec un armement léger et sans motorisation. Tout le matériel encore disponible en zone libre devait être stocké dans les parcs de contrôle sous autorité allemande.

 

Sans attendre, nombreux furent les combattants qui camouflèrent du matériel dans l’attente de jours meilleurs. En 41, on évaluait ce matériel à 20 milliards de francs de l’époque. Des milliers de véhicules furent camouflés au sein de sociétés privées ; toutes ces actions étaient plus connues sous le sigle CDM (Camouflage du Matériel) relevant de l’autorité de Vichy. Cet armement soigneusement entretenu devait servir à l’Armée d’armistice en cas de reprise des hostilités que l’on attendait pour... 1942 ! Parallèlement au

camouflage du matériel on prépara une mobilisation secrète dont l’ambition était de tripler les effectifs de l’Armée... Mais le CDM ne se contenta pas d’entretenir du matériel, il en fabriqua au nez et à la barbe des Allemands, malgré la peine de mort qui attendait les responsables. Ainsi 300 000 grenades antichars pour fusil utilisant une charge creuse (grenade S 41) furent réalisées ainsi que 150 000 mines !

 

La firme Lorraine réalisa des « tracteurs forestiers » qui n’étaient autres que des chenillettes sans structure blindée. L’entreprise la plus spectaculaire fut sans doute celle de l’ingénieur militaire en chef Joseph Restany, plus connu sous le nom de « Ramon », qui en Périgord organisa une véritable fabrication (notamment des tourelles pour auto-mitrailleuses 178 Panhard, puis des masques pour canons de 25 mm pour ces mêmes AMD). Mais l’entreprise la plus folle fut sans doute, toujours grâce à Restany, celle de la construction de l’auto-mitrailleuse CDM commandée par l’État-Major à 225 exemplaires ! La première AM de série fut présentée le 27 octobre 42 tandis que les 225 châssis attendaient leur caisse et leur tourelle.

Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris... la défaite de l’Armée française est consommée. Le 22 juin, Pétain conclut l’armistice à Rethondes. Il est élu chef de l’État le 10 juillet après que les Chambres lui eurent confié les pouvoirs constituants par un vote presque unanime (par 564 voix contre 80).

PARER AU PLUS PRESSE

Pour le nouveau régime, l’urgence première fut d’asseoir son autorité et sa légitimité dans le pays, accablé par sa déroute humiliante malgré ses plus de 100 000 tués au front. Il y fut certes aidé par la tétanie durable de toutes les oppositions possibles : malgré l’« appel du 18 juin » du général de Gaulle, l’heure de la Résistance était loin d’avoir sonné. Néanmoins, il ne pouvait être question pour lui de simplement laisser les choses aller à vau-l’eau. En particulier, reprendre en main la jeunesse s’avéra vite une tâche prioritaire.

 

Pour commencer, il fallait absolument réencadrer les quelque 100 000 jeunes de la classe 40 qui avaient été appelés sous les drapeaux les 8 et 9 juin mais, pris dans la tourmente de l’Exode, n’avaient pu que suivre en désordre jusqu’en zone Sud l’Armée en retraite sans même avoir été affectés à leurs unités propres : en effet, démoralisés, abasourdis par cette défaite à leurs yeux inattendue, ils se dispersaient anarchiquement sur le territoire et devinrent vite une source possible de troubles de l’ordre public (ou ce qu’il en restait).

 

Toutefois, comme il n’était plus question, selon les conditions de l’armistice, de les intégrer à l’Armée, dans le service national ordinaire, il fut décidé, par décret du 30 juillet 1940, de les verser « dans des groupements de jeunesse constitués sous l’autorité du ministre de la Jeunesse et des Sports ». Ainsi naquirent les « Chantiers de Jeunesse ».

 

Si Vichy finalement échoua, ce ne fut pourtant pas faute d’avoir essayé. Le nombre des mouvements de jeunes doubla lors de l’année qui suivit l’armistice : en dehors des Compagnons de France, organisation offi-

▲ Le maréchal Pétain passe en revue les chefs des Chantiers de Jeunesse, à Vichy.

cielle censée constituer « l’avant-garde de la Révolution nationale », une vingtaine de groupements, scouts ou catholiques pour la plupart, se formèrent ou se reformèrent. Cependant, Vichy ne parvint pas à constituer le mouvement de jeunesse unifié dont il rêvait : à la fois l’Église catholique, jalouse de l’indépendance de ses propres mouvements, et les nazis, méfiants envers toute manifestation de nationalisme ou de militarisme français, et qui interdirent toute activité en zone occupée, s’y opposèrent.

LA « REVOLUTION NATIONALE »
Il faut dire aussi que la tentative radicale de Vichy, ai travers de sa Révolution nationale, d’effacer de la conscience et de la mémoire des Français leur histoire républicaine et démocratique, au-delà des couleurs dorénavant honnies de la IIIe République agonisante, et de restaurer les valeurs les plus traditionnelles n'a pas dî susciter beaucoup de passion militante, même chez une jeunesse ayant perdu tous ses repères et provisoiremenl encline, comme le reste de la population d’ailleurs, à subir la férule d’un père sévère. Ainsi, le « retour à la Terre », s’il permettait de contrôler pendant un temps la la jeunesse des villes au chômage (il y avait en effel 800 000 chômeurs en 1940), ne pouvait rester qu’un rêve (ou un cauchemar) dans une société déjà irrémédiablement urbanisée ; le culte du Maréchal et la mystique du chef ne pouvaient qu’appeler la comparaison avec l’« Autre » chef ; le lyrisme patriotique s’accommodait mal des réalités de l’Occupation ; la célébration du travail manuel comme rédemption du péché d’intellectualisme débilitant sentait trop sa revanche sur les élites de la République vaincue ; enfin, le camp de travail comme lieu de l’harmonie sociale retrouvée n’a jamais pu, justement, outrepasser ses limites de camp...

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