Commentaire de document : Fernand BRAUDEL, préface de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II
Publié le 04/09/2012
Extrait du document
Ainsi, Braudel dans sa préface annonce une révolution certaine en termes d’historiographie. Ses trois temps de l’histoire décomposent « l’histoire en plans étagés « (ligne 33), qui schématise celle ci de manière à y différencier une structure (la Géohistoire), une conjoncture (l’histoire sociale) et l’événement (en surface, l’histoire de l’individu). Il s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs de l’École des Annales, qui ont favorisé avant lui la pluridisciplinarité de l’histoire et de l’historien et modifiés par là même, la méthodologie traditionnelle de l’étude de celle-ci. L’auteur du texte introduit une nouvelle notion méthodologique, un nouveau champ de discipline qu’il faut lier à l’histoire : la géographie. Braudel révolutionne l’historiographie en définissant ces trois temps de l’histoire, et donc différentes échelles de la durée. Il y développe notamment une méthodologie nouvelle d’étude de l’histoire, un temps géographique. Néanmoins, c’est le sujet même de sa thèse qui crée une démarcation d’avec les études traditionnelles. Au-delà de ce temps géographique, qu’il compte exprimer dans la première partie de son livre, Braudel a choisi un sujet d’étude géographique pour sa thèse.
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C’est donc une histoire à grande échelle, nécessairement, que Braudel annonce dans ce second paragraphe.En effet, s’il consacre un paragraphe dans cet extrait à chacune des parties de son ouvrage, celui consacré à ce temps long, géographique est relativement court maisest surtout le moins détaillé (il n’est constitué que de neuf lignes et de deux phrases).
La première phrase canalise l’idée d’une « histoire quasi immobile » (ligne 2).L’auteur recule encore son angle de vue pour une vision globale, qui lui permet de cerner une histoire « faite bien souvent de retours insistants, de cycles sans cesserecommencés » (lignes 3 et 4).
Lente et cyclique, elle offre un point de vue nouveau de l’histoire à travers un espace, un milieu.
Dans la seconde phrase, Braudeljustifie son choix et explique son importance.
Pourtant, Braudel ne veut pas faire de cette partie l’une des « traditionnelles introductions géographiques à l’histoire » (ligne 6).
La seconde phrase du premierparagraphe (lignes 4 à 11) détaille ce que Braudel ne veut pas faire et dénonce le peu d’intérêt des rares associations géographie / histoire déjà effectuées.Il cherche à se démarquer et à faire de la géographie et du milieu naturel un spectre d’étude historique.
Il ne s’agit pas seulement de définir un cadre géographique àl’histoire, il s’agit de faire de la géographie une alliée puissante de l’étude historique, et de prendre conscience de l’impact de celle-ci sur les hommes.
Il introduit ici une nouvelle notion de l’histoire, une histoire désormais rythmée par un temps géographique, un temps long et par définition lent.
Dans le développement de sa thèse Braudel va jusqu'à nommer ce temps long, il s’agit de la Géohistoire.C’est un concept totalement nouveau et qu’il n’introduit pourtant que vaguement dans sa préface.
La Géohistoire consiste donc à prendre en compte à la fois l’espaceet le temps.
Il ne s’agit plus désormais que de borner temporellement l’histoire, il s’agit également de lui fixer des limites géographiques, mieux encore de considérerl’élément géographique, l’espace comme l’un des acteurs, l’une des constantes majeures de l’histoire.Le terme est repris plus largement vers la fin du XXème siècle, par les communautés d’historiens mais aussi de géographes.
Ceux-ci, en analysant les espaces et lesrégions comme des entités historiques, ont montré, notamment, comment des changements climatiques pouvaient être à l’origine de véritables révolutions sociales,économiques, politiques ou culturelles, de nouvelles dynamiques historiques.
Ainsi, Braudel dans sa préface annonce une révolution certaine en termes d’historiographie.Ses trois temps de l’histoire décomposent « l’histoire en plans étagés » (ligne 33), qui schématise celle ci de manière à y différencier une structure (la Géohistoire),une conjoncture (l’histoire sociale) et l’événement (en surface, l’histoire de l’individu).Il s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs de l’École des Annales, qui ont favorisé avant lui la pluridisciplinarité de l’histoire et de l’historien et modifiés parlà même, la méthodologie traditionnelle de l’étude de celle-ci.
L’auteur du texte introduit une nouvelle notion méthodologique, un nouveau champ de discipline qu’ilfaut lier à l’histoire : la géographie.
Braudel révolutionne l’historiographie en définissant ces trois temps de l’histoire, et donc différentes échelles de la durée.
Il y développe notamment uneméthodologie nouvelle d’étude de l’histoire, un temps géographique.
Néanmoins, c’est le sujet même de sa thèse qui crée une démarcation d’avec les études traditionnelles.
Au-delà de ce temps géographique, qu’il compte exprimerdans la première partie de son livre, Braudel a choisi un sujet d’étude géographique pour sa thèse.
Rappelons, pour commencer, l’intitulé exact de sa thèse : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II.Ce sujet précurseur lui aurait été inspiré par son directeur de recherche (Lucien Febvre) qui lui suggéra l’inversion des termes de son sujet, au détriment de PhilippeII.
En effet, on voit ici que le règne de Philippe II n’est plus qu’une borne chronologique à son sujet d’étude qui est en réalité la mer.
Braudel fait bien de laMéditerranée, et du monde méditerranéen par extension, le personnage principal de son ouvrage, le point central de son étude et de ses recherches.Cette démarche est totalement novatrice au sein de la communauté d’historiens de l’époque, dont les recherches sont essentiellement dominées par l’histoirepolitique, qu’il ne dénigre d’ailleurs pas pour autant.
Cependant, Braudel, dans cet extrait de sa préface ne mentionne quasiment jamais ni l’intitulé de sa thèse, ni le sujet même de ses recherches (une fois en réalité,ligne 15 : « la vie méditerranéenne »).Bien qu’il n’en parle pas explicitement, le texte est parsemé de références implicites à son thème.
En effet, lors de ses descriptions des temps de l’histoire auxparagraphes deux, trois et quatre, il utilise une métaphore filée : celle de la mer et de l’eau, afin d’imager l’idée du temps qui passe.Ainsi, et tour à tour, l’histoire est « lente à couler » (ligne 3), faite de « retour insistants, de cycles sans cesses recommencés » (lignes 3 et 4) lorsqu’il s’agit d’untemps long ; puis lorsqu’il s’agit de du temps moyen et de l’histoire des groupes et des groupements, il s’agit de « vagues de fond » (ligne 13), de « forces desprofondeurs » (ligne 17), de marées aux mouvement puissant (lignes 22 et 23) ; enfin lorsqu’il exprime le temps court, l’histoire de l’individu, ce n’est plus qu’une« agitations de surface, les vagues que les marées soulèvent sur leur puissant mouvement.
Une histoire à oscillations brèves, rapides, nerveuses » (lignes 22 et 23).
Un sujet inédit donc, à l’origine d’une révolution historiographique et du statut même d’historien.
En effet, nous l’avons abordé plus haut, il modifie les attentes méthodologiques de l’étude de l’histoire.L’historiographie a pour objet l’écriture de l’histoire, elle définie aussi l’ensemble des documents relatifs à une période donnée.
Braudel, dans sa thèse, et donc dansce texte, introduit un nouvel outil capable d’éclairer les recherches de l’historien.Il faut désormais considérer l’espace géographique comme l’une des sources de l’histoire et réciproquement ce qui permet notamment de relier entre elles lescivilisations, anciennes et récentes, et de comprendre l’histoire comme une continuité, et non plus comme une succession de ruptures.
Mais la Géohistoire n’est passeulement une méthodologie d’étude de l’histoire, c’est une démarche intellectuelle, qui prend toute sa dimension à la fin du XXème siècle, à l’heure de lamondialisation.
En réalité, au travers de cet extrait, Braudel dresse le portrait d’une nouvelle histoire donc mais aussi, d’un nouvel historien.L’historien, désormais, doit être l’homme de plusieurs matières s’il veut délivrer une histoire complète et pertinente.
Il s’inscrit véritablement dans la lignée de sesprédécesseurs à l’École des Annales en introduisant de nouveaux instruments permettant de creuser et approfondir l’étude de l’histoire.Un processus que lui-même et ses successeurs pousseront encore plus loin dans, notamment dans l’étude des mentalités, où l’historien doit parfois se fairepsychologue, et même sexologue, etc.
Cet extrait de sa préface nous renseigne sur la volonté de changement, de l’auteur, sur le sujet de la discipline historique mais aussi sur celui de l’historiographie.
Dans cet extrait, c’est l’architecture de sa thèse que nous livre Braudel, mais aussi de sa nouvelle conception de l’histoire.
Il répond donc dans un premier temps àson souci d’objectivité, et donc d’aborder les aspects de l’histoire en variant les points de vue.
Il met en place une histoire éclatée à travers les différences detemporalités et différentes échelles de la durée (ses trois temps de l’histoire).
Mais aussi, en diversifiant les domaines d’études et en appliquant à ceux-ci une échellede la durée appropriée.
Braudel participe à faire de l’histoire une discipline scientifique, méthodique et aux spectres d’étude, larges.
Il pousse le lecteur et les communautés scientifiques àrepositionner leur conception de l’histoire, et nous invite, dans sa préface, à étudier l’histoire d’une manière nouvelle et globale, et plus seulement par sesirrégularités.
Nous l’avons signalé, le texte étudié est un extrait de sa préface, or, c’est dans cette préface que Braudel annonce les fondements de son œuvre et de ses recherches.Je citerais en conclusion une phrase de Braudel qui précède à cet extrait et qui justifie probablement encore mieux l’ensemble de cette œuvre majeure, révolution del’histoire et de l’historiographie : « J’ai profondément aimé la Méditerranée »..
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