Clercs et chevaliers
Publié le 13/06/2023
Extrait du document
«
Clercs et chevaliers
Chanson de Raoul de Cambrai, XIIe siècle : il se fait adjuger le fief
du Vermandois par le roi Louis, pour le conquérir il brûle Origny, des
monastères, des relieuses, tue quiconque s’oppose à lui, finit par être tué
par son ancien écuyer Bernier.
La chanson montre Bernier comme ayant
perdu la paix de l’âme et cherchant à expier le meurtre —> donne
l’impression d’une vie violente, brutale des barons.
Bernier malgré toutes
les raisons qui peuvent l’excuser est dépeint comme ayant perdu son
calme et avoir dérogé aux valeurs religieuses.
Montre les ravages causés
par les guerres privées des chefs féodaux.
A premier abord la relation entre clercs et chevaliers semble
oxymorique.
Le sixième commandement “tu ne tueras point” marque une
distance entre la pratique de la guerre et les idéaux religieux.
Pourtant
dans la tripartition de la société qui se met en place les chevaliers,
majoritairement des nobles, sont chargés des armes tandis que les clercs
ont pour mission le salut des âmes.
En ce sens, l’association des clercs et
des laïcs apparait contradictoire puisqu’ils constituent chacun un ordre à
part entière.
L’époque féodale et la réforme monastique mettent en place
deux ordres qui se définissent progressivement et s’institutionnalisent.
En
effet, la réforme religieuse permet aux clercs de s’affirmer dans la
société, de constituer de nouvelles valeurs impactant parfois les
chevaliers, nouveau groupe social qui apparait notamment au Xie siècle.
Dans le cadre de la féodalité, le groupe chevaleresque est symbolisé par
toute une culture et des modes de vie fondés sur le maniement des
armes, sur des valeurs comme le courage ou la bravoure et sur une
reconnaissance sociale par la défense de ceux ne pouvant se battre.
Le
terme de chevalier est issu du monde franc mérovingien et du monde
carolingien, à l’origine le mot caballarius désigne uniquement les
combattants à cheval.
Par la suite l’idée de chevalerie se voit associé à un
sens moral, éthique et social.
Le terme sous-entend ainsi une distinction
sociale entre les chevaliers, combattants professionnels, force d’élite
montés à cheval, et l’infanterie à pied, la piétaille.
Les idéaux de
chevalerie sont fortement influencés par la théologie chrétienne qui en
forme les contours et les archétypes.
Pourtant malgré la première idée
selon laquelle clercs et chevaliers sont deux groupes distincts et
antinomiques, des interactions entre les deux sont perceptibles.
Les clercs
étant ceux capables d’écrire les chroniques, les biographies, les chansons
de geste, ou les généalogies dynastiques, mettent en valeur les familles
princières et chevaleresques liées à eux, notamment dû au fait que les
clercs sont souvent issus de ce groupe social aristocratique.
Dans certains
cas comme les croisades les chevaliers peuvent eux-mêmes combattre au
nom du clergé et de la foi, enorgueillis par ces derniers ; les clercs dans
certaines situations paradoxales ont même parfois l’autorisation de
prendre les armes au sein d’ordre chevaleresque religieux.
Mais l’époque
féodale est un moment où les clercs et les chevaliers établissent un code
de la guerre, fondé sur des exemplum mis en valeur par les clercs et sur
des valeurs religieuses qui doivent limiter les violences exercées.
PB : En quoi clercs et chevaliers entretiennent-ils une relation dans la
mesure où les clercs cherchent à contenir la violence guerrière tandis que
la culture chevaleresque est marquée par des valeurs théologiques ?
I/ 888-Xie siècle : les chevaliers participent à des guerres
violentes mais sont marquées par des valeurs religieuses que les
clercs renforcent en valorisant les familles aristocratiques
auxquelles ils sont liées.
A) Les clercs et les chevaliers, une relation à premier abord
oxymorique.
La définition des deux ordres : la définition des deux ordres est floue
avant le Xe siècle.
A l’origine n’importe qui peut prendre les armes et se
présenter comme celui qui part combattre pour le groupe.
Au Xe siècle les
grands princes et les seigneurs sont les maîtres de la guerre avant que
des règles apparaissent et s’inscrivent dans le droit féodal, des mots
comme miles ou chevaliers servent à désigner une position sociale mais
aussi et surtout une catégorie spécifique de combattants.
Le titre prend
une dimension militaire, le cheval occupe une place centrale dans la
panoplie de guerre nouvelle, les chevaliers constituent une clientèle de
combattants professionnels qui gravitent autour d’un grand, un seigneur
féodal, dont le nombre est croissant avec l’incastellemento, parmi les
chevaliers des princes, ducs, comtes mais surtout des hommes armés
faisant partie de la maisonnée du seigneur.
Les clercs eux sont chargés
du salut des âmes, ils sont ancrés dans la société et leurs idéaux
dominent le monde médiéval, les valeurs théologiques influencent les
actions des chevaliers qui ne doivent pas tuer, violer, dérober.
Mais
théorisation de la guerre juste, Saint Augustin Ive siècle : « Le soldat qui
tue l'ennemi est comme le bourreau qui exécute un criminel, ce n'est pas
un péché que d'obéir à la loi, il doit pour défendre ses concitoyens
s'opposer à la force par la force ».
Mais le problème de la féodalité, de l’accaparement de l’autorité publique,
et des lignages dans la religion : cependant, avec la dislocation de
l’autorité publique au Ixe siècle, le clergé séculier se voit accaparé par les
pouvoirs laïcs et les grandes familles princières.
La division entre les deux
groupes est donc floue.
Des seigneuries religieuses sont nombreuses, et
les clercs grands seigneurs ont eux-mêmes recours aux armes, ou
engagent des chevaliers, pour défendre leurs domaines.
Par exemple
Héribert d’Auxerre, évêque et grand seigneur de la fin du Xe siècle est
décrit dans les Gestes des évêques d’Auxerre comme distribuant des
bénéfices aux chevaliers comme les comtes Eudes de Chartres et Héribert
de Troyes afin de les soumettre, et fait fortifier deux châteaux à SaintFargeau et à Toucy pour protéger ses terres.
Ainsi, au Xe siècle la
frontière entre clercs et laïcs, clercs et chevaliers, est floue.
Les clercs
rentrent dans des réseaux d’alliance, ont recours aux chevaliers et en
engagent pour défendre leurs terres.
Pourtant le pouvoir spirituel et le
maniement des armes sont bien différenciés et chaque groupe se définit
par une action, les clercs ne pouvant prendre les armes.
Mais des rituels par les clercs pour introniser le chevalier, une relation
pour moraliser : l’adoubement est d’abord une cérémonie séculière et
laïque par laquelle le jeune homme franchit un rite de passage.
Il s’inscrit
dans les rapports féodaux-vassaliques et même si la plus ancienne
description d’un rituel d’adoubement est celui de Geoffroy Plantagenêt en
1128, de nombreux guerriers à cheval la pratiquent au Xe siècle.
La
volonté de l’Église d’encadrer les pratiques des milites se traduit par la
construction d’une liturgie de l’adoubement destinées à transformer le rite
de passage séculier en cérémonie religieuse.
On reprend des formules de
bénédiction des armes et bannières destinées aux princes pour en faire un
rituel d’adoubement.
Des éléments de la cérémonie séculière comme le
bain sont investis d’un sens chrétien celui de la purification.
Ainsi, bien
que l’entrée dans la chevalerie soit un passage séculier, laïc, les clercs
l’encadrent et mettent en valeur la cérémonie dans un monde
essentiellement chrétien.
= le terme de chevalier se définit progressivement avec la fin du monde
carolingien et ce groupe social repose sur des valeurs religieuses et sur un
fonctionnement qui est observé par les clercs.
Pourtant, le monde laïc et
le monde spirituel s’entremêlent avec l’accaparement de l’autorité
publique.
Mais aux Ixe et Xe siècle il s’agit bien de deux groupes
différents, les chevaliers étant une partie spécifique de la société laïque.
B) Les chevaliers et la violence guerrière est condamnée par les clercs
notamment lorsqu’elle en vient à attaquer clercs et paysans.
Les clercs condamnent les guerres privées et les destructions apportées
sur les laboratores : les guerres privées entraînent parfois des exactions
sur les sujets, sur les laborantores qui ne peuvent se battre et utiliser les
armes.
Les gens d’armes à l’origine devant les défendre font défaut à leur
mission pour des intérêts individuels.
Les clercs les condamnent.
Lorsqu’un chevalier est coupable de trahison, de félonie et de tout crime
qui entraine la dégradation, une assemblée de 20 ou 30 chevaliers ou
écuyers est réunie.
Les chevaliers constitués en tribunal délibèrent.
Des
prêtres font partis de l’assemblée.
Orderic Vital met en garde les
chevaliers sur les périls, sur la fragilité de la vie, afin qu’ils se fassent plus
chrétiens.
Les chroniqueurs ecclésiastiques montrent la violence des
chevaliers, ex Orderic Vital, les populations.
Les exactions par les chevaliers en viennent à détruire les monastères et
les lieux religieux : Richer de Reims dénonce les guerres privées et les
conséquences sur les monastères, sur les lieux religieux, Orderic de Vital
dans son Historia ecclesiastica, retrace histoire du duché de Normandie et
du Royaume d’Angleterre, notamment du monastère de Saint-Evroult
dont il fait partie : parle du fait réel que parallèlement ce n’est pas des
vikings paiens que l’abbaye d’Ouche reçoit le coup fatal, les pillages qui
signent la disparition de la communauté religieuse établie par SaintEvroult, mais des chevaliers chrétiens d’Hugues le Grand avant que
l’abbaye renaisse au milieu du Xie....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- CHEVALIERS DE LA VIEILLE COUR (Les) (résumé & analyse)
- TRAHISON DES CLERCS (La) Julien Benda (résumé & analyse)
- CHEVALIERS (Les) (résumé & analyse)
- TRAHISON DES CLERCS (LA), 1927. Julien Benda
- CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE (Les). (résumé) Jean Cocteau