Boniface VIII
Publié le 27/02/2008
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temporelle sur le monde chrétien, telles furent les lignes directrices d'une politique qui ne dévia jamais.
Dès son avènement, le canoniste qu'était le nouveau pape entreprit de mettre en ordre la législation ecclésiastiquedont la dernière compilation remontait à plus d'un demi-siècle.
Depuis la publication, en 1234, des livres desDécrétales par le pape Grégoire IX, s'était en effet accumulé un grand nombre de textes, canons des conciles tenusà Lyon en 1245 et en 1274, décrétales des papes et en particulier de Boniface VIII dont les mesures législatives sesuccédèrent rapidement.
Sous la direction personnelle du pape, quatre juristes travaillèrent à l'élaboration de cesixième livre ajouté aux cinq des Décrétales de Grégoire IX : ce fut le Sexte, publié et envoyé à l'Université deBologne en 1298.
Le dessein de Boniface VIII n'était pas seulement de faciliter par une compilation matérielle les recherches dans destextes encore dispersés.
Il fallait surtout ordonner et harmoniser.
Bien des décrétales, même parmi les plusrécentes, paraissaient d'une authenticité douteuse ; d'autres, parfaitement authentiques, avaient pour effetd'annuler tout ou partie de décrétales plus anciennes.
Les contradictions étaient aussi nombreuses que les lacunes.Ces causes de confusion rendaient la tâche malaisée aux juges ecclésiastiques et faisaient la part trop belle auxcommentateurs.
Mais, et le fait était autrement grave, cette confusion pouvait être gravement préjudiciable àl'Église dont les adversaires trouvaient parfois dans la contradiction des textes canoniques les moyens de leurargumentation.
L'œuvre juridique de Boniface VIII était donc, au premier chef, une œuvre politique.
Le nouveau pape entreprit également de rendre à la papauté le lustre qu'elle avait perdu.
Les cérémoniesretrouvèrent leur faste.
La plus haute manifestation du triomphalisme pontifical fut le Jubilé, la première " Annéesainte ", que Boniface VIII imagina pour reprendre une tradition biblique et pour répondre à l'arrivée massive depèlerins venus, en l'année séculaire 1300, visiter le tombeau des Apôtres.
L'éclat des cérémonies jubilaires que lepape présida coiffé de la tiare, symbole du pouvoir universel que Sylvestre Ier était censé avoir jadis reçu deConstantin, l'afflux de pèlerins arrivant de tous les pays chrétiens pour gagner l'indulgence plénière, les travauxordonnés pour l'embellissement des églises romaines, tout cela contribua largement à rehausser le prestige dusuccesseur de saint Pierre.
Celui-ci ne s'en tenait pas aux apparences.
Il entendait renforcer l'autorité pontificale sur le clergé, et, pour cela,soustraire l'Église aux pouvoirs temporels.
Qu'il s'agît de contribuer aux charges financières des royaumes chrétiensou de laisser porter devant les tribunaux les causes intéressant le clergé, le pape déniait aux princes tout autredroit que celui de s'adresser à Rome.
C'est ainsi que, pour avoir voulu imposer une décime sur le clergé français sansl'autorisation pontificale, Philippe le Bel se vit une première fois rappelé à l'ordre.
Le roi n'acceptait pas de faire lepape juge des nécessités financières de la royauté, c'est-à-dire des moyens de sa politique.
Le pape, lui, rappelaitque les biens du clergé étaient d'Église avant d'être du royaume, affirmant que " sur les personnes et les biens del'Église tout pouvoir est interdit aux laïcs ".
Assurer l'indépendance matérielle et spirituelle de l'Église ne suffisait pas.
Boniface VIII renoua avec la traditiond'Innocent III, qui faisait du souverain pontife le maître et le juge des princes laïques.
Encore eût-il fallu qu'il fût d'abord maître chez lui ; or il en était fort loin.
A Rome, les Colonna et leurs alliés serebellaient à nouveau.
Le pape s'attaqua à leurs partisans avec une extrême vigueur, ce qui poussa les deuxcardinaux à rechercher en France la protection et l'oreille complaisante de Philippe le Bel.
En Sicile, cependant, lepape ne pouvait faire respecter ses droits de suzerain : alors que Boniface avait obtenu la renonciation del'Aragonais Jacques II, les Siciliens refusaient de reconnaître Charles II d'Anjou et soutenaient, contre le pape et sonvassal, le prétendant Frédéric d'Aragon, frère de Jacques II.
Boniface dut acheter, et fort cher, l'alliance de JacquesII, puis accepter le compromis par lequel Charles II d'Anjou laissait, en 1302, à son adversaire la jouissance viagèrede la Sicile.
A la même époque, Florence, gouvernée par les " Blancs ", entrait en rébellion contre la domination pontificale.
Dansson traité De la Monarchie, Dante prônait l'établissement d'un empire universel et déniait au pape le moindre droit àla puissance temporelle.
" Le pouvoir suprême, écrivait-il, c'est celui de l'empereur, héritier de la suprématie romaine,et son exercice est indépendant de l'investiture pontificale.
"Boniface VIII n'avait pu, en définitive, empêcher Philippe le Bel de taxer le clergé français : il avait même reconnuexpressément au roi un tel droit dans tous les cas d'urgente nécessité ; il est bien évident que le pape ne pouvaitêtre juge de cette urgence et de cette nécessité.
Il n'avait pas davantage pu ramener à l'obéissance les Colonna,les Gibelins, les Siciliens.
Il n'était pas maître chez lui.
Il ne renonça pas pour autant à se proclamer maître du mondechrétien.
Le propos était digne du successeur de saint Pierre : faire régner entre les princes la concorde propice à laréalisation de la Croisade.
Nul n'oubliait en Occident que la dernière place franque du royaume latin de Jérusalem,Saint-Jean-d'Acre, venait de tomber, en mai 1291, aux mains des Mamelouks.
Mais la reconquête des Lieux Saintsn'était pas la première préoccupation des souverains et le pape leur reprochait vertement de consumer leurs forcesen querelles intestines.
L'arrière-pensée de Boniface n'était d'ailleurs pas moins claire : ériger la papauté en arbitredes conflits, c'était placer les royaumes sous l'emprise de l'autorité pontificale, donc affirmer leur subordination àl'Église romaine.
Cette position était en droit parfaitement légitime en ce qui concernait le Saint Empire Romain Germanique.
C'est àRome que l'empereur élu, le " roi des Romains " comme on l'appelait officiellement, devait venir pour recevoir du pape.
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