AVRIL 1979 DANS LE MONDE
Publié le 15/11/2011
Extrait du document
Si M. Suarez a réussi sur le terrain du nationalisme catalan avec le retour de M. Taradellas, président exilé d'une Généralité du temps de la République, il a échoué au Pays basque : après avoir accordé l'amnistie, puis tenté de négocier avec l'E.T.A., il a affirmé que seule la répression convenait, ce qui a donné une image de faiblesse. La vague terroriste a ébranlé l'armée, plusieurs fois touchée dans ses chefs, lui donnant l'impression que la démocratie ne fonctionnait pas. Les militaires proclament cependant leur fidélité à la couronne et repoussent toute idée de pronunciamento. Avec les milieux patronaux, le Premier ministre a connu des difficultés, car ils ont durement réagi à la réforme fiscale et à l'orientation de centre gauche.
«
Pavlovsky/Sygma
le 1•• mars 1979, les Espagnols étaient appelés à élire leurs députés aux Cortés.
Pour rallier les indécis, les candidats centristes et
socialistes ont affirmé proposer un modèle de société différent, en fait ce sont les méthodes choi
sies pour relancer l'activité et réduire le chômage
qui divergeaient.
Les candidats de l' u.c.D .
privilégient l'investissement privé alors que ceux du
P.S.O.E .
insistent sur le rôle de l'Etat.
Quel est celui du roi
? Selon la Constitution, il doit proposer un candidat à la présidence du gou
vernement après consultation avec les groupes par
lementaires.
Si aucun parti n'obtient la majorité
absolue il n'est pas obligé de choisir le chef de la
formation arrivée en tête, devenant ainsi l'arbitre
de la situation pour chercher la personnalité
capable d'obtenir l'investiture des Cortés.
Les Espagnols ont donc voté le 1er mars :
l'u.c . D.
du Premier ministre devance nettement le P.S.O.E.
de M.
Gonzalez ; les communistes ont
légèrement progressé alors que la coalition de droi
te est en régression {9 sièges au lieu de 16) ; les
séparatistes basques marquent un net succès et l'on
peut constater une poussée assez inattendue des
nationalismes andalou et canarien.
Le taux d'abstention (33 pour cent) a été
particulièrement élevé, dénotant sans doute une
lassitude devant des consultations trop répétées
depuis deux ans, et un certain scepticisme face au
chômage et
à la violence.
Les
résultats de
ce vote ont montré la grande
stabilité du corps électoral, centristes de l' u.c.D.
et
socialistes du P.S.O.E.
conservant à peu près les
positions acquises en 1977.
Maîtrisant ses impul
sions pour conjurer les drames qu'elle a connus,
l'Espagne d'aujourd'hui se veut modérée.
L'avanta ge du parti de M.
Suarez peut s'expliquer par un
système électoral qui favorise les régions rurales
moins peuplées, au détriment des zones urbanisées.
La poussée
des régionalistes, la montée des
formations qui se réclament des séparatistes révo
lutionnaires de l'E . T.A .
basque démontrent que les régions périphériques s'opposent de plus en plus au
pouvoir central : la dissidence socialiste et sa mon
tée en flèche en Andalousie, l'élection d'un député
régionaliste en Aragon, la réaffirmation tranquille de leur force en Catalogne, farouche et impatiente
au Pays basque, font apparaître plus crûment l'am
pleur et l'acuité du problème des autonomies.
Modérés ou extrémistes, les nationalistes auront
onze députés et trois d'entre eux, des Basques, ont
fait savoir qu'ils
ne siégeraient pas aux Cortés.
Bien qu'ayant progressé en sièges (elle en obtient 167 sur 350), l'u.c.o.
n'a pas atteint la majorité
absolue, mais le parti de M.
Gonzalez n'a pas
davantage réussi (121 sièges) le bond en avant qui lui aurait donné la possibilité, non de gouverner,
mais de poser des conditions à la formation d'une
équipe dirigeante de coalition.
Mais
M.
Suarez est plutôt tenté de chercher un appui sur sa droite.
Artisan d'une politique de centre gauche, il avait infléchi sa ligne pendant la
campagne électorale, mettant plus d'énergie dans la
lutte contre
le terrorisme, et ayant reçu l'appui
indirect de l'épiscopat, et celui plus net du patronat
et des banques.
Il était soucieux de se démarquer des socialistes dont la modération visait à gagner
des voix centristes.
L'hypothèse d'un gouvernement de coalition
centriste-socialiste est écarté
des deux côtés : par les socialistes, déyus de ne pouvoir poser des
conditions à une eventuelle participation, et par M.
Suarez qui ne semble pas disposé à partager les
responsabilités du pouvoir ; il peut gouverner seul, en trouvant des appuis pour les votes importants et
l'élaboration des lois.
S'il est à nouveau Premier ministre, il cherchera
à obtenir le soutien, selon les circonstances, des
partis nationalistes, mais les neuf voix qui lui man
quent pour avoir la majorité absolue lui viendront
de la droite, de la coalition de M.
Iribarne qui s'est
déclaré disposé à voter sans condition pour
M.
Suarez.
Il ne fait pas de doute que le roi reconduira son
Premier ministre dans ses fonctions.
Ce dernier
devra alors recevoir l'investiture des Cortés dont la
réunion aura lieu avant la
fin de mars, puis il for
mera son gouvernement ; mais il attendra sans doute les élections municipales du 3 avril {les pre .
mières depuis la guerre civile), afin de permettre à l'u .c.D.
de jeter toutes ses forces dans cette nouvel le bataille électorale..
»
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