AVRIL 1976 DANS LE MONDE

« Rencontre franco-allemande Le président Giscard d'Estaing et le chan­ celier Schmidt sc sont retrouvés, les 12 et 13 février au mas d'Art igny, près de Nice.

Deux questions ont été abordées à ce sommet : le sort du franc et l'organisation européenne.

Les deux hommes d'Etat ont réaffirmé leur attachement au mécanisme du « serpent » monétaire, une des bases essentielles de la construction européenne .

Selon les engage­ ments pris à Rambouillet, les banques cen­ trales doivent concerter leur politique moné­ taire Pt intervenir sur les marchés des chang .

es pour calmer la spéculation.

L'autre chapitre, beaucoup plus important, a porté sur les questions institutionnelles européennes, « échange de réflexions entr .e Franç .ais et Allemands », a affirmé M.

Giscard d'Estaing; « seul le Conseil européen pourra prendre position », a déclaré le chancelier Schmidt.

Paris et Bonn entendent jouer un rôle mo­ teur dans la construction de l'Em·ope en dépit des réactions hostiles des autres partenaires à une structuration autour d'un « directoire », et ce seul mot a suscité les plus extrêmes rést>rves des gouvernements belge et néerlan­ dais.

Le président français estime qu'il faut respecter le calendrier des réflexions et qu'il n'y a pas lieu de débattre publiquement des questions soulevées par le rapport Tindemans, débat réservé au Conseil européen, mais il est soucieux de donner à l'Europe « une capa­ cité de décision »; car, « elle est vacante et ne prend pas part au déroulement des événe­ ments mondiaux ( ...

) Il y en a de préoccupants en Afrique, continent lié à l'Europe par des accords de coopération, et l'Europe a été ab­ sente » : allusions à la situation en Angola et au ·sahara occidental.

Le chanceli.er Schmidt, sensible aux argu­ ments de son partenaire, se rend compte qu'il est nécessaire, pour faire progresser l'Europe des Neuf, de renforcer la cohésion des élé­ ments moteurs qui joueront un rôle de loco­ motive.

Conçu à l'origine pour sceller la ré­ conciliation, le tandem franco-allemand est devenu l'attelage tirant, non sans mal, une Communauté de plus en plus disparate et il forme, qu'on le veuille ou non, une sorte de directoire.

Les deux gouvernements ont pris position, à Nice, sur un grand nombre de questions : organisation d'élections européen­ nes en 1978, coopération nucléaire pour la recherche industrielle de surgénérateurs, recon­ naissance du gouvernement de Luanda, relance des entretiens entre les communautés chypri­ otes grecques et turques, relations de Ia Com­ munauté avec des pays tiers, Espagne, Portu­ gal, Grèce, études et recherches communes .

pour la lutte contre le terrorisme, aide au Tiers Monde, variantes de passeport européen, à présenter au prochain Conseil.

Mais on ne peut se dissimuler les limites de cette construction européenne et l'impuis- sance des deux gouvernements à aborder d'une manière concrète et réaliste des solutions poli­ tiques.

Il faut peut-être en chercher la cause dans ce que le problème fondamental de la défense de l'Europe n'a pu encore être mis sur pied.

Protégée par les Américains, l'Alle­ magne redoute -- et elle n'est pas la seule - qu'une remise en cause de ce système n'encou­ rage l'isolationnisme d.e Washington.

Quant au président français, il pense qu'une défense vraiment européenne ne pourra se faire qu'a­ vt>c le consentement des deux Grands, solution qui reste encore très prématurée.

ETATS-UNIS Deux présidents en visite à Pékin M.

Kissinger, organisant en octobre 1975 le voyage du président Ford à Pé!kin, du 1"' au 5 décembre, avait demandé l'assurance écrite qu'il serait reçu en personne par le pré­ sident Mao Tse-toung, ce qui prouvait que les relations sino-américaines ne s'étaient guè­ re améliorées depuis le changement voulu par M.

Nixon, en février 1972.

Dans le Sud-Est asiatique, les Américains ont perdu la guerre, M.

Kissinger s'est fait l'artisan de la détente avec l'U.R.S.S., laqueiie soutient l'Angola, sans doute contre les inté­ rêt~ chinois en Afrique.

Tous ces obstacles, mais surtout la détente américano-soviétique, honnie des Chinois, expliquent la :froideur po­ lie a·vec laquelle le président Ford a été accueil­ li à •Pékin, même si l'entretien avec Mao Tse­ toung a duré près de deux heures.

Le contentieux sino-amer1cain est impor­ tant : des liens diplomatiques ofTiciels, des nominations d'ambassadeurs, le retrait de For­ mose par les forces américaines, sont souhaités par Pékin, mais ne peuvent être pris par le président Ford qui mécontenterait l'aile droite du parti républicain.

Il y avait donc peu à attendre de cette visite; M .

Teng Hsiao-ping a conseiilé aux Américains de se méfier des Soviétiques; les conversations n'ont rien ap­ porté de nouveau .et le président Ford .

« est rentré sans bagages ».

C'est M.

Nixon que le président Mao Tse­ toung considère toujours comme l'architecte du rapprochement sino-américain, et c'est pour­ quoi l'on a pu voir Julie Nixon et son mari, le petit-fils d'Eisenhower, traités avec honneur lors d'une récente visite en Chine.

Mais plus surprenante fut l'invitation faite à M.

Nixon et à son épouse de se rendre à Pékin, du 21 au 29 février, en visite privée.

Est-ce la preuve que les dirigeants chinois voient en M.

Nixon, écarté de la présidence, la victime d'un coup monté ? Insoucieux de l'embarras et du dépit de la Maison-Blanche, laissent-ils entendre que les promesses impli­ cites du communiqué d.e Shangaï, signé par Richard Nixon en 1972, sont restées lettre. »