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Article de presse: Nikita Khrouchtchev, le déstalinisateur

Publié le 22/02/2012

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14 février 1956 - Nikita Sergueïevitch, né à Kalinovka, province de Koursk, en 1894, n'avait guère fréquenté l'école. Berger, mineur, militant révolutionnaire, il entra en politique après la prise du pouvoir par les bolcheviks. C'est alors seulement qu'il s'inscrivit au Parti communiste, participa à la guerre civile et suivit les cours de la faculté ouvrière. Les jeunes gens doués avaient, en ce temps-là, des chances de s'élever rapidement dans la hiérarchie. Nikita Khrouchtchev avança lentement, laborieusement, en remplissant d'obscurs emplois de secrétaire de district. A quarante ans, il commença enfin à émerger du lot. Les purges staliniennes avaient dégarni l'administration du parti et de l'Etat. Lazare Kaganovitch, grand maître de la capitale et proche collaborateur de Staline, remarqua le fonctionnaire zélé qui servait le dictateur sans se poser de questions. Il en fit son adjoint, puis son successeur à la tête du parti pour la ville de Moscou. C'était en 1935. Trois ans plus tard le futur M. " K " prenait la tête du PC d'Ukraine et entrait comme suppléant au bureau politique. Il fut titularisé l'année suivante. Il fit ce qu'on attendait de lui : il acheva l'épuration dans cette République. M. " K " n'eut pas le temps de s'enraciner à Kiev, et quitta son poste dès le début de la guerre contre l'Allemagne. Il organisa des groupes de partisans, se replia en Russie, endossa un uniforme de général et prit part, en qualité de commissaire politique, aux combats de Stalingrad. Du temps de sa splendeur, les flagorneurs assuraient même que le mérite du succès lui revenait. Les militaires de profession reconnurent qu'en effet il avait été fort utile. Ils n'allèrent pas jusqu'à lui décerner le titre glorieux de vainqueur de Stalingrad. La paix revenue, Nikita Khrouchtchev reprit le chemin de Kiev. L'oeuvre de reconstruction qui lui était confiée était lourde, trop lourde pour un homme dont l'expérience était courte. Son protecteur, Lazare Kaganovitch, vint lui prêter main-forte. Le chef défaillant n'allait-il pas subir les conséquences de son échec ? L'affaire n'eut pas de suites fâcheuses. Quand l'ordre soviétique fut rétabli en Ukraine, Nikita Khrouchtchev fut promu à un poste supérieur. Il reprit, en 1949, la direction du parti pour la ville de Moscou, et surtout il entra au secrétariat du comité central. Déjà, il manifestait un penchant à réorganiser l'agriculture. En 1951, par exemple, il présenta dans la Pravda un audacieux projet d'agrovilles. Pour réduire les différences entre les travailleurs de l'industrie et les paysans, il proposait d'établir les ruraux dans des centres urbains et, en même temps, de regrouper les kolkhozes. D'autres membres du bureau politique, plus au fait des réalités, réagirent avec vigueur. Fallait-il donc bouleverser les campagnes, alors que tant de difficultés accablaient le pays ? Fallait-il gaspiller dans la construction d'agrovilles d'immenses ressources, alors que le pouvoir n'envisageait même pas de donner un logement à toutes les familles de citadins ? L'auteur du projet grandiose fut désavoué. En mars 1953, en tout cas, Nikita Khrouchtchev ne pesait pas très lourd. Les projecteurs étaient braqués sur Gueorgui Malenkov, Lavrenti Beria, Viatcheslav Molotov. Qui donc aurait rangé parmi les candidats sérieux à la succession de Staline le membre du bureau politique qui présidait la commission des funérailles du dictateur ? Pourtant, un détail devait attirer l'attention. Le 20 mars de cette année, un bref communiqué annonçait que Malenkov, le nouveau président du conseil des ministres, renonçait à ses fonctions de secrétaire du comité central. Le même texte précisait que Nikita Khrouchtchev cessait d'être le premier secrétaire de la ville de Moscou, afin de se consacrer entièrement à son travail au comité central. En quelques mois, il allait se constituer une clientèle. Les remaniements décidés aussitôt après la mort de Staline avaient fait quelques heureux : des dirigeants de premier plan qui, à la fin de 1952, pouvaient redouter d'être mis à l'écart, et beaucoup d'aigris : les nouveaux cadres nommés au présidium (bureau politique) en octobre 1952, afin de remplacer les anciens, et qui se virent exclus de la direction suprême et envoyés en province; M. " K " cultiva leurs ressentiments, il leur promit une revanche. Alors que son rival Malenkov s'appuyait, de plus en plus, sur l'appareil gouvernemental, Nikita Khrouchtchev rétablit la suprématie du parti et de ses fonctionnaires. Six mois plus tard, cette offensive portait ses premiers résultats. La session de septembre du comité central donnait à Nikita Sergueïevitch le titre de premier secrétaire. Celui-ci lançait alors la première attaque publique contre la politique agricole de Staline. Dès ce moment, il apparut sous les traits du déstalinisateur, qui se heurtait, sur ce chapitre, à l'hostilité de ses rivaux. Pendant deux ans, il hésita sur la tactique à employer. Alors que Malenkov promettait l'abondance des biens à ses compatriotes, le premier secrétaire rappelait le dogme de la priorité absolue de l'industrie lourde. Les consommateurs devaient encore se serrer la ceinture pour équiper l'URSS et fournir une assistance à... la Chine. En ce temps-là, M. " K " était comme le garant de l'orthodoxie du parti, l'homme qui était prêt à sacrifier le confort des Soviétiques pour bâtir le camp socialiste. Il partit à l'assaut en attaquant ses rivaux sur la gauche, quitte à changer de politique, comme Staline lui avait appris à le faire une fois l'objectif atteint. Sa première victoire fut également celle de l'appareil. Nikita Khrouchtchev ne perdit d'ailleurs pas de temps. Après avoir obtenu la démission de Malenkov, il chassa des postes-clés les clients de l'ancien président du conseil, installa ses protégés et prépara sérieusement le vingtième congrès du parti, celui qui, espérait-il, réglerait à son profit la succession de Staline. Or, s'il avait diminué ses rivaux, il était encore incapable de les abattre. Les forces en présence s'équilibraient. Alors le premier secrétaire fit montre d'audace. En séance secrète du congrès, il présenta son célèbre rapport sur le " culte de la personnalité ". Il révéla aux militants soviétiques quelques-uns des faits que les anticommunistes connaissaient depuis longtemps. Le congrès ne modifia pas l'équilibre à la direction suprême, à ceci près que Nikita Khrouchtchev réussit à faire entrer au présidium, en qualité de suppléants, quelques-uns de ses amis. Les anciens, humiliés mais toujours en place, attendaient l'occasion de présenter au premier secrétaire la facture de son insolence. Ils furent à deux doigts de triompher à la fin de 1956. Le rapport secret avait semé la tempête en Hongrie et en Pologne. La réconciliation avec le maréchal Tito avait aiguisé le goût de l'indépendance des démocraties populaires. La zone d'influence soviétique était menacée. Molotov et Malenkov tenaient à nouveau le devant de la scène, alors que le premier secrétaire restait sur la réserve. Le chef incontesté Khrouchtchev fut, semble-t-il, sauvé par la Chine. Zhou Enlai fit un voyage en Europe, donna de bons conseils aux uns et aux autres et laissa entendre qu'en dépit de ses erreurs M. " K " était, pour le gouvernement chinois, le meilleur des dirigeants soviétiques. Dès ce moment, le premier secrétaire retrouva l'assurance qui l'avait abandonnée au plus fort de la crise. Il se mit à trancher de tout, présenta ses thèses sur l'organisation de l'industrie, imposa au gouvernement une réforme totale de l'administration. Les rivaux de M. " K " au présidium se coalisèrent en juin 1957. Ils formaient la majorité. Ils auraient pu, sans trop de peine, limoger le premier secrétaire s'ils avaient agi avec célérité. Ils commirent la faute de laisser à celui qui paraissait déjà vaincu le temps de préparer la riposte, de convoquer une session du comité central qui renversa la situation. La majorité du présidium fut alors accusée d'avoir constitué un groupe antiparti. Khrouchtchev devint véritablement le numéro un. Pendant six ans, la plupart des observateurs eurent l'impression que M. " K " exerçait une autorité incontestée. Il réprimandait en public ses collaborateurs sans se soucier des chocs en retour, il maltraitait les gestionnaires, taillait et retaillait les structures du régime et partait à la conquête de l'étranger. Il cherchait à imposer le communisme par la séduction. Il obtenait aux Etats-Unis et ailleurs un immense succès de curiosité, faisait scandale à l'ONU. Il n'était jamais à court d'un projet mirifique, jamais abattu par les échecs qui pourtant s'accumulaient. Peu à peu, il avait repris à son compte la politique de Malenkov. Il s'était brouillé à mort avec les Chinois et sentait monter jusque dans son entourage le courant néostalinien. C'est même pour éloigner cette menace qu'il repartit en 1961 (vingt-deuxième congrès) à l'attaque contre Staline. Il inquiétait les conservateurs, mais ne justifiait pas les espoirs des libéraux. Il se heurtait aux fonctionnaires du parti-pour la plupart ses anciens protégés, qui désiraient la stabilité de l'emploi et se méfiaient de la politique de réforme permanente. Il avait perdu, sans même s'en rendre compte, l'audience des foules parce que ses actes ne correspondaient pas à ses promesses. Il avait joué avec le feu en déclenchant la crise de Berlin et surtout en envoyant des fusées à Cuba. Pour éviter le pire, il avait alors été obligé de battre en retraite. De cet échec, il tira le meilleur parti possible. Parce qu'il avait été contraint de reculer devant les Américains, il décida de s'entendre avec eux, d'assurer avec le président Kennedy la paix du monde. BERNARD FERON Le Monde du 14 septembre 1971

« Sa première victoire fut également celle de l'appareil.

Nikita Khrouchtchev ne perdit d'ailleurs pas de temps.

Après avoirobtenu la démission de Malenkov, il chassa des postes-clés les clients de l'ancien président du conseil, installa ses protégés etprépara sérieusement le vingtième congrès du parti, celui qui, espérait-il, réglerait à son profit la succession de Staline.

Or, s'ilavait diminué ses rivaux, il était encore incapable de les abattre.

Les forces en présence s'équilibraient.

Alors le premier secrétairefit montre d'audace.

En séance secrète du congrès, il présenta son célèbre rapport sur le " culte de la personnalité ".

Il révéla auxmilitants soviétiques quelques-uns des faits que les anticommunistes connaissaient depuis longtemps. Le congrès ne modifia pas l'équilibre à la direction suprême, à ceci près que Nikita Khrouchtchev réussit à faire entrer auprésidium, en qualité de suppléants, quelques-uns de ses amis.

Les anciens, humiliés mais toujours en place, attendaient l'occasionde présenter au premier secrétaire la facture de son insolence.

Ils furent à deux doigts de triompher à la fin de 1956.

Le rapportsecret avait semé la tempête en Hongrie et en Pologne.

La réconciliation avec le maréchal Tito avait aiguisé le goût del'indépendance des démocraties populaires.

La zone d'influence soviétique était menacée.

Molotov et Malenkov tenaient ànouveau le devant de la scène, alors que le premier secrétaire restait sur la réserve. Le chef incontesté Khrouchtchev fut, semble-t-il, sauvé par la Chine.

Zhou Enlai fit un voyage en Europe, donna de bons conseils aux uns et auxautres et laissa entendre qu'en dépit de ses erreurs M.

" K " était, pour le gouvernement chinois, le meilleur des dirigeantssoviétiques.

Dès ce moment, le premier secrétaire retrouva l'assurance qui l'avait abandonnée au plus fort de la crise.

Il se mit àtrancher de tout, présenta ses thèses sur l'organisation de l'industrie, imposa au gouvernement une réforme totale del'administration. Les rivaux de M.

" K " au présidium se coalisèrent en juin 1957.

Ils formaient la majorité.

Ils auraient pu, sans trop de peine,limoger le premier secrétaire s'ils avaient agi avec célérité.

Ils commirent la faute de laisser à celui qui paraissait déjà vaincu letemps de préparer la riposte, de convoquer une session du comité central qui renversa la situation.

La majorité du présidium futalors accusée d'avoir constitué un groupe antiparti.

Khrouchtchev devint véritablement le numéro un. Pendant six ans, la plupart des observateurs eurent l'impression que M.

" K " exerçait une autorité incontestée.

Il réprimandaiten public ses collaborateurs sans se soucier des chocs en retour, il maltraitait les gestionnaires, taillait et retaillait les structures durégime et partait à la conquête de l'étranger.

Il cherchait à imposer le communisme par la séduction.

Il obtenait aux Etats-Unis etailleurs un immense succès de curiosité, faisait scandale à l'ONU.

Il n'était jamais à court d'un projet mirifique, jamais abattu parles échecs qui pourtant s'accumulaient.

Peu à peu, il avait repris à son compte la politique de Malenkov.

Il s'était brouillé à mortavec les Chinois et sentait monter jusque dans son entourage le courant néostalinien. C'est même pour éloigner cette menace qu'il repartit en 1961 (vingt-deuxième congrès) à l'attaque contre Staline.

Il inquiétaitles conservateurs, mais ne justifiait pas les espoirs des libéraux.

Il se heurtait aux fonctionnaires du parti-pour la plupart sesanciens protégés, qui désiraient la stabilité de l'emploi et se méfiaient de la politique de réforme permanente.

Il avait perdu, sansmême s'en rendre compte, l'audience des foules parce que ses actes ne correspondaient pas à ses promesses.

Il avait joué avecle feu en déclenchant la crise de Berlin et surtout en envoyant des fusées à Cuba.

Pour éviter le pire, il avait alors été obligé debattre en retraite. De cet échec, il tira le meilleur parti possible.

Parce qu'il avait été contraint de reculer devant les Américains, il décida des'entendre avec eux, d'assurer avec le président Kennedy la paix du monde. BERNARD FERON Le Monde du 14 septembre 1971. »

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