Article de presse: La grande rafle de la zone libre
Publié le 23/02/2012
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23-26 août 1942 - Six semaines après la grande rafle de la zone occupée (dont celle de la région parisienne, le 16 juillet, connue sous le nom de rafle du Vel d'Hiv', fut l'épisode le plus dramatique), la grande rafle de la zone libre allait consacrer définitivement, d'une part, le déshonneur du régime de Vichy, livrant à la Gestapo des juifs se trouvant dans un territoire hors de la portée directe des Allemands, d'autre part, le réveil de l'opinion publique prenant résolument le parti des victimes et empêchant le gouvernement Laval de s'enfoncer encore plus profondément dans la complicité criminelle avec le Reich. Si les juifs en zone libre n'allaient pas être épargnés, ce n'était pas à l'initiative des Allemands mais à celle de Vichy. Le 7 mai, à Paris, quand le chef de la police du Reich, Heydrich, avait évoqué devant lui la prochaine déportation de 5 000 juifs apatrides internés en zone occupée, le nouveau chef de la police française, René Bousquet, avait répondu en demandant pourquoi ne pas prendre aussi les juifs apatrides déjà internés par Vichy en zone libre. La question avait été laissée en suspens du côté allemand. La décision de mettre en oeuvre immédiatement la solution finale à l'Ouest par la déportation à l'Est ayant été prise le 11 juin à Berlin, les chefs SS à Paris, Oberg et Knochen, ont fait pression sur Bousquet, qui accepta le 16 juin le principe de la livraison de 10 000 juifs apatrides de zone libre. Le 4 juillet, Laval est venu à Paris confirmer aux Allemands l'accord conclu l'avant-veille entre Bousquet et ses interlocuteurs SS : dans un premier temps, la police française arrêterait les juifs apatrides et leurs enfants dans les deux zones et les mettrait ...
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Le 25 août, à la veille même de la rafle, le Consistoire central israélite, dont le conseil d'administration vient de se réunir àVichy, transmet à Laval une protestation solennelle.
Cette mise en garde ne sera pas prise en considération, elle non plus, malgrésa lucidité et sa précision : " Le Consistoire central ne peut avoir aucun doute sur le sort final qui attend les déportés, après qu'ilsauront subi un affreux martyre...
Ce programme d'extermination a été méthodiquement appliqué en Allemagne et dans les paysoccupés par elle, puisqu'il a été établi par des informations précises et concordantes que plusieurs centaines de milliers d'israélitesont été massacrés en Europe orientale...
Enfin, le fait que les personnes livrées par le gouvernement français ont été rassembléessans aucune discrimination quant à leurs aptitudes physiques, que parmi elles figurent des malades, des vieillards, des femmesenceintes, des enfants, confirme que ce n'est pas en vue d'utiliser les déportés comme main-d'oeuvre que le gouvernementallemand les réclame, mais dans l'intention bien arrêtée de les exterminer impitoyablement et méthodiquement.
" La rafle du 26août est préparée par de nombreuses instructions de Vichy à son administration préfectorale.
Un certain nombre d'exemptions,définies le 5 août et concernant, en particulier, les enfants, sont annulées le 18 août par Bousquet, probablement par crainte derésultats insuffisants : la limite d'âge d'arrestation est abaissée de 5 à 2 ans la possibilité pour les parents de laisser leurs enfantsen zone libre est supprimée, les enfants non accompagnés, c'est-à-dire ceux dont les parents se trouvent déjà dans un camp oubien ont été déportés, doivent être également dirigés sur la zone occupée.
C'est ainsi qu'au moins 450 enfants feront partie de cetroisième contingent de juifs livrés aux nazis après une rafle organisée à l'échelle des régions et sur la base départementale et quiatteindra les juifs jusque dans les communes les plus reculées du territoire.
Enfants menottes aux poignets
Vichy espérant plus de 12 000 arrestations, le bilan dressé le 1 er septembre fait apparaître la capture de 6 701 juifs.
Grâce aux commissions de criblage dues à l'initiative de l'aumônier général et des oeuvres juives, plus d'un millier de personnesarrêtées peuvent faire valoir qu'elles n'entrent pas dans les catégories en cause et peuvent être libérées.
Le nombre des retenuspassa de 6 701 à 5 293 (595 pour la région de Lyon, 446 pour celle de Limoges, 1 730 pour Toulouse, 170 pour Clermont,1 172 pour Montpellier, 620 pour Marseille, 560 pour Nice).
Du 29 août au 5 septembre, Drancy reçut en sept convois 4 839 juifs, ce qui porta le nombre des juifs transférés de la zonelibre à 9 452.
Vichy dépassa même le quota requis des 10 000 en livrant, entre le 15 septembre et le 22 octobre, 1 135 juifs deplus en cinq convois, ce qui porta à 10 587 le total des juifs " extradés " de la zone où Vichy a exercé sa souveraineté jusqu'au11 novembre 1942.
" Comme un vil troupeau " Témoins de cette chasse aux juifs où l'on vit même des enfants de quinze ans, menottes auxpoignets, conduits par des gendarmes jusqu'au camp de Rivesaltes devenu un temps le Drancy de la zone libre, les Français ontimmédiatement pris le parti des victimes.
C'est sans zèle et sans enthousiasme, mais avec la brutalité et l'inhumanité propres à cegenre de mission scabreuse, que l'appareil d'Etat a accompli la volonté politique antisémite et xénophobe du gouvernement maispoliciers, gendarmes et gardes mobiles pouvaient-ils trouver en eux-mêmes la force morale du général de Saint-Vincent,commandant la région militaire de Lyon, qui refusa de prêter quelques escadrons pour maintenir l'ordre pendant l'embarquementdes juifs et fut admis à faire valoir ses droits à la retraite ? Le jour-même de la rafle, Mgr Theas rédige sa lettre pastorale, le 30août, à travers toutes les églises et chapelles du diocèse de Montauban : " Des hommes et des femmes sont traités comme un viltroupeau et envoyés vers une destination inconnue avec la perspective des plus graves dangers...
Les mesures antisémitesactuelles sont un mépris de la dignité humaine.
" A Lyon, le cardinal Gerlier " couvre ", pour sa part, l'enlèvement, par l'Amitiéchrétienne (lire ci-dessous le témoignage de Joseph Rovan) de 84 enfants juifs sur le point d'être envoyés à Drancy par le préfetrégional auquel le primat des Gaules assure que " ma prétention est même de nature à renforcer le gouvernement français dansses rapports avec les autorités occupantes, car elle montre ainsi à l'Allemagne les difficultés intérieures que crée en France laremise des juifs ".
A la base aussi, l'opinion publique s'exprime elle a plus de facilité à le faire, certes, qu'en zone occupée où l'introduction del'étoile jaune avait pourtant déjà entraîné, d'une manière générale et perceptible, des réactions hostiles, renforcées encore par lagrande rafle de la mi-juillet, mais en zone libre elle se fait entendre très clairement des préfets.
Dans leurs rapports mensuels,ceux-ci se font l'écho de ce mouvement d'opinion, les uns avec précaution, les autres plus directement.
Laval se tient au courant très précisément des réactions de l'opinion publique.
En fait, il les redoutait.
Il demande auxAllemands, " eu égard à cette opposition du clergé, qu'on ne lui signifie pas de nouvelles exigences ".
Sensibles à la situation politique ainsi exposée, Oberg et Knochen renoncèrent à faire pression pour que fût mis en oeuvre ceprogramme d'un train quotidien de déportation à partir du 15 septembre et jusqu'au 30 octobre.
Les juifs de France doivent à cesursaut de l'opinion française le ralentissement de la coopération policière massive instaurée entre Vichy et la Gestapo en juillet.
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