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APOGÉE ET CRISES DES IMPÉRIALISMES COLONIAUX

Publié le 28/01/2013

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En Indonésie, l'emprise coloniale est rigoureuse: supprimé en 1919 à Java seulement, le travail forcé sur les plantations subsiste dans les autres iles. Mais les divisions religieuses et les rivalités des princes locaux facilitent la mainmise des Néerlandais, qui, au nombre de 200 000, constituent une des plus fortes et des plus riches colonies européennes de l'Asie. Les éléments indigènes les plus nationalistes se regroupent à partir de 1927 dans le petit Parti nationaliste indonésien, vaguement teinté de socialisme, d' Ahmad Soekarno, mais leur action demeure théorique. Pénétrant mal des population misérables et souvent apathiques, ne bénéficiant pas comme au Moyen-Orient ou en Chine des rivalités .des puissances, les mouvements nationalistes de l'Inde et du Sud-Est asiatique demeurent embryonnaires. La crise économique mondiale, durement ressentie dans ces régions, facilite leur pénétration dans les masses populaires et le second conflit mondial leur donnera un élan décisif.

« 1 • L'agitation nationaliste dans l'Inde Police montée anglaise dispersant les mani­ festants , 1920 .

2 L'Empire français est-il menacé par le communisme 7 Albert Sarraut, gouverneur général de l'Indochine avant et pendant la gue"e , ministre des Colonies de 1920 il 1924 , con­ sidéré comme un spécialiste des questions coloniales , évoque, dans ce discours pro­ noncé le 22 avril 1927 il Constantine , les menaces qui pèsent, selon lui, sur l'Empire français : L'insurrection coloniale, la perte ou labandon par la France de ses colonies est l'un des articles essentiels du pro­ gramme de déchéance française dont l'exé­ cution méthodique · est impérieusement tracée par une influence étrangère aux affi­ liés français courbés sous sa loi.

Une logique rigoureuse ordonne à cet égard les desseins de la 111° Internationale de Moscou .

La France représente dans le monde la force morale la plus capable sans doute de résis­ ter victorieusement à lentreprise universelle de désagrégation nationale et sociale d'où les dirigeants du communisme moscovite espèrent faire surgir leur nouvel impéria­ lisme.

( •..

) La colonisation a toujours été pour la France une création d'humanité et si le colo­ nisateur est en droit de retirer de son œuvre de légitimes avantages, la doctrine française considère qu 'elle n'est pas simplement un enrichissement national , mais un enrich isse­ ment universel.

( ...

) Avec son domaine d'ou­ tre-mer , la France est une nation de cent millions d'habitants, riche d'incomparables richesses .

Sa force économique, c'est-à-dire sa sécurité et son avenir économ ique dépendent largement, dépendront plus lar­ gement encore demain de ce potentiel colo­ nial.

Voilà donc ce qu'il faut annihiler 1 Pour le Gouvernement et le Parlement, comme pour les masses laborieuses, la devise , le mot d'ordre doit rester le même : le commu­ nisme, voilà l'ennemi.

Cité par R.

Girardet, L 'id'e coloniale en France, La Table Ronde éd ..

p.

152.

3 Une analyse lucide de la question marocaine au lendemain de la guerre Lyautey, qui comprend l'éveil du nationa­ lisme marocain , préconise très tôt une poli­ tique de promotion indigène qui mènerait peu il peu le pays à une association volon­ taire avec la France; c' est le seul moyen, pense-t-il, de préserver les intér~ts français au Maroc : Voici le moment venu de donner un sé­ rieux coup de barre au point de vu'e de la politique indigène et de la participation de l'élément musulman aux affaires publiques .

Il faut regarder bien en face la situation du monde en général , et spécialement la situation du monde musulman, et ne pas se laisser devancer par les événements.

Ce n'est pas impunément qu'ont été lancées à travers le monde les formules du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et les idées d'émancipation et d'évolution dans le sens révolutionnaire .

Il faut bien se garder de croire que les Marocains échap­ pent ou échapperont longtemps à ce mou­ vement général.

Si pendant des siècles la xénophobie du Maghreb , son esprit d'indé­ pendance jalouse ont établi une cloison étanche entre lui et le reste du monde et 1' ont maintenu figé dans une forme théocra­ tique immuable , ces temps sont passés.

D'abord, le fait seul de notre arrivée dans le pays , et, à notre suite, d'une immigration européenne croissante, de nos journaux, de nos habitudes de libre discussion et d'indé­ pendance à légard de toute autorité aurait suffi pour secouer profondément le pays.

Mais la guerre survenant a multiplié les points de contact.

Des milliers de Marocains sont allés en France, en Europe, et non seu­ lement s'y sont battus côte à côte avec nos troupes, mais y ont servi dans les ateliers, ont séjourné dans les villes, ont appris le français , lu et écouté, et sont revenus au Maroc imprégnés d'idées nouvelles .

En outre, les barrières se sont abaissées du côté de l'Est, laissant passer un afflux crois- 4 • Permanence de l'Inde des princes Portrait d'un Maharadjah, peint par Lafugie, 1925.

Ph.

© J.-L Charmel - DR.

sant d'indigènes algériens et tunisiens, dont la mentalité est de moins en moins ar­ chaïque et n'est généralement pas sympa­ thique à notre domination ...

IL.es Marocains) sont très curieux de ce qui se passe dans le monde et en sont très informés.

Ils sont avides d'instruction et très adaptables.

Il se forme chez eux une jeu­ nesse qui se sent vivre et veut agir, qui a le goOt de l'instruction et des affaires.

A défaut des débouchés que notre administration lui donne si maigrement et dans des conditions si subalternes, elle cherchera sa voie ail­ leurs, d 'une part auprès des groupements européens qui sont tout prêts à l'accueillir et à s'en servir dans un but d'opposition, ou auprès des étrangers ou auprès des groupe­ ments musulmans externes, et enfin elle cherchera à se grouper elle-même ...

Le succès des Bolchevistes en Crimée, leur approche de Constantinople et du Levant, le contrecoup qui va s'en produire en Islam, les proclamations d'indépendance en Égypte, en Tripolitaine, sont des événe­ ments mondiaux qui vont créer demain une situation nouvelle.

Il ne faut pas se laisser surprendre.

La Tunisie et l'Algérie sont déjà profondément remuées.

Il serait inexcusable de s'endormir au Maroc et d'imaginer qu'on pourra longtemps éviter le contrecoup de tels événements.

Le meilleur palliacif est d'y donner le plus tôt possible à l'élite maro­ caine les moyens d'évoluer selon sa norme, en donnant à temps satisfaction à ses aspi­ rations inévitables, en remplissant auprès d 'elle dans toute son ampleur le rôle d'un tuteur, d'un grand frère bienfaisant auquel elle ait intérêt à rester liée, alors que ce serait une si périlleuse illusion d'imaginer que nous la tiendrons définitivement en mains avec notre mince et fragile pellicule d'occupation (militaire).

18 novembre 1920.

Lyautey, Textes et lettres.

Pion, éd., t.

IV, p.

21.. »

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