Afrique noire française de 1920 à 1929 : Histoire
Publié le 08/01/2019
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Ce n’est qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale que l'Afrique noire française entre véritablement dans l'«ère coloniale». La «pacification», terme pudique qui recouvre les dernières opérations de soumission des populations, s'est achevée pendant la guerre et les grandes constructions administratives ont été élaborées avant qu’elles ne puissent fonctionner.
L'Afrique noire française est constituée en 1919 de deux immenses fédérations, l'AOF (Afrique-Occidentale française) et l’AEF (Afriquc-Équatoriale française). La première, née en 1895 mais réellement organisée en 1904, regroupe, au début de la décennie, huit colonies: le Sénégal, le Soudan, la Haute-Volta (ces deux derniers issus en 1919 d'une partition de l’énorme haut Sénégal-Niger d'avant la guerre), le Niger, la Guinée, la Côte-d'Ivoire, le Dahomey et la Mauritanie. La seconde, modelée sur son aînée en 1910, regroupe le
Gabon, le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari et le Tchad. En outre, les vainqueurs qui statuent alors sur les dépouilles de l’empire allemand à la conférence de Versailles entérinent les partages du Togoland et du Cameroun allemands entre la France et la Grande-Bretagne, sous forme de deux mandats qui devaient être placés sous le contrôle de la commission genevoise des mandats de la Société des Nations; contrôle distrait et lointain, mais qui ne permet cependant pas l'intégration du Togo et du Cameroun français dans les deux fédérations et leur confère une personnalité propre.
Les deux capitales fédérales, Dakar et Brazzaville, sont les sièges des gouvernements généraux et concentrent la direction des services communs des territoires où sont détachés des fonctionnaires métropolitains: douanes, enseignement, santé (confiée à des médecins des troupes coloniales), postes, travaux publics, agriculture...
également affaires indigènes et musulmanes. Mais le gouverneur général tient surtout son autorité des pouvoirs proconsulaires qu’il reçoit de la République; en particulier, il nomme à une bonne partie des emplois locaux, jouit d'un pouvoir réglementaire par arrêtés et, seul, possède le droit de correspondance directe avec le gouvernement en métropole (c’est-à-dire avec le ministre des Colonies) dont il relève. En outre, il gère un budget fédéral alimenté par les revenus douaniers de l’ensemble de la Fédération qui représente l’essentiel des recettes de cette dernière. S’il voit les affaires «de haut» et n’est pas toujours compris et suivi par la «base», le gouverneur général n’en inspire pas moins la direction de la politique africaine. Il exerce à cet égard une autorité personnelle que ne peut guère-entraver le Conseil de gouvernement qui l’assiste. Celui-ci, réorganisé en 1925, est composé d’une majorité de fonctionnaires et de représentants élus
«
Au
début du siècle, en AOF,
des Européens déjeunent
dans un village au cours d'une
tournée pour l'achat de
caoutchouc.
© Harlingue - Viol/et des
int érê ts européens {chambres de
commerce) et africains (notables); il
reste confiné dans un rôle consultatif et
strictement budgétaire.
Certains chefs
de service, par exemple le grand
spécialiste de la «politique indigène»
qu'est Maurice Delafosse, ont une bien
plus grande influence sur les choix
effectués.
L'exercice du pouvoir est
d'autant plus personnel que les
proconsuls sont d'habitude de
puissantes personnalités : en AOF,
William Ponty avant la guerre, Joos
Van Vollenhoven en 1917 puis Gabriel
Angoulvant, Auguste Brunet à l'issue
de la guerre; dans les années vingt,
Jules Carde, disciple de Gallieni et de
Van Vollenhoven, de 1923 à 1930 en
t a n dem avec son secrétaire général
Au guste Dirat; en AEF, Victor
Au gagneur au début des années vingt
(mais proconsul souvent absent), puis
surtout Raphaël Anton etti et Mathias
{\ lf a ssa jusqu'en 1933.
A l'échelon territorial, chaque colonie
est placée sous l'autorité d'un
l ieu te n an t- go uvern eur qui est en
p ri nc ipe un fonctionnaire d'exécution
mais qui jouit d'une autonomie
suffisamment large pour «adapter» la
politique géné rale; il nomme à la
plupart des e mploi s indigènes et est
r es pon sable d'un budget territorial
dont les recettes proviennent pour plus
des deux tiers de l'impôt de capi ta tio n.
La péren nit é des gouverneurs à la tê te
des territoires au lendemain de la
guerre est assez grande.
Ainsi, Jean
Henri Terrasson de Fougères dirige la
colonie du Sou dan pendant toute la
décennie; Jean-Louis Poiret celle de
Guinée de 1916 à 1929; Gaston Fourn,
le Dahomey de 1917 à 1928; Auguste
Lamblin, l'Oubangui-Chari de 1919 à
1928 ...
Seuls les congés réguliers les
écartent de leur colonie à laquelle ils
s'identifient souven t.
Au niveau local, dans chaque «cercle>>
{AOF) ou «circonscription» {AEF)
règne l'administrateur, le > du Sénégal).
La plus
impo rtan te , entre les Voltas et le
N iger , avait duré plus de huit mois
jusqu'au milieu de 1916, avait affecté
une zone de plus de 60 ()()() km2 et
soulevé plus de 500 000 révoltés.
Sa
répression avait nécessité des moyens
humains et matériels sup éri eurs à c eu x
de la conquête elle-même; mais le
con text e de la guerre en Europe avait
déterminé un véritable silence sur ces
événements.
Une grande révolte des
Touareg du Sahara et de la boucle du
Niger, en relation avec la poussée
sénoussiste, avait aussi failli emporter
Agadès en 1916.
Elle n'avait pas
entraîné les Noirs (e xc ept é des groupes
asservis par les Touareg) et en 1919, les
territoires du Niger et du !chad étaient
passés sous ré gi m e civil.
A la fin des
années vingt, c'est en AEF que se
produisit le dernier mouvement
insurrectionnel de grande envergure
dans les régions aux confins de
l'Oubangui-Chari, du Cameroun et du
Moyen-Congo septentrional.
Connue
sous le nom de Guerre des Houes, la
rébellion dresse d'abord, en 1918, les
paysans Baya, puis bientôt aussi toutes
les populations voisines, contre les
abus de l'administration et des sociétés
concessionnaires de territoires
immenses où elles exploitent encore le
caoutchouc de cueillette.
Bien que ces
abus soient alors dénoncés par André
Gide dans son fameux Voyage au
Congo et dans son Retour du Tchad, et
qu 'ils entraînent aussi une campagne
orchestrée par le quotid ien l'Humanité,
à aucun moment la révolte n'est à
l'écoute de l' «extérieur>> et ne revêt un
tour .
Au contraire, son
chef, le prophète Karinou (ou Karno),
refuse tout contact avec les Blancs et
en appe lle à un re to u r au passé
magique et traditionnel précolon ia l.
La pro testation
commence cependa nt à se faire
entendre, au moins dans les villes et
sur les côtes.
En AEF, elle prend la
forme tout à fait originale d'un
mouvement messianique et syn cré tiq u e
no ir, in sp iré de la préd icatio n
protestante.
Elle s'incarne dans la
figure charismatique d'André
Matsoua, un Bakongo.
Ce dernier suit
la vo ie traçée par le «Messie» Simon.
»
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