Grand Oral de SES: L'ENA

« En 1967, un pamphlet politique intitulé L’énarchie où les mandarins de la société bourgeoise s'attelle à dénoncer les travers de l’ENA, cette école de la haute administration qui est au cœur du pouvoir en France.

Depuis, cette analyse n’a pas pris une ride. Créée en 1945, l’école nationale d’administration est fondée par l’Etat afin de lutter contre les risques de népotisme dans la fonction publique.

Jusqu’alors, il n’existait pas de formation unique : cette nouvelle école a pour ambition de démocratiser l’accès aux postes de fonctionnaires. Rapidement, l’ENA gagne en prestige, à tel point que parmi les huits derniers présidents français, quatre sont des énarques.

Mais 80 ans après la fondation de l’institution, les hautes sphères de la société dénoncent une démocratisation superficielle.

Mais quand est-il donc de vous ? Evidemment vous êtes aujourd’hui professeurs, mais revenons 20 ou 30 ans plus tard, auriez-vous pu vous aussi devenir des énarques ? Tout d’abord, il s’agit de nous interroger sur les milieux sociaux dont vous provenez.

Et en tant que professeurs, vous avez beaucoup plus de chances de venir de milieux privilégiés.

En effet, l’origine sociale des professeurs en 2015 est très nettement favorisée comparée à la population active : un professeur sur deux a un parent appartenant aux professions intermédiaires ou aux cadres et professions intellectuelles supérieures, alors que c’est le cas pour un actif sur trois. De ce constat, nous supposons donc que vous êtes majoritairement issus d’une famille aisée. C’est alors que la notion de dotation élevée en capital culturel entre en jeu.

Dans son ouvrage “les héritiers”, Bourdieu explique qu'un « privilège culturel » caractérise les étudiants issus des classes les plus favorisées.

Ce capital désigne les connaissances en matière de culture et la capacité à apprécier les œuvres issues de la « culture savante » telles que le théâtre, la musique classique, la peinture…Le privilège culturel de ces étudiants face à l’école se traduit alors par une proximité entre la culture qu’ils ont acquise au sein de leur milieu social et familial et la culture de l’école, cette dernière valorisant les mêmes œuvres que la culture savante.

L’école traite en effet tous les élèves comme égaux face à la culture alors qu’ils sont inégaux de fait : elle manifeste ainsi une « indifférence aux différences ».

En souhaitant évaluer tous les étudiants sur un pied d’égalité, l’école appréhende les différences sociales comme des différences purement scolaires et transforme donc une hiérarchie sociale en classement scolaire.

Les élèves de milieux aisés réussissent mieux à l’école et de fait, accèdent à des études supérieures prestigieuses.

Compte tenu du fait que plus de la moitié des élèves de l’Ena est passée par une classe préparatoire ou par Sciences po, il semble pertinent d’affirmer que l’institution dépend fortement des catégories sociales dominantes dans la société. Ainsi, plus des deux tiers des élèves passés par l’IEP de Paris appartiennent à un milieu supérieur en raison de la profession de leur père.

Le passage par ces instances très sélectives contribue à augmenter la surreprésentation des élèves issus de catégories sociales privilégiées.

On retrouve là l’influence de tout ce qui contribue à développer chez.... »