ÉMANCIPATIONS CRÉATRICES Texte 1 : « Un Rêve » Proposition de lecture linéaire Éléments pour l’introduction Aloysius Bertrand
Publié le 19/06/2024
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ÉMANCIPATIONS CRÉATRICES
Texte 1 : « Un Rêve »
Proposition de lecture linéaire
Éléments pour l’introduction
Aloysius Bertrand est une des figures des poètes incompris et marginaux du XIXe siècle.
Il meurt d’une
tuberculose pulmonaire à Paris en 1841.
C’est son ami David d’Angers qui assurera la parution en 1842
de Gaspard de la nuit, recueil de courts poèmes en prose.
Il ne sera reconnu qu’au XXe siècle notamment
par les surréalistes, bien que Baudelaire ait admis s’être inspiré de son recueil pour écrire Petits poèmes
en prose.
« Un rêve » est le poème le plus connu de ce recueil et annonce l’intérêt des surréalistes
pour l’univers de l’inconscient.
Il s’agira de montrer en quoi le récit d’un rêve permet, par sa ressaisie
poétique, d’exprimer le pouvoir de la poésie.
Après avoir mis en évidence l’entrée dans l’univers onirique
mis en place par le paratexte, nous analyserons comment le poème en prose introduit une logique dans
cet univers angoissant et mystérieux.
Enfin, nous montrerons que la chute du récit témoigne du pouvoir
de la poésie à l’image de celui du rêve.
Mouvement 1 : l’entrée dans un univers onirique
Le titre « Un rêve » repris à la ligne 8 et évoqué par le synonyme « songe » à la fin du poème ancre le
texte dans la rêverie.
L’emploi du déterminant indéfini « un » suggère que le rêve relaté peut être un
rêve parmi tant d’autres créé par l’imagination du poète.
L’épigraphe : « J’ai rêvé tant et plus, mais je n’y
entends note », issue de Pantagruel de Rabelais met en avant la difficulté à interpréter les rêves.
En effet,
ils ne sont pas toujours cohérents et logiques.
La capacité à rêver apparait comme une caractéristique
essentielle de l’humanité pour Rabelais, mais semble se dérober à notre entendement comme le
souligne la négation de l’énonciateur.
Dès lors, le poème en prose semble pouvoir résoudre cette
énigme.
Mouvement 2 : un poème en prose pour analyser le rêve
Si le propre du rêve est d’apparaitre le plus souvent comme incohérent et illogique, la forme de ce
poème en prose permet de remettre de l’ordre dans ce type de récit.
En effet, la typographie permet
de structurer le récit en paragraphes évoquant le découpage strophique par leur équilibre et les
connecteurs confirment cet agencement avec « d’abord », « ensuite » et « enfin », même si cette
fragmentation mime aussi les glissements d’une image à l’autre propre à l’absence de logique du rêve,
fait de surimpressions.
La formule initiale « Il était nuit » rappelle les formules archaïques du conte et confirme l’introduction
dans l’univers de la rêverie, pris en charge par un narrateur bien présent à travers la formule en incise :
« ainsi j’ai vu, ainsi je raconte ».
L’emploi du passé composé et du verbe « voir » font à la fois de lui un
témoin, et par le présent d’énonciation, le conteur de son propre rêve.
Le passé simple « ce furent »
inscrit le récit dans un temps révolu et met en place dans le premier paragraphe un décor mystérieux
par son caractère fantastique mêlant la nature (univers païen) et l’architecture moyenâgeuse (univers
chrétien).
En effet, la description d’« une abbaye aux murailles lézardées par la lune », la circulation
labyrinthique mise en évidence par l’alexandrin : « une forêt percée de sentiers tortueux » (dont l’adjectif
évoque la « torture » mais aussi un esprit malveillant), et le « Morimont » qui suggère par sa sonorité
sa fonction (mont sur lequel a lieu la mort) participent à la création de cet univers.
Les « capes » et
« chapeaux » évoquent par métonymie la présence d’êtres inquiétants repris par le participe présent
« grouillant », les assimilant à des insectes.
CNED
PREMIÈRE
FRANÇAIS
1
Le deuxième paragraphe reprend la formule « ce furent » et « ainsi j’ai entendu, ainsi je raconte »
à la manière d’un refrain comme dans la forme fixe de la ballade.
Le poète crée un univers auditif
angoissant avec « le glas funèbre d’une cloche », « les sanglots funèbres d’une cellule », « des cris
plaintifs et des rires féroces » et « les prières bourdonnantes » mis en relief par des rimes internes
comme entre « cloche » et « féroces ».
Les adjectifs connotent la mort et l’hostilité de cet univers
est rendue par les allitérations en « r », « f » et « s » et les assonances stridentes en « i ».
Les
correspondances entre les différents sons marqués par les verbes « répondre » et « frissonner » qui
généralisent le caractère effrayant de cet univers décrivant le mal représenté par le « criminel » allant
« au supplice ».
Les deux derniers paragraphes concluent le récit par une dernière reprise du refrain quelque peu
modifiée par « ainsi s’acheva le rêve, ainsi je raconte » en insistant sur les actions des personnages :
« un moine », « une jeune fille », « le bourreau » et le poète lui-même représenté par le pronom tonique
« moi », témoin et personnage de son propre....
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