Les relations de causes à effets dans un tableau de bord stratégique sont-elles des outils fiables et pertinents ?
Publié le 03/09/2012
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La perception de l'incertitude environnementale peut avoir un impact non seulement sur ce que les indicateurs du tableau de bord devraient inclure, mais aussi sur l'utilité de la carte stratégique elle-même. L'incertitude peut aussi influencer la volonté de la direction de s’en remettre à n'importe quelle stratégie. Comme il y a un risque que la stratégie choisie s’avère inadéquate, aligner les indicateurs et l’organisation à cette stratégie peut être risqué. En outre, des changements rapides de l'environnement pourraient aussi influencer d'autres aspects de l'utilisation du BSC. Kaplan et Norton suggèrent par exemple l'utilisation d’une "value timeline" qui décrit comment les avantages économiques des parties de chaque processus qui doivent être améliorés, se répartissent sur plusieurs années. En pratique, même les sociétés présentes dans des environnements plutôt stables éprouvent le besoin de procéder à des ajustements fréquents et des changements de stratégies qui doivent être reflétées dans la carte stratégique. De plus, les changements constants des cartes stratégiques et du BSC exigés pour faire face à l'environnement changeant jettent quelques doutes sur le postulat de Kaplan et Norton, qui veut que le BSC soit particulièrement utile dans des environnements où le changement est rapide.
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A) Les pratiques des entreprises en matière de mesure non financière de la performance
Les universitaires américains Ittner & Larcker ont effectué une enquête auprès d'entreprises, portant notamment sur leurs pratiques en matière de mesure nonfinancière de la performance.
Les résultats de leurs observations sont sévères.
Tout d'abord, les indicateurs n'ont souvent pas de lien avec la stratégie.
Seules 30% des sociétés de l'étude ont pu montrer une connexion claire avec la stratégie etprésenter le modèle causal qui relie les indicateurs entre eux et avec les objectifs.
Pour les autres entreprises, des indicateurs clés sont éventuellement organisés enquatre axes.
Quand il existe des liens de causalité entre les objectifs et les indicateurs, ils ne sont pas clairement démontrés.
Enfin, les firmes utilisent de nombreuses mesures non pertinentes ; par exemple, des indicateurs trop simples pour avoir une signification, notamment pour évaluer lasatisfaction des clients ou du personnel.
L'étude évoque souvent un nombre trop important d'indicateurs, sans que cela soit une garantie de présence des principauxindicateurs clés.
Elle montre aussi des entreprises qui se disent utilisatrices du BSC alors que les indicateurs qu'elles ont mis en place n'ont pas été construits selon laméthodologie du BSC.
B) Les problèmes lies à l'utilisation des indicateurs non-financiers
Dans cette partie, nous nous sommes penchés sur les problèmes techniques et conceptuels que pose l'utilisation d'indicateurs non-financiers.
Pour cela, nous avonsrepris les résultats d'études menées notamment par Itnner et Larker et par Banker, Potter et Srinivasan.
Celles-ci montrent que les entreprises éprouvent d'importantes difficultés à argumenter un lien entre la performance financière de l'entreprise et ces indicateurs.L'existence d'une relation mathématique, qui permettrait de mettre en relief les impacts des indicateurs non-financiers sur les indicateurs financiers, semble exclue leplus souvent.
Itnner et Larker se sont intéressés plus particulièrement aux relations entre la satisfaction des clients et la performance financière.
Ils se sont posés la question d'unlien éventuel entre la publication de la satisfaction client et la valeur boursière de l'entreprise.
En effet, la comptabilité peut, selon certains théoriciens, avoir du mal àévaluer les investissements immatériels (qualité, RH, marketing) et leurs incidences sur le résultat de l'entreprise.
Néanmoins, ces mêmes auteurs pensent que lesindicateurs non-financiers peuvent être de bons « prédicteurs » de la performance future.
Des études plus anciennes sur ces problèmes montrent des résultats contrastés.
Selon elles, il est difficile de prouver que les effets de la satisfaction client soienteffectifs.
De plus, les managers les supposent trop souvent.
Les résultats de la recherche d'Itnner et Larker montrent que la satisfaction client agit de manière positive sur le comportement futur des clients mais avec des effetsmarginaux décroissants.
En outre, la satisfaction client permet de faire augmenter les profits.
Pourtant, la majorité des effets sont indirects et passent par l'acquisitionde nouveaux clients.
Les effets d'une augmentation des ventes aux clients existants semblent beaucoup plus faibles.
En effet, les auteurs ne trouvent pas de lien entrela satisfaction client et un montant anormalement élevé de dépenses de la part des clients.
Toujours selon l'étude, les entreprises ayant des clients satisfaits sont pluscapables de contrôler leurs profits.
Les places financières voient dans la performance « satisfaction clients » un indicateur intéressant des cash-flows futurs.
De même, Banker, Potter et Srinivasan (2000) ont effectué des études similaires, sur le lien entre la performance non-financière et la performance financière.
Ils sedemandent aussi si la prise en compte des indicateurs non-financiers dans les plans de compensation permet d'améliorer les indicateurs financiers.
Leurs résultats sont intéressants et vont dans le sens de ceux d'Itnner et Larker (1998) : la satisfaction est mise en relation avec la performance financière de longterme plutôt qu'avec celle de court terme.
Donc cela signifie qu'un « effet retard » des indicateurs non-financiers existe.
Celui-ci devra être pris en compte et expliquédans les revues de gestion.
Enfin, la performance mesurée par des indicateurs non financiers s'améliore quand ils font partie d'un plan de compensation.
Les individus sont plus motivés par lesobjectifs dont la réalisation améliore leur situation personnelle.
II) Le BSC dans la pratique
Dans cette partie, nous allons nous pencher sur les résultats d'enquêtes menées auprès d'entreprises finlandaises qui ont adopté la méthodologie du BSC.
Dans des entretiens effectués avec des sociétés finlandaises en 1998, Malmi et Bukh (2001) ont constaté que, bien que la plupart des acteurs aient déclaré avoirdécliné leurs indicateurs à partir de la stratégie, en se basant sur le principe de la relation de causes à effet, le lien revendiqué entre la stratégie et les indicateurs estapparue faible dans la plupart des sociétés.
De plus, les conclusions des entretiens montrent que l'idée initiale de lier les indicateurs n'est pas souvent bien comprise.Les entreprises adoptent seulement une interprétation plutôt simplifiée du concept de BSC, résultat que l'on retrouve également chez Ittner et Larcker (2003).
Lestableaux de bord sont la plupart du temps seulement composés d'une collection d'indicateurs triés selon quatre dimensions sans aucune tentative de dresser la cartestratégique de l'organisation.
De cette manière, ils se rapprochent plus de la sorte de tableaux de bord que Kaplan et Norton (2001) désignent sous l'appellation detableaux de bord KPI.
En outre, les tableaux de bord BSC de ces entreprises sont plutôt denses et il est difficile de repérer les indicateurs suivant les questionsstratégiquement importantes.
Cependant, les auteurs ont également travaillé avec des sociétés tant dans le privé que dans le secteur public, qui ont utilisé la relation de causes-à-effets et sontparvenues à établir des cartes stratégiques pour illustrer et communiquer leur stratégie et mettre en place des indicateurs adaptés.
Norreklit (2000) met en doute la fiabilité du BSC à travers trois critiques : 1) il devrait y avoir une dimension de temps dans le BSC pour être capable de parler decausalité 2) il n'y a aucune relation de cause à effet entre certains des axes suggérés dans le BSC 3) les quatre dimensions ne sont pas indépendantes.
Nous examinerons deux de ces trois réclamations qui forment ensemble la base du rejet du BSC comme une méthodologie pratique et utile.
A) Le manque de dimension temporelle dans le BSC
Kaplan et Norton (1996) ne définissent pas clairement le concept de causalité dans leur ouvrage de référence.
Ils semblent suggérer une relation de caractèredéfinitif.
La causalité est souvent définie selon le principe qu'une cause doit précéder son effet dans le temps.
Pourtant, dans la pratique, les auteurs observent souvent desrelations qui sont causales de manière instantanée, par exemple quand le chiffre d'affaires total augmente en même temps que le chiffre d'affaires d'un certain.
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