Vincent Van Gogh
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
VAN GOGH
1853-1890
UN jour de l'été de 1882, Vincent van Gogh allait à pied avec un camarade jeune comme
lui-même,
par les dunes près de La Haye, en quête d'un motif.
Il faisait très chaud.
Le soleil brû
lait, il
n'y avait pas d'ombre sur le sentier sablonneux, sec et lourd, sur lequel Vincent marchait
au lieu de suivre une piste parallèle, au sol ferme, ombragée d'aubépines et de sureaux.
Vincent,
étouffant,
se plaignit.
Son camarade lui demanda: «Pourquoi ne viens-tu pas ici dans l'ombre?»
Vincent répondit: « Il faut souffrir pour l'art.>>
Pour le
camarade qui m'a raconté lui-même, cinquante ans après, cette petite histoire,
Vincent était
un fou; il ne prenait pas cette absurdité comme une bizarrerie, mais comme une marque
de fulie.
Il ne pouvait en discerner le sublime.
Il en fut ainsi durant la courte vie de van Gogh,
qui s'éteignit huit ans après: son entourage (sauf, peut-être, seul, son frère Théo) le prit pour
fou, et ce
qui se cachait sous cette apparence d'illogisme, d'irrationnel, lui échappa.
Cet illogisme est cependant la source même de son œuvre; ce n'est pas de l'irrationnel,
et c'est bien ce
qui distingue van Gogh de ses contemporains, son art de tout ce qui l'a précédé
depuis des siècles.
Pour lui, le symbole a force de réalité.
Dans une civilisation qui, ne pouvant
concevoir de valeur réelle
que dans la réalité matérielle, tenait le symbole pour une abstraction
vide, rien
de plus qu'un signe conventionnel, van Gogh, mû par cette conviction intime, inébran
lable,
qui lui fut naturelle, reconnut dans le symbole la vraie réalité des choses et dans son expression
le
but suprême de l'art.
Il ne s'en fit pas un programme; il ne faisait que suivre le penchant de
sa propre nature sans même qu'il lui vînt à l'idée qu'il était en cela tout à fait différent d'autrui.
Ses lettres nous prouvent que, d'emblée, ce fut ainsi qu'il conçut le but de l'art et la tâche de
l'artiste.
RR là, il est à la base d'une évolution qui, jusqu'à nos jours, ne cessa de se développer.
Nous pré
tendons même
aujourd'hui vivre dans l'âge du Signe.
Notre signe est peut-être plus un signal
qu'un symbole, un signe qui réclame et qui avertit, et cela signifie qu'on prend le signe pour
la chose.
C'est l'inverse de ce que fit Vincent.
Dans l'art de l'affiche, où règne surtout le signe,
celui-ci n'est pas l'image de
la chose, il s'y substitue; van Gogh, lui, emploie la chose comme
signe
de l'idée.
Ainsi,
à notre époque matérialiste, le signe ;:t, envers la chose, la même relation que, chez
van Gogh spiritualiste, la chose envers l'idée.
Chez lui, l'œuvre même devient signe, c'est-à-dire
une image qui ne reproduit pas le motif, mais en témoigne l'essence.
Cette image ne postule
pas
un sujet, elle en exprime l'essentiel et en devient le symbole.
Quand il peint un portrait, il.
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