Rimbaud dormeur du val
Publié le 19/09/2013
Extrait du document
«
II.
Nature Idyllique
L’image de la Nature apparaît dans ce texte extrêmement positive: celle-ci se transforme
même au vers 11 en allégorie maternelle et aimante («Nature, berce-le chaudement»).
Elle est vue
tout au long du texte comme protectrice, à la mesure de l’homme, l’entourant et le protégeant,
comme le montrent les expressions «trou de verdure», «petit val», «lit vert».
On peut remarquer
d’ailleurs l’emploi constant de la préposition «dans» (v.
6, 7, 8, 9, 12) qui suggère l’union, la symbiose
même, entre l’homme et la nature qui lui sert en quelque sorte d’écrin, idée soulignée par la rime
homonymique (nue / nue) renvoyant à l’homme et au paysage.
Rimbaud construit son tableau de
façon à en renforcer l’harmonie: aux lignes horizontales de la rivière, de la terre couverte de verdure et
de fleurs répondent les lignes verticales des rayons du soleil («la lumière pleut») de «la montagne
fière»; ces les lignes droites s’harmonisent elles-mêmes avec les courbes fantasques de la rivière ou
des herbes et du cresson.
Le champ lexical de la lumière est dominant dans ce tableau (soleil (2 fois),
luit, rayons, lumière») et offre ainsi une vision très positive d’une nature éclatante.
Rimbaud fait appel
également aux sens de la vue avec la lumière et les couleurs («cresson bleu», «lit vert», «glaïeuls»),
l’ouïe(«chante»), l’odorat(«parfums»), le toucher(«frais», «mousse», «baignant»).
Les sens se mêlent
entre eux pour accroître l’impression de plénitude et de bien-être par le phénomène des synesthésies
(associations de sensations différentes): les deux images «la lumière pleut» et «mousse de rayons»
associent ainsi vue et toucher, donnant une sorte de consistance palpable à la lumière.
De même,
cette extrême sensibilité est encore accentuée par les allitérations, comme celle en [f]et [s]au vers 11
(«Les parfums ne font pas frissonner sa narine»).
Cet appel aux sens renforce la plénitude de vie qui
semble se dégager de ce paysage: c’est une nature fertilisée par la présence de l’eau et du soleil, où
tout pousse avec exubérance: les «herbes» (2 fois), le «cresson», les «glaïeuls»...
Les éléments du
paysage sont constamment personnifiés, accentuant l’impression de vie qui l’anime par de nombreux
verbes: «chante», «accrochant», «mousse», «pleut».
Les adjectifs et adverbes comme «fière» ou
«follement» leur donnent des caractéristiques psychologiques, ce qui les rapproche encore de l’être
humain.
Le bel oxymore «haillons / D’argent» mis en valeur par le rejet surprenant montre même une
nature qui rejoins les goûts du poète pour la bohème, où les haillons de la pauvreté peuvent se
transformer en tissu d’argent...
Finalement, cette nature pourrait être une sorte de miroir du jeune
homme qui s’y trouve, animé par le même désir de vie, de lumière et de sensualité...Cette nature
marquée positivement tout au long du texte, d’où se dégagent des impressions d’harmonie, de bien-
être, de protection, de vie exubérante, renforce évidemment l’effet de contraste violent du dernier vers
qui va faire surgir l’horreur et la mort au milieu de ce tableau idyllique.
III.
Un personnage vulnérable
Le soldat n’apparaît qu’au second quatrain; on peut remarquer d’ailleurs la composition
rigoureuse du texte qui obéit à une sorte d’effet de zoom, montrant d’abord le cadre du «petit val»,
puis se rapprochant sur le soldat, son allure générale et sa posture, pour se focaliser ensuite sur son
visage («souriant», «sa narine»), et enfin sur la découverte macabre du dernier vers.
Rimbaud insiste
tout au long du texte sur la vulnérabilité du personnage: il est présenté d’emblée comme «jeune»,
précision renforcée ensuite par la comparaison «comme [...] un enfant malade»; il n’a aucune arme,
même pas de casque sur sa «tête nue».
Son attitude révèle un abandon total puisqu’il «dort»: ce
verbe, répété 3 fois, apparaît au vers 7 en position de rejet, ce qui insiste sur son côté inattendu,
puisque ce n’est pas le comportement le plus souvent décrit d’un soldat! La vision du sommeil est
vraiment omniprésente voire envahissante dans ce texte: le verbe dormir apparaît dans chacune des
trois dernières strophes, relayé encore par d’autres expressions: «il est étendu», «son lit vert», «il fait
un somme».
Le personnage n’est sujet d’aucun verbe d’action, mais de verbes d’état: «dort», «est
étendu», «souriant», «fait un somme», «il a froid».
Rimbaud choisit également d’évoquer ici dans son
personnage les parties du corps les plus vulnérables: la bouche, la tête, la nuque, la poitrine.
Ce
personnage apparaît donc comme l’antithèse d’un soldat: il n’a pas d’arme offensive, ni même de
protection, il est vulnérable comme un enfant, endormi profondément; il ne représente aucune danger,.
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