Paul Gauguin
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
GAUGUIN
1848-1903
IL échut à Gauguin de devenir le héros d'un mythe: celui d'un artiste romantique en révolte
contre toute convention,
ignorant de tous les sordides détails matériels, sacrifiant à la recherche
de la
beauté pure toute douceur humaine.
En cette fin du XIXe siècle, si peu romantique, il
apparaît sur la scène de l'histoire comme une incarnation anachronique de l'idéal romantique.
:Mais ne voir -en Gauguin qu'un disciple attardé de Rousseau, c'est se tromper aussi bien sur
Gauguin que sur le romantisme.
Il apparaît comme la fleur dernière et la plus exotique de l'arbre
planté par Rousseau et arrosé par Byron (sa défense à la Don Quichotte des indigènes des Marquises
contre les gendarmes est
une action typiquement byronienne), mais son journal âpre et amer
nous montre un homme violent, ironique, irritable, suffisant, dont la nostalgie des tropiques
était plus sensuelle qu'idéale.
« La barbarie est pour moi un rajeunissement », disait-il.
Sa
nature revendicatrice s'accorde mal avec les figures de rêve de ses toiles, et pourtant
l'homme et l'œuvre sont également sincères.
Son décor d'exotisme est aussi naturel qu'est instinc
tif son besoin
de peindre.
En faisant d'immenses sacrifices, il parvient à réaliser son double souhait.
Pourtant, à l'heure de la mort, dans la misérable hutte du Pacifique, lieu de son exil volontaire,
il savait bien
qu'il n'était parvenu.
ni au bonheur personnel, ni à la réalisation d'un art classique.
Car, bien qu'un romantique soupire après l'inaccessible, il fuit d'instinct la désillusion que
lui apportera le réel.
Gauguin, qui est un arriviste type, a commis l'erreur d'arriver.
Ce n'est qu'en étudiant sa vie et son œuvre que l'on peut comprendre tout le tragique de
son cas.
Les documents
qu'il nous a laissés sont heureusement nombreux.
L'histoire de sa vie
nous occupera
tout d'abord.
EuGÈNE-HENRI-PAUL GAUGUIN est né à Paris le 7 juin 1848.
Son père, un petit journaliste
d'Orléans, fit un curieux mariage.
En effet, sa belle-mère, Flora Tristan, était une personne
fort agitée.
Saint-Simonienne en théorie
et agitatrice de gauche en pratique, elle était d'origine
hispano-péruvienne
et Gauguin se vantait que le sang tumultueux des Borgia fût mêlé dans
ses veines à celui du roi Montézuma.
Après le coup d'Etat de 1851, estimant bien à pr9pos que
le séjour en France était malsain pour un libéral, ce père s'embarqua pour le Pérou en compagnie
de sa famille.
Grâce aux riches relations de sa femme, il espérait fonder un journal.
Mais il mourut
pendant le voyage et Mme Gauguin et ses deux enfants furent abandonnés à la charité de leur
famille qui prit soin d'eux pendant les cinq ans de leur séjour à Lima.
Il est certain que l'enfant impressionnable, à demi hispanisé, qu'était alors Gauguin, dut
rapporter à Orléans bien des souvenirs de sa lointaine enfance.
C'est dans cette ville, en effet,
que la famille s'installa en 1856 et qu'il fit ses études.
En 1865, il entre dans la marine de commerce.
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