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LA PESTE Lectures analytiques 1 , 2 ,3,4,5

Publié le 03/02/2013

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LA PESTE, Camus, Lecture analytique 1 . L'Incipit Repères Les dernières pestes en Algérie datent de 1921. Les grandes épidémies précédentes remontent à 1835 (1500 morts en trois jours à Constantine) et surtout à la période 1816-1822 (2000 à 7000 morts par an). Dans les documents laissés par Camus, figure un ouvrage sur la peste en Algérie. Oran n'a donc pas connu la peste en 1940. Mais il y eut en 1941 une épidémie de typhus (55 000 cas en 1941, 200 000 en 1942) et c'est le département d'Oran qui a totalisé le plus grand nombre de cas. Par ailleurs, la peste symbolise sur le plan historique l'occupation allemande, le fascisme triomphant pendant ces années de guerre, mais aussi, sur le plan métaphysique, le mal et l'absurdité dans le monde. Introduction Tout début de roman, de type classique, vise à inciter le lecteur à la lecture, en provoquant l'illusion du réel et en cherchant à le séduire par un effet de dramatisation, par la création d'un mystère ou, plus simplement par la mise en place d'un certain ton. C'est sans doute le ton très particulier du début de La Peste qui nous captive dès les premières lignes où nous est proposée une évocation d'Oran et des Oranais. Il serait intéressant d'analyser ce ton particulier en étudiant dans cette page d'exposition, le mode d'insertion de la fiction dans le réel, le type de narration et enfin le propos satirique qu'elle comporte. I. Le cadre de l'action s' Insère dans le réel a) Un lieu réel Camus choisit de situer son action à Oran, cité algérienne dont tout lecteur de l'époque connaît le nom : il donne ainsi la caution du réel au cadre géographique dans lequel va se dérouler son récit. Mais il n'a ici nul souci «réaliste « : Oran ne sera guère décrite de façon pittoresque. Au contraire, il importe au romancier que cette ville soit «ordinaire «; elle ressemble somme toute à une autre « préfecture française « : elle est ainsi propre, par sa banalité, à représenter toutes sortes d'autres villes et à constituer le cadre d'un mythe de portée universelle (ce sera le mythe de la peste). b) Une date qui est connotée Cette localisation dans l'espace s'accompagnera d'une localisation dans le temps. En situant sa fiction dans les années qui précèdent le milieu du XXe siècle (sans préciser le millésime), Camus marque sa volonté de l'insérer dans l'Histoire récente. Les années 40 apparaissent tout de suite comme correspondant à la période de la Seconde Guerre mondiale ; cela apparaît d'autant plus évident que l'on sait que le roman est paru en 1947 : les «événements« dont il s'agit sont nécessairement antérieurs à cette date. Cette situation historique du récit sert d'abord l'illusion du réel tout comme le font les dates que l'on trouve souvent au début des récits de Balzac. Mais cela permettra aussi, dans ce roman, de donner une signification particulière à la fiction proposée : la peste, ce sera, entre autres, l'occupation allemande ainsi que le fléau du fascisme triomphant pendant les années 40. Pourquoi la date n'est-elle pas précise ? Peut-être une datation rigoureuse aurait-elle nui à la vraisemblance du récit en insistant trop sur le caractère historique d'un événement, la peste, qui n'a pas eu lieu. Mais, surtout, cela donne d'emblée un caractère particulier à ce récit. De même que la ville ne sera guère décrite dans sa spécificité, de même, la période temporelle ne sera pas évoquée dans son contexte historique précis. Il s'agit, non pas de proposer un récit « réaliste «, mais de créer le minimum d'illusion du réel nécessaire au lecteur pour qu'il «entre« dans la fiction. II. Les différents modes d'illusion du réel choisis par le romancier impliquent un certain Type de narration a) Le souci chronologique En choisissant de définir son récit comme une chronique (mot qui vient du terme grec chronos, qui signifie le temps), Camus adopte un mode de récit particulier, caractérisé par l'importance donnée aux repères temporels ; le texte en comporte un certain nombre : « le samedi soir et le dimanche «, « les autres jours de la semaine «, « le soir «, « à heure fixe«. Et le livre commence avec l'évocation du rythme des saisons : la succession « printemps, été, automne, hiver « évoquée au second paragraphe annonce le déroulement chronologique du roman dans son ensemble qui commence au printemps, se poursuit à l'été puis à l'automne et se termine au moment de l'hiver. Mais surtout, en indiquant qu'il se prépare à écrire une chronique, Camus annonce un type de récit très marqué par le souci d'une chronologie rigoureuse : le chapitre II commencera par l'expression : « Le matin du 16 avril «, et comportera, en tête de nombreux paragraphes, des indications temporelles, voire des dates précises (« le soir même «, « le lendemain 17 avril «, « un moment après «, « l'après-midi du même jour «, « à dix-sept heures«, «le lendemain matin 18 avril«). La suite du roman confirmera, en maints endroits, ce souci de suivre une chronologie détaillée, qui permet au narrateur de donner à son récit un caractère - ou une apparence - de grande objectivité. b) Un narrateur relativement discret Ce ton «objectif«, le narrateur y parvient aussi en Cultivant la discrétion. Le texte ne comporte pas une seule fois la mention du pronom personnel de la première personne du silgulier: on notera à cet égard la formulation de la première phrase qui, en évoquant « les événements qui font le sujet de cette chronique «, occulte la personne même du chroniqueur. Et le sujet de l'incise «on doit l'avouer « permet de masquer l'individualité du narrateur derrière le flou de l'indéfini « on «. Cette discrétion s'explique dès lors que l'on sait que Camus a le souci de ne dévoiler l'identité de ce narrateur qu'à la fin du livre. c) Un narrateur présent dans l'action Pour discret qu'il soit, le narrateur n'en est pas moins présent dans l'action. Comme l'indique l'usage qu'il fait du possessif de la première personne du pluriel : en écrivant « notre ville «. « nos concitoyens,«, il se présente comme l'un des habitants d'Oran, l'un des témoins de l'action qu'il va raconter. D'entrée de jeu d'ailleurs, en écrivant au présent de l'indicatif, il se donne comme contemporain de ces êtres dont il va évoquer les aventures récentes d) Un narrateur apparemment détaché Cette présence dans l'action revêt toutefois caractère particulier : le narrateur apparait relativement détaché par rapport aux événements dont il va parler. Ceci frappera le lecteur à sa seconde lecture : parler de « curieux « événements pour évoquer la peste, indiquer que ceux-ci sortaient « un peu « de l'ordinaire relève d'un usage de l'euphémisme à valeur humoristique. Et cet humour semble indiquer que le narrateur, simple témoin, n'a pas-été très impliqué dans l'aventure dont il se fait le chroniqueur. Cet apparent détachement a d'abord une valeur sur le plan de l'efficacité du récit ; le romancier provoquera un effet de surprise à la fin du roman et lui conférera un surcroît d'intensité en révélant que le narrateur apparemment distant n'était autre que Bernard Rieux, le héros le plus impliqué dans l'aventure. Ce ton détaché a aussi un intérêt sur le plan de la signification du livre ; il donne à penser qu'un événement aussi extraordinaire et choquant que l'apparition de la peste - ou du fascisme - peut survenir sans qu'on y prenne garde, appartient au monde du quotidien (alors qu'un ton emphatique soulignerait, au contraire le caractère exceptionnel du fait). Enfin, cette distance humoristique revêt - à seconde lecture - une valeur psychologique : elle trahit, chez le docteur Rieux qui a eu doublement à souffrir de cette période (avec la mort de sa femme et celle de son ami) une pudeur, une réserve, un refus de pathétique qui sied bien à la modestie du personnage et qui concourt à peindre cette dignité dont Camus a voulu doter son héros. III. Ironie et satire Ce texte enfin, pris au premier degré, constitue une satire de la ville d'Oran et de ses habitants. a) Par la description négative de la ville La cité, d'abord, est décrite sur le mode négatif comme le montre l'usage répété de la préposition à sens privatif (« sans «), puis de la négation « ni « dans l'évocation d'une «ville sans pigeons, sans arbres, et sans jardins, où l'on ne rencontre ni battements d'ailes ni froissements de feuilles«. La description de l'été à Oran traduit aussi l'absence de la nature dans la cité, l'absence de végétation qui prive les habitants de l'ombre des arbres pour ne leur laisser que celle des « volets clos «, l'absence de milieu aquatique qui rend les maisons «trop sèches « : Camus dira un peu plus tard qu'Oran tourne le dos à la mer. Enfin, la succession des termes « soleil «, « maison «, « murs «, « volets clos « qui s'organise selon le principe du rétrécissement de l'espace renforce l'impression d'étouffement déjà suggérée par l'image de l'incendie. b) Satire de l'argent Cette satire de l'architecture citadine s'accompagne d'une critique amusée du goû...

« 2II .

Les différents modes d’illusion du réel choisis par le romancier impliquent un certain T YPE DE NARRATION a) Le souci chronologique En choisissant de définir son récit comme une chronique (mot qui vient du terme grec chronos, qui signifie le temps ), Camus adopte un mode de récit   particulier, caractérisé par l'importance donnée aux repères temporels ; le texte en comporte un certain nombre : « le samedi soir et le dimanche », « les autres jours de la semaine », « le soir », « à heure fixe».

Et le livre commence avec l'évocation du rythme des saisons : la succession « printemps, été, automne, hiver » évoquée au second paragraphe annonce le déroulement chronologique du roman dans son ensemble qui commence au printemps, se poursuit à l'été puis à l'automne et se termine au moment de l'hiver.

Mais surtout, en indiquant qu'il se prépare à écrire une chronique , Camus annonce un type de récit très marqué par le souci d'une chronologie rigoureuse : le chapitre II commencera par l'expression : « Le matin du 16 avril », et comportera, en tête de nombreux paragraphes, des indications temporelles, voire des dates précises (« le soir même », « le lendemain 17 avril », « un moment après », « l'après-midi du même jour », « à dix- sept heures», «le lendemain matin 18 avril»).

La suite du roman confirmera, en maints endroits, ce souci de suivre une chronologie détaillée, qui permet au narrateur de donner à son récit un caractère — ou une apparence — de grande objectivité . b) Un narrateur relativement discret Ce ton «objectif», le narrateur y parvient aussi en Cultivant la discrétion .

Le texte ne comporte pas une seule fois la mention du pronom personnel de la première personne du silgulier: on notera à cet égard la formulation de la première phrase qui, en évoquant « les événements qui font le sujet de cette chronique », occulte la personne même du chroniqueur.

Et le sujet de l'incise «on doit l'avouer » permet de masquer l'individualité du narrateur derrière le flou de l'indéfini « on » .

Cette discrétion s'explique dès lors que l'on sait que Camus a le souci de ne dévoiler l'identité de ce narrateur qu'à la fin du livre. c ) Un narrateur présent dans l’action Pour discret qu’il soit, le narrateur n’en est pas moins présent dans l’action.

Comme l'indique l’usage qu'il fait du possessif de la première personne du pluriel : en écrivant « notre ville ».

« nos concitoyens,», il se présente comme l'un des habitants d'Oran, l 'un des témoins de l'action qu'il va raconter.

D'entrée de jeu d'ailleurs, en écrivant au présent de l'indicatif, il se donne comme contemporain de ces êtres dont il va évoquer les aventures récentes d) Un narrateur apparemment détaché Cette présence dans l'action revêt toutefois caractère particulier : le narrateur apparait relativement détaché par rapport aux événements dont il va parler.

Ceci frappera le lecteur à sa seconde lecture : parler de « curieux » événements pour évoquer la peste, indiquer que ceux-ci sortaient « un peu » de l'ordinaire relève d'un usage de l’euphémisme à valeur humoristique.

Et cet humour semble indiquer que le narrateur, simple témoin, n'a pas-été très impliqué dans l'aventure dont il se fait le chroniqueur.

Cet apparent détachement a d’abord une valeur sur le plan de l'efficacité du récit ; le romancier provoquera un effet de surprise à la fin du roman et lui conférera un surcroît d'intensité en révélant que le narrateur apparemment distant n'était autre que Bernard Rieux, le héros le plus impliqué dans l'aventure.

Ce ton détaché a aussi un intérêt sur le plan de la signification du livre ; il donne à penser qu'un événement aussi extraordinaire et choquant que l'apparition de la peste — ou du fascisme — peut survenir sans qu'on y prenne garde, appartient au monde du quotidien (alors qu'un ton emphatique soulignerait, au contraire le caractère exceptionnel du fait).

Enfin, cette distance humoristique revêt — à seconde lecture — une valeur psychologique : elle trahit, chez le docteur Rieux qui a eu doublement à souffrir de cette période (avec la mort de sa femme et celle de son ami) une pudeur, une réserve, un refus de. »

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