Boileau
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
BOILEAU
1636-1111
SAMUEL JOHNSON, dans la notice qu'il consacre à Dryden dans ses Vies des Poètes anglais, remarque
que Boileau a été « le premier écrivain français qui se soit aventuré à parler dans ses vers de la
guerre moderne et des effets de la poudre ».
Il fait sans doute moins allusion à l'Ode sur la prise
de Namur qu'à l' Epître IV.
Ce n'est qu'une des preuves du « modernisme »de Boileau, aussi attentif
aux dernières recherches scientifiques (comme dans son Epître V) qu'aux mots nouveaux et rares,
ce
qui lui permet, tel un Parnassien, de faire rimer Coco avec Cusco (toujours dans la même Epître V).
Aussi pourrait-on supposer que, dans la querelle des Anciens et des Modernes, il ait pris le parti
de ces derniers; il semble qu'il ne se soit battu pour les premiers que par humeur et caprice, ce
qui lui permet d'ailleurs de s'avouer vaincu et de donner raison à tout le monde dans sa VIle Ré
flexion sur Longin, qui est un des meilleurs morceaux de critique de la littérature française et le
premier fondé sur des considérations d'histoire, de linguistique et de sociologie.
Johnson ajoute que les Anglais, « moins effrayés par la nouveauté », l'avaient précédé; on
trouve
en effet dans le Paradis perdu une étonnante description de l'artillerie infernale, description
pour laquelle Milton emploie des mots comme roter, boyaux, vomir, etc ...
et autres métaphores
digestives qui ne sont pas sans rappeler l'énergique réalisme du Repas ridicule ou de la Satire contre
les femmes :
...
Fait
même à ses amants, trop faibles d'estomac
Redouter ses baisers plein d'ail et de tabac,
dit Boileau d'une dame d'un repas sortant tout enfumée, et, décrivant les avaricieux, il utilise les mots
crasse, ordure, haillons, ignominie, il parle des souliers grimayants vingt fois rapetassés, de bas en trente
endroits percés, de
...
coiffes d'où pendait au bout d'une ficelle
Un vieux masque pelé presque aussi hideux qu'elle.
On s'étonne que Boileau se soit lancé dans des discussions sur la « noblesse » des mots, en
la refusant, par exemple, au mot âne, et l'on peut regretter qu'il ait légitimé la périphrase faible,
lui qui avait commencé (avec Molière) à mettre un bonnet rouge au dictionnaire.
A
l'égard de la poésie anglaise, Boileau semble n'avoir eu qu'une ignorance polie.
Johnson
dit qu'Addison avait envoyé ses poèmes latins à Boileau et que celui-ci, à ce qu'il paraît, en aurait
conçu quelque estime pour les dons des Anglais.
Mais, remarque pertinemment Johnson,« chacun
sait que Boileau avait un injuste et hargneux mépris pour la littérature latine moderne et que sa
réponse
avait sans doute été plus inspirée par la politesse que par l'admiration ».
Et plus encore
par l'humour, car les écrits de Boileau ne laissent guère transparaître de sympathie à l'égard de
l'Angleterre.
On y trouve même une Ode sur un bruit qui courut en 1656 que Cromwell et les Anglais
allaient faire la guerre à la France; œuvre de jeunesse, mais intéressante à différents points de
\'Ue : il est cuneux notamment de constater qu'elle se termine par une évocation de Jeanne d'Arc
-ici encore, Boileau, ennemi du merveilleux chrétien et des Pucelles épiques, fait ce qu'il condamne
(ou allait condamner).
Je ne citerai que les trois dernières strophes de cette ode (qui n'en a que
cinq, d'ailleurs).
Dulwich Gallery, Loudre.s.
Photo du A/usée..
»
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