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WELLS: L'Homme invisible

Publié le 03/03/2011

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wells

Au chapitre 24, les deux séquences temporelles — le récit de l'homme invisible relatant des expériences antérieures à son introduction au chapitre 1 d'une part, et l'épisode d'Iping d'autre part — se rejoignent. Un nouveau tournant s'amorce : les errances passées laissent la place à l'élaboration de plans meurtriers, et le conte tourne à la dystopie, le personnage principal se transformant en une sorte de fléau universel. La fin du chapitre 24 marque le retour au récit à la troisième personne, maintenu jusqu'à l'épilogue. Les événements dramatiques se précipitent avec une violence croissante. Le narrateur, jusqu'alors rapporteur, semble se changer en accusateur pour « noircir « dans un premier temps son personnage (voir le meurtre de l'innocent Wicksteed, p. 211) avant de plaider en sa faveur, lorsque de chasseur il devient proie. Présenté au départ comme une reconstitution d'événements, le récit, jalonné de témoignages de toutes sortes, tourne au procès, et s'achève sur un jugement.   

wells

« début du livre, mais le tour est plus grinçant, plus dramatique.

Les épreuves et échecs successifs de l'hommeinvisible (difficulté à saisir les objets, nudité, froid, rhumes, coups reçus, démêlés avec les chiens qui deviennentcauses de terreur...) donnent du monde une vision inversée, et fournissent un contrepoint sinistre aux loufoqueriesdu début. Au chapitre 24, les deux séquences temporelles — le récit de l'homme invisible relatant des expériences antérieuresà son introduction au chapitre 1 d'une part, et l'épisode d'Iping d'autre part — se rejoignent.

Un nouveau tournants'amorce : les errances passées laissent la place à l'élaboration de plans meurtriers, et le conte tourne à ladystopie, le personnage principal se transformant en une sorte de fléau universel.

La fin du chapitre 24 marque leretour au récit à la troisième personne, maintenu jusqu'à l'épilogue.

Les événements dramatiques se précipitent avecune violence croissante.

Le narrateur, jusqu'alors rapporteur, semble se changer en accusateur pour « noircir » dansun premier temps son personnage (voir le meurtre de l'innocent Wicksteed, p.

211) avant de plaider en sa faveur,lorsque de chasseur il devient proie.

Présenté au départ comme une reconstitution d'événements, le récit, jalonnéde témoignages de toutes sortes, tourne au procès, et s'achève sur un jugement.

L'extrême violence, l'intensité dramatique de la scène finale — où le lynchage de l'invisible apparaît commel'explosion d'une violence littéralement aveugle — contrastent avec les hypothèses formulées par le narrateur sur lesmotivations de son personnage. 2.

La focalisation externe : objectivité, comique, satire, visualisation de l'invisible Wells exploite ici les possibilités offertes par les changements de focalisation.

La première partie est traitée enfocalisation externe, c'est-à-dire que le personnage principal agit devant le lecteur, qui n'est jamais admis àpénétrer ses pensées ou ses sentiments.

L'intérêt de cette technique est évident quand il s'agit de romansd'aventures ou d'intrigue.

Wells ne nous révèle pas d'emblée tout ce qu'il y a à savoir sur le personnage, mais nousle montre par fragments successifs, utilisant comme un prisme le regard intrigué de son entourage.

Mais Wells nevise pas seulement à créer ou à entretenir le mystère, qui ne réside d'ailleurs pas dans l'existence de l'hommeinvisible, postulat préalable posé par le titre lui-même, mais plutôt dans son identité et dans les raisons de soninvisibilité.

La nature même du héros est une sorte de défi narratif.

Wells joue sur toute une gamme d'astucesnarratives permettant de rendre visible l'invisible, et, dans la première partie, le lecteur, en possession d'une desclefs du mystère, apprécie d'autant plus l'humour des situations qu'il est en position de supériorité par rapport auxpersonnages qui ne voient qu'à travers son accoutrement, et de fait ne voient pas l'homme invisible. Grâce au procédé de la focalisation externe, la description devient littéralement objective.

Les objets s'animent etdeviennent sujets.

(On comprend tout l'attrait de ce type de récit pour le cinéma.) Voir p.

48, ou p.

63 : « Le giletse débattit ; la chemise, en s'échappant, le laissa flasque aux mains de l'agent.

» L'alternative du récit non focalisé, de type classique, placerait le narrateur, étant donné la nature du héros, ensituation de produire des énoncés du style : « sa tête invisible appuyée sur des mains invisibles» (p.

130).

Choixnarratif difficilement tenable, si ce n'est de façon ponctuelle et humoristique. Cette vision objective est ainsi l'un des principaux ressorts du comique au début du livre (une manche vide qui pincele nez du pasteur, p.

45).

Par là même, elle devient aussi un véhicule privilégié de satire : les mouvements despersonnages, les bagarres, les poursuites aux abords des villes, sont transformés en autant de gesticulationsgrotesques et dérisoires (voir p.

60, entre autres). Le personnage de M.

Marvel, mi-clochard, mi-ermite, devenu propriétaire d'auberge grâce à sa rencontre avecl'homme invisible, est une autre trouvaille pour créer l'illusion de l'invisibilité.

Alors que nous connaissons bien sonapparence physique depuis le chapitre 9 (p.

67), le narrateur reprend par la suite systématiquement, à chaque foisque Marvel est censé être accompagné de l'homme invisible, les mêmes éléments typologiques : corpulence, nezcylindrique, chapeau usé, etc.

Le portrait n'a plus de valeur informative, mais, en revanche, cette redondancedescriptive suggère, en filigrane, la présence de l'homme invisible, comme si l'oeil du narrateur, invisible lui aussi,mettait en scène sa propre impuissance à décrire l'invisible, et se trouvait forcé de la traverser pour se concentrer,de façon inévitable et répétitive, sur le personnage qui l'accompagne.

Marvel devient ainsi une sorte de repoussoirde l'homme invisible, et sa description un signal qui déclenche chez le lecteur un réflexe : lui substituer la silhouetteinquiétante de l'Invisible. 3.

Narrateur/personnage : une partie de colin-maillard Le narrateur joue double jeu.

Il se présente au début du livre comme une sorte d'enquêteur, ayant recueilli diverstémoignages selon des méthodes qui restent mystérieuses.

Le mystère se révèle mystification dans l'épilogue, enforme de clin d'œil, où le narrateur s'escamote lui-même, se dépouillant de toute caractéristique humaine, nelaissant subsister à la fin de l'histoire qu'un résidu d'omniscience désincarnée : « Et, quoique le docteur Kemp aitcherché sans relâche de tous côtés, aucun être humain, en dehors de l'aubergiste, ne sait (...).

Personne n'ensaura rien jusqu'à sa mort.

» Voilà qui tout à coup désigne comme fiction ce qui nous avait jusqu'alors été présenté comme reconstitution oudivulgation de faits.. »

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